L'Oise Agricole 16 janvier 2025 a 08h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

«Un rêve de gosse qui se réalise»

C'est en ces termes que parle Romain Roscouët, jeune agriculteur de 35 ans, installé en élevage viande bio sur une ferme herbagère de Saint-Germer-de-Fly, grâce à une opération foncière menée par la Safer Hauts-de-France. Elle a également permis la restructuration parcellaire de trois autres attributaires grâce à l'intervention de nombreux partenaires institutionnels.

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- © DLC

«En 2019, l'association Réagir m'a mis en contact avec un exploitant agricole propriétaire qui souhaitait céder sa ferme, 62 ha de terres et herbages ainsi que le matériel. J'ai évalué l'actif, puis l'exploitant Jean-Claude Hénaut nous a signé, en mai 2020, au sortir du confinement, un mandat pour chercher un locataire», témoigne Patrick Tournay, conseiller foncier Safer de ce secteur de l'Oise. Malheureusement, l'homme décède une semaine plus tard, laissant derrière lui 21 héritiers. Maître Plaskowski, notaire à Saint-Germer-de-Fly en charge de la succession, parvient à les convaincre de signer avec la Safer Hauts-de-France une convention de mise à disposition de 3 ans qui permettra d'entretenir la ferme tout en leur laissant le temps de la réflexion sur son devenir.
En novembre 2022, les héritiers se décident à finalement vendre et signent une promesse de vente au profit de la Safer. «C'était compliqué car il a fallu 6 mois pour recueillir l'ensemble des signatures et par ailleurs, l'ensemble comprenait des parcelles agricoles mais aussi des bois, un corps de ferme», précise Patrick Tournay.

L'opportunité d'installer
Le bien rentre alors dans la procédure Safer et fait l'objet d'appels à candidatures, via L'Oise Agricole, un affichage dans les mairies des 4 communes concernées ainsi que sur les sites internet de la Safer Hauts-de-France et de la Draaf. La Safer réceptionne une vingtaine de candidatures, pour tout ou partie de l'exploitation.
À cette époque, Romain Roscouët est salarié agricole et partage son temps sur deux exploitations du pays de Bray. «Je ne suis pas d'origine agricole, mais j'ai toujours su que je voulais faire ce métier. J'ai suivi un Bepa en alternance à la MFR de Songeons, puis je suis rentré dans le monde du travail.»
Mais il sait que s'intaller quand on n'est pas du métier peut s'avérer très difficile. «Je connaissais cette ferme et quand elle était proposée en cession, avec l'un de mes employeurs, Régis Horcholle, nous avions envisagé de nous associer pour la reprendre. Quand elle a été mise en vente, cela a totalement changé la donne. J'ai alors contacté Terre de liens, dont je connaissais le travail.»
En effet, l'association aide des jeunes à s'installer en agriculture en portant le foncier et leur signant des baux à clauses environnementales. Loïc Wojda, chargé de projets dans l'Oise à Terre de liens, se souvient que la candidature de Romain Roscouët sortait de l'ordinaire : «un excellent candidat, avec une solide expérience dans l'agriculture et un projet qui tenait la route.»
Et puis, comme Terre de liens ne s'engage qu'avec une vision de long terme, les terres et herbages proposés avaient des arguments : plus de cinquante hectares en quatre îlots et la possibilité de maintenir l'élevage bovin dans une région où les jeunes ont plutôt tendance à l'abandonner. Enfin, avec les haies, les zones humides en bordure de l'Epte, l'ensemble présentait aussi un enjeu en termes de qualité de l'eau et de biodiversité.
«Terre de liens a donc investi 470.000 EUR pour cette ferme avec l'appui de l'Agence de l'eau Seine-Normandie et de la Région. Jusque-là, dans les Hauts-de-France, nous avions surtout acheté des surfaces plus modestes et étions très peu présents dans l'Oise. Ce projet marque ainsi une nouvelle étape dans notre développement sur ce territoire», se réjouit Loïc Wojda.
«J'ai beaucoup apprécié le professionnalisme de Terre de liens dans l'examen de ma candidature. Loïc Wojda a réalisé un état des lieux très précis de l'exploitation, pour mesurer la viabilité du projet que je portais. Clôtures, haies, qualité des terres et des herbages... tout a été expertisé, reconnaît Romain Roscouët. Grâce à Terre de Liens, je n'ai eu qu'à financer l'achat du corps de ferme ainsi que quelques hectares autour afin de pouvoir me développer à terme en toute liberté.»
Le comité technique départemental de la Safer examine les candidatures et répartit l'ensemble comme suit (voir encadré) :
- une parcelle de 52 ares à Régis Horcholle qui va lui permettre de réunir deux îlots disjoints
- 2,12 ha d'herbages à Mahité Fagot pour conforter son centre équestre jouxtant
- 2,72 ha à Christophe Godin, agriculteur pluriactif pour conforter son exploitation
- 2,37 ha, la maison d'habitation et le corps de ferme à Romain Roscouët, qui s'installe en conversion élevage bovin viande bio
- le reste, soit environ 54 ha, à la Terre de liens qui a validé de son côté le projet de Romain : l'association achètera le foncier et signera un bail rural avec clauses environnementales au jeune éleveur.
La Safer achète l'ensemble en décembre 2023 au prix de 598.000 euros en l'étude de maître Ponthieu, successeur de maître Plaskowski. En attendant la rétrocession définitive, la Safer signe une convention d'occupation précaire avec Romain Roscouët. C'est finalement le 25 juin 2024 que les actes de vente sont signés.

