Le statut du fermage doit être protégé mais il doit nécessairement évoluer
Interview de Luc Rolland, agriculteur dans l'Oise et président de la section nationale des fermiers et métayers, administrateur de la FNSEA.

Vous êtes agriculteur à Montépilloy dans l’Oise. Quelles sont les caractéristiques de votre exploitation?
Luc Roland - J’ai repris l’exploitation de mes parents à Montépilloy en 1993, suite à l’arrêt brutal d’activité de mon père pour raisons de santé. L’exploitation comptait alors 244 ha de polyculture (céréales, betteraves, oléo-protéagineux), avec 2 salariés. Dans le même temps, je prenais la direction de la Distillerie agricole de Barbery. Cette double activité durera jusqu’en 1997, année de fermeture de la distillerie. En 2007, l’exploitation sera amputée d’une cinquantaine d’hectares, suite à la reprise de biens de famille par deux propriétaires.
En 2008, je reprends une exploitation de 110 ha à Trumilly, à 6 km de Montépilloy. Cette exploitation avait la particularité de comprendre un verger de pommes et poires à couteau d’une vingtaine d’hectares.
Après restructuration, nous venons, avec regrets, d’arrêter cette année la production arboricole. À l’origine à 100 % en fermage, l’exploitation compte actuellement une vingtaine de propriétaires hors cadre familial détenant plus de 60 % des terres.
Q - Vous venez d’être élu président de la SNFM. Quelles ont été vos précédentes responsabilités?
L.R. - Membre de la section départementale des fermiers dès mon installation, je suis assesseur au tribunal paritaire des baux ruraux de Senlis et membre de la CCPBR depuis 2000. En 2005, je succède à Yves Maurice à la présidence de la SDFM de l’Oise et entre au conseil d’administration de la SNFM en 2011. J’accède au bureau de la SNFM en tant que vice-président en 2014. En parallèle, depuis 2008, je suis président du Syndicat cantonal de Senlis (devenu cette année SEA Senlis-Chantilly) et vice-président de la FDSEA de l’Oise depuis cette année. Enfin, je suis administrateur de la Coopérative betteravière de Chevrières.
Vous avez montré votre opposition à des positions prises au sein de l’ancienne équipe de la SNFM. Pour quelles raisons?
L.R. - Votre question est un peu violente ! J’ai toujours été un ardent défenseur du statut du fermage, et je le reste. Nous constatons que, dans la majorité des régions et des départements, les relations entre fermiers et bailleurs sont bonnes, tant au niveau individuel qu’au niveau de leurs représentants respectifs. Sur nombre de sujets, les dossiers avancent (révision des barèmes de fermages, mise en place de grilles à points, révision des recueils d’usages locaux, etc.).
Force est de constater qu’il n’en est pas de même au niveau des instances nationales : le dialogue entre la SNFM et la SNPR est pour le moins compliqué depuis plusieurs années. Malgré la tentative initiée par la FNSEA de placer les discussions sous l’égide de la commission tripartite, les dossiers n’ont pas abouti. La commission tripartite était-elle la bonne structure ? Les intervenants étaient-ils les bons ?
Il ne s’agit absolument pas de pointer du doigt telle ou telle personne ou une section plutôt qu’une autre. Les torts sont très certainement partagés, et notre section en a tiré les conséquences. L’équipe de la SNFM a été assez largement remaniée et la volonté de tous de faire avancer les dossiers et de renouer les fils du dialogue entre nos deux sections est incontestable. Gageons qu’il en soit de même du côté de nos partenaires bailleurs !
Le statut du fermage a soufflé ses 70 bougies l’an dernier. Le représentant des Jeunes Agriculteurs nous a déclaré, lors de notre congrès à Dax en février, qu’il en reprendrait bien pour 70 ans! Oui, mais nous avons conscience que les fermiers d’aujourd’hui ne sont pas ceux de 1946 et les bailleurs non plus ! De même, les structures d’exploitations ne sont plus les mêmes et les attentes sociétales doivent être prises en compte!
Nous le voyons donc, le statut du fermage doit nécessairement évoluer, tout en conservant ce subtil équilibre entre les droits et les attentes de chacun, tout en garantissant la pérennité de nos exploitations, la qualité des biens qui nous sont confiés par nos bailleurs, et la juste rémunération de chacun.
Pourquoi chercher à définir un statut de l’agriculteur actif?
L.R. - Les enjeux sont multiples. Ce ne sont pas seulement les fermiers qui ont un intérêt à ce que le statut d’agriculteur actif soit clairement défini, mais l’ensemble de notre profession. La première raison est assez simple : peut-on laisser des terres être cultivées par des personnes dont ce ne serait pas le métier? Ceci est la porte ouverte à la dévalorisation de notre métier, la perte de nos savoir-faire, la désertification de nos campagnes et, au final, la diminution de notre compétitivité et de la productivité de nos exploitations.
La possibilité de reprise de terres par des non-agriculteurs qui les feraient travailler à façon est une vision bien court terme de la meilleure valorisation que celle apportée par la mise à bail. Le travail à façon est un miroir aux alouettes : qui maîtrise quoi ? quelle garantie pour l’avenir ? quelle responsabilité des uns et des autres ? quid de l’installation de jeunes agriculteurs ? et enfin, combien d’exploitations seraient mises en péril à force de démantèlements ? Il est urgent de reprendre la main pour ne pas mettre en péril nos structures d’exploitations qui sont devenues, au fil du temps, de véritables entreprises. Alors probablement, devrions-nous revenir à des choses plus simples pour définir ce statut de l’agriculteur actif, avec comme base la définition du Petit Larousse qui édicte qu’un agriculteur est «celui qui cultive la terre»...
Q - Vous vous êtes battu pour définir une nouvelle grille des fermages à points, applicable dans l’Oise depuis le 31 mars 2016. Comment est-elle perçue?
L.R. - La profession commence simplement à s’approprier cette grille à points dans le département, que ce soit de la part des agriculteurs, des bailleurs ou bien des notaires. Cependant, les retours sont, comme dans tous les autres départements qui l’ont mise en place avant nous, extrêmement favorables, tant du côté des fermiers, que du côté des propriétaires. Même si ce n’est pas un état des lieux, la grille permet à chacune des parties de bien avoir à l’esprit la qualité du bien qu’il loue, tant en termes de qualité de la terre, que de taille de parcelle, d’accessibilité ou de topographie. Elle laisse cependant suffisamment de latitude pour qu’existe toujours une réelle possibilité de discussion entre le fermier et le bailleur.
Une constante revient assez systématiquement : les parcelles de mauvaise qualité sont souvent louées trop cher, et le fermage de celles de bonne qualité est souvent minoré. Au final, tout le monde y trouve son compte, et aucun retour négatif ne nous a été signalé. L’établissement de cette grille est la résultante de discussions ouvertes et constructives entre les sections bailleurs et preneurs de notre département.
Le statut du fermage nous a permis de concentrer nos efforts sur des investissements productifs, de progresser et de développer nos exploitations pour en faire ce qu’elles sont aujourd’hui, des entreprises toujours plus performantes. Sans renier le passé, nous devons savoir faire évoluer ce statut afin de l’adapter aux défis qui sont à notre porte et afin de répondre pleinement aux aspirations des uns et des autres. Mais pour réussir cela, nous devons avoir la capacité à travailler de concert entre SNFM et SNPR. Je suis convaincu que nous en aurons les moyens, car nous en avons véritablement l’ambition.
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