Manquera-t-on d'escargots pour Noël ?
Les producteurs d'escargots font peu parler d'eux, et pourtant ! La filière souffre du réchauffement climatique et de l'inflation.
C'est l'emblème de la gastronomie française... Entre 25.000 et 35.000 tonnes d'escargots sont consommées chaque année par les Français, premiers consommateurs au monde. Pourtant, plus de 90 % des escargots consommés sur le territoire national sont importés, depuis l'Europe centrale et les pays de l'Est notamment. La France compte quelque 400 producteurs, de toutes tailles, qui sont loin d'avoir la capacité d'approvisionner tout le marché national. Et cette année particulièrement, la production est en berne. L'escargot pourrait ainsi se faire rare sur les tables du réveillon...
Sécheresse : les escargots aussi, en bavent !
Installés à Saint-Remèze en Ardèche depuis 11 ans au sein des Escargots des Restanque», Cyrille et Valérie Delabre déplorent une année noire. «On a essayé de faire en sorte d'éviter les mises au parc lors des grosses chaleurs, explique cette dernière. Mais même après la mi-août, les températures sont restées très élevées, y compris la nuit. Cela a engendré de grosses mortalités, notamment sur les plus jeunes. C'est en effet la période de développement de l'appareil génital des naissains, ils sont donc très fragiles.» Résultat : la ferme a perdu «près de 60 %» de sa production.
Héliciculteur à Saint-Fortunat-sur-Eyrieux (Ardèche), Marc Lafosse dresse le même constat : «Avec le changement climatique, il est plus difficile de produire aujourd'hui qu'il y a 10 ans. J'essaie de m'adapter : depuis 3 ans, j'ai installé des filets d'ombrage sur les parcs. Malgré tout, j'ai eu des mortalités. On observe aussi une sensibilité accrue à certaines maladies, comme la bactériose.»
Installé à Saint-Félicien où il élève 80.000 escargots, Mike Vergnes souligne : «Aujourd'hui, on ne peut plus produire en continu de mai à octobre comme on le faisait auparavant ; on est obligé de renoncer à un mois de croissance durant l'été pour éviter les trop fortes chaleurs.»
À Albon, au nord de la Drôme, Patrice Lambert enregistre plus de 30 % de pertes. «On a pourtant mis en place des semis de ray-grass où les escargots peuvent se réfugier pour trouver un peu plus de fraîcheur et d'humidité. Mais cet été, ça n'a pas suffi.»
Des coûts de production qui flambent
Les héliciculteurs subissent aussi les hausses de prix, en particulier sur les emballages (conserves métalliques, verres...), mais également du beurre, «dont le coût a plus que doublé en un an», déplore Marc Lafosse. Pour Patrice Lambert, le modèle des héliciculteurs transformateurs est menacé : «Cela fait 33 ans que je suis installé et je n'avais jamais connu des temps aussi difficiles. J'ai dû décliner certains clients et renoncé à des salons comme le marché de Noël de Lyon que je n'ai jamais raté depuis 25 ans.»
Une filière encore peu structurée
Malgré ces difficultés, l'héliciculture a peu d'aides. «Comme nous avons de très petites surfaces, nous ne touchons rien de la Pac», souligne Valérie Delabre. Marc Lafosse enchaîne : «Notre filière manque de structuration et de références techniques. Les formations, très peu nombreuses, nous obligent à beaucoup tâtonner... On n'a pas non plus d'outils spécifiques adaptés à notre production, rien n'est mécanisé.» Depuis quelques semaines toutefois, un regroupement des héliciculteurs français est initié.
Pénurie : pourquoi le conflit ukrainien n'arrange rien...
Derrière la Pologne, l'Ukraine était devenue depuis quelques années l'un des principaux fournisseurs d'escargots. En 2020, le pays totalisait plus de 400 fermes qui produisaient jusqu'à 1.000 t d'escargots, dont la quasi-totalité était exportée vers l'Union européenne. Mais la crise sanitaire, et plus récemment le conflit avec la Russie, ont contraint nombre d'héliciculteurs à abandonner leur activité. Depuis la guerre en Ukraine, les escargotiers européens s'approvisionnent désormais en Roumanie, en Lituanie, en Pologne et en Hongrie. Mais ces pays ont eux aussi pâti de la sécheresse et ont du mal à absorber toute la demande.
Les pertes d'escargots bientôt reconnues en calamités ?
Dans le cadre de sa tournée départementale pour évaluer les pertes causées par la sécheresse, le comité départemental d'expertise des calamités agricoles a visité la Ferme des Restanques, à Saint-Remèze. Fabien Clavé, chef du service agricole à la DDT, indique : «Nous avons constaté des pertes de l'ordre de 50 % et nous avons demandé la reconnaissance dans le dispositif des calamités. Le comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) devrait se prononcer soit courant décembre soit le 18 janvier. Il précise : Le taux de perte n'est qu'indicatif et les indemnisations se feront au prorata des pertes constatées sur chacune des exploitations en fonction de leur moyenne olympique.» Affaire à suivre...
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