Les industriels de la charcuterie dans la tourmente
Principaux clients des éleveurs de porcs français, les industriels de la charcuterie sont confrontés depuis le début de l'année à une conjonction d'évolutions économiques particulièrement défavorable, ont indiqué les responsables de la fédération des entreprises du secteur (Fict), réunie en Assises à Paris fin septembre.
«Les matières premières carnées, qui pèsent pour 50 % des coûts de fabrication, se sont envolées, de + 64 % pour le porc et de + 29 % pour le poulet depuis le début de l'année.» C'est ainsi que Fabien Castanier, directeur de la Fict, plante le décor lors des assises de la fédération des industriels de la charcuterie. La facture énergétique s'est elle-aussi emballée. Sa part dans les coûts de production est passée de 1,8 % à 5,1 % entre 2021 et 2022, selon une enquête menée par la fédération auprès de ses adhérents, soit un surcoût total pour la profession de 227 millions d'euros (MEUR).
Marge des distributeurs
Côté recettes, en revanche, le compte n'y est pas. Les 460 industriels du secteur ont témoigné de leurs difficultés à répercuter les hausses de charges auprès de leurs clients distributeurs, hormis celles des matières premières agricoles, dont les évolutions sont prises en compte dans la loi Egalim. «Il est urgent que nous aboutissions à une issue très rapide et positive des renégociations en cours pour préserver la viabilité des entreprises de charcuterie», s'est alarmé le président de la Fict, Bernard Vallat. «Il est également nécessaire de rééquilibrer la valeur pour permettre à tous les acteurs d'être profitables et d'investir», a-t-il plaidé.
Le malaise des industriels est d'autant plus vif que le rayon charcuterie libre-service des grandes surfaces, où sont vendus près de 75 % des produits au détail, se porte bien. «C'est dans les rayons charcuterie et volaille que la marge nette des distributeurs est la plus élevée», a reconnu Philippe Chalmin, le président de l'observatoire de la formation des prix et des marges alimentaires (OFPM). Celles-ci s'élèvent respectivement à 6,9 % et 9,2 %, très supérieures à la boucherie, par exemple. Les différentes études exposées par la Fict montrent que l'essentiel de l'augmentation des prix de vente de la charcuterie depuis cinq ans a été récupéré par la distribution au cours de ces dernières années. «Si les lois Egalim 1 et 2 ont permis de répercuter les cours des matières premières agricoles, ces textes n'ont pas tout résolu, loin de là, surtout dans le contexte exceptionnel que nous vivons, a estimé Bernard Vallat. Des évolutions seront nécessaires du fait des variations sans précédent des coûts des matières premières non agricoles et de l'énergie. Nous voulons démontrer que nos produits sont mal payés et que la souveraineté alimentaire a un prix que les distributeurs et les consommateurs doivent respecter.»
Les éleveurs à la rescousse
Les industriels de la charcuterie ont reçu le soutien appuyé de Christiane Lambert, que la Fict avait invitée à s'exprimer sur le thème «Comment allier résilience économique et ambitions sociétales ?» «Il n'y a pas d'éleveurs de porcs heureux s'il n'y a pas des industries alimentaires qui travaillent et gagnent également leur vie», a assuré la présidente de la FNSEA, elle-même éleveuse de porcs. «Nos sorts sont liés. Il y a des alliances des rapprochements et des intérêts partagés entre producteurs et industriels. Le maillon qui nous pose problème, c'est le distributeur, dans un secteur très concentré où les enseignes s'allient pour acheter toujours moins cher.»
Invitée à clore les débats, Sophie Primas, la présidente de la Commission des affaires économique du Sénat, a reconnu les défaillances de la loi Egalim2. «La loi a apporté des effets très bénéfiques sur le secteur de la production agricole, avec la non-négociabilité des prix agricoles, mais elle n'a pas intégré le phénomène actuel d'inflation des matières premières industrielles, sur lequel se jouent les négociations aujourd'hui. On va devoir agir sur cette question. Le secteur de la transformation alimentaire ne doit pas être le dindon de la farce de ce processus législatif.»
Un pilier de la consommation alimentaire
La charcuterie est un pilier de la consommation en France, avec 9,2 milliards d'EUR de dépense et 99 % de foyers acheteurs. Le secteur présente encore une très grande diversité, avec 461 entreprises, dont 96 % sont des TPE et des PME. Le secteur, qui compte 30 000 salariés, transforme 1,2 million de tonnes de produits de charcuterie fabriqués à base de porc à 82 %, de volaille à 13 % et de boeuf et autres viandes à 5 %. 85 % du porc employé dans la production est d'origine France.
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