La restauration collective tire la sonnette d'alarme
Les professionnels peinent à revaloriser leurs contrats avec les acheteurs publics. Ils en appellent à l'État et aux collectivités territoriales afin de préserver les efforts engagés ces dernières années pour une alimentation plus locale et durable en restauration collective.

«Le moment est venu pour les pouvoirs politiques d'entendre l'urgence», a sommé Frédérique Lehoux, directrice générale de Geco Food service, lors d'une table ronde organisée au Salon des maires, le 22 novembre. La représentante de l'association d'industriels fabricants des produits à destination de la restauration collective était invitée à débattre de l'avenir de la restauration collective, secteur qui représente 7 % des achats alimentaires en France. Avec la forte inflation «les acheteurs publics ne disposent plus des moyens financiers pour acheter les denrées alimentaires issues de la filière France», alerte-t-elle. De l'autre côté «les en- treprises sont en train de se dire qu'elles vont se désengager de ces marchés» avec, à terme, le risque d'une hausse durable des importations.
«Le gouvernement a mis en place des dispositifs ciblés dès le PLFR pour aider les communes fragiles sur les cantines scolaires, l'alimentation et l'inflation», a défendu la ministre chargée des collectivités territoriales Caroline Cayeux devant l'Assemblée nationale, le 22 novembre. Au-delà des financements, le gouvernement a émis deux circulaires, une première en avril et une seconde en septembre, pour la réouverture des contrats et permettre aux acheteurs publics de répercuter les hausses subies par leurs fournisseurs. En parallèle, un avis rendu par le Conseil d'État en septembre a clarifié «la théorie de l'imprévision», justifiant la réouverture d'un contrat. Ces outils de «souplesse» ne sont «pas encore mobilisés», constate Frédérique Lehoux. Les pratiques du secteur, habitué à la stabilité, doivent encore évoluer. Résultat : la demande ne rencontre plus d'offre. Aujourd'hui, un appel d'offres en restauration collective sur quatre ne trouve pas de fournisseur, illustre Hervé Chevallier, responsable «intelligence marché» chez Vecteur Plus, entreprise spécialisée dans le suivi de la commande publique.
Risque de faire disparaître des filières
Selon le réseau Restau'Co (gestion directe), la hausse nécessaire pour couvrir l'inflation est de 20 ctsEUR. Plus de la moitié des communes ont aujourd'hui augmenté les tarifs de leurs cantines de 5 à 10 %, selon l'association des Maires de France. Patricia Moisson, productrice de lait bio et conseillère régionale en Pays de la Loire, relativise l'effet des hausses de prix en restauration scolaire sur le budget des familles. «Nous avons voté l'augmentation du prix du repas dans un lycée la semaine dernière à 15 ctsEUR par repas. Ça représente 25 EUR sur l'année scolaire», raconte-t-elle, tout en rappelant les difficultés rencontrées par certains parents.
Entre la hausse des coûts et les objectifs d'Egalim 1, passer commande vire au casse-tête pour les acheteurs publics. Le risque, insistent les professionnels, est de détruire les filières construites ces dernières années pour fournir les restaurants collectifs en produits durables. Les acheteurs commencent déjà à se détourner des produits bio, témoigne Marie-Céline Rollin, la directrice de Restau'Co. La forte inflation conduit à un «ralentissement» de la croissance du bio sur ce segment, abonde Éric Moreau, grossiste en fruits et légumes chez TerreAzur et président du comité régional Interfel en Île-de-France. Le fléchissement de la demande de la restauration collective et la hausse des prix de vente au détail pourraient amener les producteurs à se détourner durablement de ce débouché, alerte-t-il.
«Pour rendre le bio plus performant économiquement, il faut aider les agriculteurs à limiter leurs coûts de production et leur assurer une juste rémunération», assure le représentant régional de l'interprofession. Il évoque plusieurs pistes : donner plus de visibilité aux producteurs, offrir des débouchés spécifiques pour valoriser les fruits et légumes «moches» ou encore faire «collectivement» des économies tout au long de la filière, notamment en rationalisant le transport. En restauration scolaire, la part de produits bio représente environ 6 % des achats selon les données de l'Agence bio. Bien loin des objectifs de la loi Egalim 1 qui visait 50 % de produits durables dont 20 % de bio en restauration collective publique au 1er janvier 2022.
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