Un «prix plafond» sur la compensation aérienne
Le ministère de la Transition écologique a mis en consultation un projet de décret détaillant les modalités de compensation carbone des émissions des vols domestiques. Un texte comprenant un «prix plafond» pour les crédits carbone réalisés en Europe.
La publication est restée discrète. En application de la loi Climat, le ministère de la Transition a mis en consultation le 17 décembre le projet de décret fixant le cadre dans lequel les compagnies aériennes seront tenues de compenser les émissions des vols domestiques. «C’est un texte qui va dans la bonne direction», salue Vincent Etchebehere, directeur du développement durable d’Air France.
Depuis le 1er janvier 2022, les opérateurs doivent en principe compenser au moins la moitié de leurs émissions de leurs vols domestiques en «privilégiant» les projets européens. Le projet de décret précise que la proportion de compensation «locale» imposées au compagnies sera fixée ultérieurement par arrêté. Mais il introduit surtout une nouveauté : «Un niveau de prix du CO2 pour les projets mis en oeuvre sur le territoire de l’Union européenne au-dessus desquels ce pourcentage (d’émissions compensées en UE, ndlr) ne s’applique pas.» Autrement dit, une limite de prix au-delà de laquelle la préférence européenne sera caduque. Une manière de limiter les surcoûts induits par la nouvelle réglementation.
Pour Air France, ce seuil ne devra pas dépasser 20 à 25 E par tonne, afin de limiter le coût pour les compagnies. «Il faut que les prix des projets en France ou en Europe ne soient pas décorrélés de ce qu’on peut voir ailleurs dans le monde», défend Vincent Etchebehere, alors que la compagnie compense déjà les émissions domestiques depuis début 2020. Mais la plupart des agriculteurs peineront à stocker plus de 1 t/ha, rappelle Olivier Dauger, administrateur de la FNSEA en charge du climat. Et pour lui, «25 E/ha ne permettront pas d’encourager la transition».
Un seuil international
La plateforme agricole déjà opérationnelle à l’heure actuelle, France Carbone Agri, vend d’ailleurs déjà ses crédits plus cher que le plafond envisagé par Air France, à 38 E/t. À un plafond fixe trop faible, la FNSEA préférerait donc un seuil variable, défini par rapport au prix du carbone sur le marché international. «Le carbone va avoir tendance à monter avec des réglementations carbone et des normes de plus en plus strictes», prévoit Olivier Dauger.
Quelle que soit l’option retenue, si le prix proposé des crédits ne suffit pas, le complément de financement des projets pourrait venir, selon Air France, des aides de l’Europe. Ou même des soutiens de régions et collectivités intéressés par l’idée d’une «neutralité territoriale». «Nous avons eu la même discussion avec les industriels de l’agroalimentaire. Mais l’enveloppe de la Pac est limitée, et si l’on prend l’argent dans une poche pour le remettre dans l’autre, ça ne sert à rien», regrette Olivier Dauger.
Une aide vers la neutralité
Le décret en consultation ne précise pas quelle proportion de leurs émissions les compagnies aériennes devront compenser en Europe. Dans la ligne des débats qui avaient eu lieu à l’Assemblée autour de la loi Climat, le ministère de la Transition envisagerait, dans un arrêté à venir, de fixer un volume d’au moins 50 %. «Notre recommandation serait que la proportion de compensation européenne soit progressive dans le temps», confie Vincent Etchebehere. Car l’objectif de 50 % de compensation européenne demeure pour lui encore «lointain», faute d’une offre de crédits suffisante.
Autant de débats techniques qui, observe Olivier Dauger, détournent peut-être l’attention du véritable enjeu. Car au-delà du prix des crédits, ou du volume d’achat des entreprises, «la neutralité va être imposée au secteur agricole comme à tous les autres secteurs», prédit l’élu syndical. D’ici quinze ou vingt ans, envisage-t-il, la réglementation pourrait forcer non seulement les compagnies aériennes, mais également les agriculteurs à réduire drastiquement leurs émissions. Et les aides européennes ou les aides à l’investissement comme celles du Plan de relance pourraient être alors conditionnées au respect de trajectoires climatiques individuelles. Entre-temps, si le marché carbone ne finance pas l’intégralité des coûts dans les fermes, il permettra donc au moins de se préparer au choc.
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