«L’idée m’est venue lors du premier confinement, à la mi-mars 2020. On voyait à la télévision les rayons dévastés des supermarchés, la crainte de manquer qu’ont ressentie beaucoup de gens. Certains se sont rendus compte que le lait est un aliment de première nécessité. Du coup, mon épouse et moi, nous nous sommes demandé ce que nous pourrions faire pour que notre production soit accessible directement aux consommateurs», explique l’éleveur de 41 ans, installé en 2016 après avoir été salarié agricole.

Il se renseigne sur la réglementation inhérente à la vente de lait à la ferme et l’option «vente de lait chaud après la traite» lui paraît la plus réalisable et la moins coûteuse. En effet, au niveau sanitaire, il suffit juste de produire régulièrement des analyses de lait sur l’absence de salmonelles, d’Escherichia coli et listeria. Bien sûr, il faut avoir obtenu l’agrément pour vendre de la part de la DDPP (direction départementale de la protection de la population) qui est d’ailleurs venue sur place contrôler.

«J’ai alors bricolé un distributeur de lait encore chaud, tout juste sorti de traite, à l’aide d’une pompe à pied que le client actionne pour remplir sa bouteille. Comme cela, il n’a aucun contact direct avec le lait, c’est plus sûr sanitairement», témoigne Jérôme Foucque. C’est donc en avril qu’il a lancé cette proposition et s’est fait connaître via les réseaux sociaux : les clients étaient attendus à la ferme entre 18 h 30 et 19 h 30, en extérieur pour des raisons sanitaires. Et ils sont venus, nombreux, des voisins, des habitants des villages alentour, dont la moitié sont restés fidèles.

«Au départ, c’était l’attrait de la nouveauté, le prétexte pour braver le confinement et puis certains, habitués au lait en brique, n’ont pas aimé le goût prononcé du lait entier. Il a aussi fallu expliquer aux clients qu’il faut faire bouillir le lait avant de le consommer», sourit Jérôme Foucque.

De la convivialité retrouvée

En vendant son lait 0,67 €/l, «comme cela, cela fait 1 € pour une bouteille plastique d’1,5 l», l’éleveur ne compte pas faire fortune, car ses ventes vont de 20 à 80 l, loin des 500.000 litre annuels qu’il produit. «C’est surtout un moyen de communiquer autour de l’agriculture. Les clients viennent en famille et adorent voir les petits veaux. Et puis il y a une bonne ambiance entre les clients. J’ai même aménagé un auvent à l’entrée de la laiterie pour que cela soit plus confortable lorsqu’il fait mauvais temps», détaille Jérôme Foucque.

Avec le couvre-feu, l’éleveur a dû modifier ses horaires ; le distributeur est accessible dorénavant le samedi matin de 8 h 30 à 9 h 30. L’arrivée des beaux jours incitera les consommateurs à revenir sur l’exploitation familiale. «Mon épouse Mathilde et ma soeur Christelle adorent recevoir les clients. C’est un vrai plaisir de voir les gens repartir heureux de ce qu’ils ont vu et du produit qu’ils ont acheté. Certains nous apportent même des gâteaux qu’ils ont confectionnés avec notre lait. On a créé une vraie convivialité autour de ce projet modeste», se réjouit l’exploitant.

Il est vrai que l’investissement financier de départ a été modique et finalement, la ferme est devenue un point de rencontre entre les habitants, dans le respect des gestes barrières bien sûr. Elle est surtout là la vraie satisfaction d’avoir eu cette idée. «Tant que les clients viennent et sont contents, je continue ; ce contact avec le consommateur a du sens», conclut Jérôme Foucque.