Le rêve prend forme
«Le cahier des charges ne m'a posé aucun problème car, même si je n'ai pas encore le label bio, j'en applique déjà les principes. Je dois garder les haies et les arbres, respecter les zones humides qui sont voisines de la réserve naturelle des larris et tourbières de Saint-Pierre-es-Champs, gérée par le Conservatoire d'espaces naturels des Hauts-de-France. Ce dernier a été très favorable à mon installation, très cohérente avec la volonté de préservation de ce territoire», précise Romain Roscouët. Installé officiellement en avril 2024, le jeune agriculteur se consacre totalement depuis août à la remise en état du corps de ferme qui est resté à l'abandon pendant quelques années et dont  l'outillage et les matériaux ont été pillés. Il va abattre quelques appentis, mais l'essentiel des bâtiments d'élevage est solide et assez grand pour développer son troupeau à terme. Il taille les haies qui avaient pris trop d'ampleur et nettoie les ronces. Pour l'instant, son cheptel est de 25 vaches allaitantes charolaises, qu'il nourrit avec du foin, de l'ensilage ou de l'enrubannage produits sur les herbages. Comme ces derniers sont sur d'anciennes tourbières, l'herbe pousse toujours, même en cas de sécheresse estivale, un gain de temps et d'argent.
Un atout pour l'éleveur qui, grâce à ses 13 ha de terres labourables, cultive des cérales bio destinées à son troupeau. «Je suis autonome pour l'alimentation. J'apprends à bien connaître ma ferme qui a la chance d'être groupée en quatre îlots autour des bâtiments. À terme, je voudrais monter à 40 vaches allaitantes.»
Romain Roscouët rénove la maison d'habitation afin que son épouse et ses deux enfants puissent s'y installer, la famille habitant pour le moment Villembray. «Ce sera vraiment une grande joie d'habiter sur place, dans un environnement préservé : le pays de Bray est vraiment un endroit chouette pour vivre !» À voir son sourire, on le croit volontiers.

Les autres attributaires


Christophe Godin, 55 ans, est pluri-actif, menuisier et éleveur ovin. «Ces parcelles d'herbage, dont j'étais voisin, vont me permettre de faire du foin pour mes moutons. Mes parents étant aussi agriculteurs, à terme, je pourrai récupérer quelques herbages et, pourquoi pas, développer un autre élevage. Mon idée est de laisser quelque chose à mon fils. Je suis très satisfait d'avoir pu acquérir ces herbages.»
Mahité Fagot et son mari exploitent à Saint-Germer-de-Fly les écuries d'Albizia, un centre équestre qui accueille également des chevaux en pension. Ils ont acquis une parcelle d'herbage qui est voisine de leur installation. «C'était une opportunité pour nous. Les clôtures étaient en bon état, le fond est un peu humide. 2024 n'a pas été une bonne année pour les fourrages, mais nous espérons pouvoir faire du foin pour nos chevaux les prochaines années.»
Régis Horcholle, producteur laitier bio à Dancourt-Saint-Étienne (76), s'est vu attribuer une petite parcelle d'herbage de 52 ares. «Elle est juste entre deux parcelles que j'exploite déjà, ce qui va me permettre de les réunir en un seul îlot, que je vais remettre totalement en herbe pour faire pâturer. C'est une restructuration parcellaire tout à fait intéressante pour moi.»

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