L'Oise Agricole 09 mars 2024 a 07h00 | Par Richard Cremonini

«La luzerne est l'emblème de l'agroécologie»

La luzerne appartient au monde de demain. Agroécologie et économie devront s'allier pour résoudre les problèmes de souveraineté alimentaire et de respect de l'environnement.

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La Marne est à l'avant-garde de la production de luzerne dés-hydratée. La tenue le 8 février à Châlons-en-Champagne du 3ème symposium dédié à cette légumineuse, avec pour thème «la luzerne dans le monde de de-main», en est la meilleure traduction. Et l'annonce que le prochain congrès mondial de la luzerne aura lieu en novembre 2025 dans la Marne confirme ce leadership.

Éric Masset, agriculteur dans la Marne et président de La Coopération Agricole - Luzerne de France, organisatrice du symposium, le souligne avec conviction, «véritable emblème de la région champardennaise, la luzerne est légitime à rassembler toutes les forces vives de l'agriculture. Elle entend bien délivrer un message de mobilisation optimiste pour relever les défis de demain». Notamment «produire plus et mieux». Attention, «nous ne pouvons écarter de nos raisonnements l'économique, le revenu de nos fermes, la performance de nos coopératives, le dynamisme de nos territoires».

«La luzerne est l'emblème de l'agroécologie», poursuit-il, en raison des services écosystémiques et environnementaux qu'elle rend. Mais ces services «ne sont pas rémunérés à leur juste valeur à l'agriculteur». Même si la luzerne bénéficie toujours d'une aide couplée et que l'ouverture de l'éco-régime est une bonne chose. Fait marquant, la filière luzerne déshydratée est aujourd'hui décarbonée. Son bilan carbone sera à zéro en 2024.

Nous marchons sur la tête

Grand témoin, Érik Orsenna a fait le lien entre les différentes interventions avec intelligence et humour et en rétablissant des vérités de bon sens. Porté par son talent oratoire, il a revêtu sa cape de grand défenseur de l'agriculture française et de la luzerne, cette légumineuse aux vertus exceptionnelles. Écrivain, membre de l'Académie française, professeur d'économie, il vient de publier «L'agriculture à la croisée des chemins», un ouvrage qu'il cosigne avec l'ancien ministre de l'Agriculture Julien Denormandie. «Notre conviction est que nous marchons sur la tête» souligne Érik Orsenna pour qui «nous méprisons l'essentiel, nos agriculteurs». Et de dénoncer «la tyrannie des prix bas». Puis encore, «comment se fait-il qu'on adore importer ce qu'on s'interdit de produire ?». Fustigeant les surtranspositions réglementaires, «il y en a marre de se tirer des balles dans le pied», il s'inquiète du scepticisme de la société en matière d'innovation, «comment dans le pays de Pasteur peut-on dédaigner à ce point la science ?». «Passionné par la luzerne», il appelle à une réconciliation pour en finir de cette déchirure entre «les agriculteurs et ceux qu'elle nourrit». Mais il prévient, l'agriculture ne doit pas produire sans prendre en compte la préservation de l'environnement, de l'eau, et de la santé. Érik Orsenna en est convaincu, la luzerne peut apporter des réponses pour que demain le monde soit meilleur.

Fabien Santini, chef d'unité ad-joint gouvernance des marchés agroalimentaires de la Commission européenne a exposé l'ana-lyse stratégique de la commission européenne sur la construction de l'agriculture de demain et les moyens mis en place pour accompagner la transformation des métiers des agriculteurs.

Le Crédit Agricole s'engage

Enfin, Jean-Christophe Roubin, directeur de l'agriculture et de l'agroalimentaire de Crédit Agricole S.A. a évoqué les outils financiers mis en oeuvre pour faciliter les défis futurs. Selon lui, la souveraineté alimentaire et la décarbonation sont au coeur des enjeux du secteur agricole. «Le Crédit Agricole s'engage à accompagner le monde agricole dans sa démarche de décarbonation tout en renforçant sa souveraineté alimentaire en se mettant au service des feuilles de route fixées par la profession et les filières, à l'échelle de la Ferme France et de l'exploitation», affirme-t-il. La banque met en place des dispositifs structurants pour porter son action. Notamment une plateforme de crédits carbone avec France Carbone Agri, et un fonds de transition doté d'un milliard d'euros.

Augmenter l'efficacité de l'azote

Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l'Inrae, par ailleurs spécialiste des légumineuses, a réaffirmé le rôle majeur de la luzerne dans les grands équilibres agronomiques et nutritionnels de la ferme France. Il est l'un des tout premiers concepteurs des systèmes agricoles de demain, ceux que les citoyens demandent : ultra-sobres en chimie, peu émetteurs de gaz à effet de serre, protecteurs de la biodiversité. «La luzerne : pour ne pas avoir à choisir entre la fin du mois, la faim dans le monde et la fin du monde !», lance-t-il en introduction de ses propos. Si l'Europe importe 60 % de ses besoins en protéine, la France est exportatrice. Il rappelle qu'il faut 4 522 m² pour nourrir une personne en France, ce n'est pas loin de la moitié d'un hectare. Sur ces surfaces limitées il faut augmenter l'efficacité de l'azote et réduire les pertes. En élevage, moins de monogastriques et valoriser les ruminants. Augmenter la luzerne dans des systèmes optimisés met de l'azote à disposition des cultures suivantes. Il invite à explorer la piste des protéines de luzerne dans l'alimentation humaine.

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