L'Oise Agricole 16 avril 2023 a 11h00 | Par JG

Relations commerciales: ce que dit la nouvelle loi

La loi portant sur l’équilibre des relations commerciales issue de la proposition de loi du député Frédéric Descrozaille a été promulguée et publiée au Journal officiel du 31 mars. Retour sur les principales mesures qui concernent l’alimentaire et le calendrier de mise en oeuvre.

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- © JC Grelier

Après de multiples revirements, le Parlement a trouvé un accord à la mi-mars sur la nouvelle loi encadrant les relations commerciales, issue de la proposition de loi portée par le député Renaissance Frédéric Descrozaille. Sans pouvoir être qualifiée de loi Egalim 3 d’après ses auteurs, elle vient prolonger et étendre des dispositifs introduits par Egalim 1 en 2018 puis Egalim 2 en 2021.

Discuté en pleine période de négociations commerciales, particulièrement tendues en raison de l’inflation, le texte a créé des remous entre industriels et distributeurs. Chaque partie a défendu ses intérêts à coups de tribunes, de communiqués et même d’un encart publicitaire financé par un certain distributeur. La version finale du texte fait l’unanimité chez les représentants des industriels, tandis que la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) fustige un texte «irresponsable».

Sur la territorialité des lois Egalim 1 et 2

C’était le premier objectif affiché par la proposition de loi : réaffirmer la territorialité des lois Egalim 1 et 2 pour éviter qu’elles ne soient contournées par des centrales d’achats implantées à l’étranger. Le texte entérine que les dispositions du Code du commerce encadrant les relations commerciales s’appliquent à tous les contrats entre un fournisseur et un acheteur «portant sur des produits ou des services commercialisés sur le territoire français».

Il dit aussi que ces dispositions sont «d’ordre public» et que «tout litige portant sur leur application relève de la compétence exclusive des tribunaux français».

Sur la protection des matières premières agricoles

Nouveauté introduite lors des débats au Sénat : la non-négociabilité des matières premières agricoles (MPA) est désormais étendue aux produits de marque de distributeur (MDD). Une renégociation annuelle est obligatoire pour tenir compte de la variation de la MPA lorsque les contrats sont d’une durée supérieure à douze mois. La sénatrice Anne-Catherine Loisier (centriste), rapporteure du texte, avait expliqué vouloir «poursuivre (le) travail de préservation de la rémunération des agriculteurs», alors que les produits MDD séduisent de plus en plus les consommateurs à la faveur de l’inflation.

D’après les calculs du panéliste IRI, les MDD représentent aujourd’hui plus de 30 % des parts de marché en valeur sur les produits d’épicerie et près de la moitié sur les produits frais (crémerie, viande, surgelés). Afin de mieux suivre les baisses et les hausses de prix, la clause de révision automatique en cas de forte variation des prix des MPA devra être mise en oeuvre dans un délai d’un mois après son déclenchement.

En outre, le ministre de l’Agriculture aura la possibilité d’accorder des dérogations à l’obligation d’introduire des clauses de renégociation dans les contrats, sur demande de l’interprofession ou d’une organisation professionnelle lorsqu’il n’existe pas d’interprofession. Enfin, l’attestation du tiers de confiance en cas de recours à l’option 3 de transparence sur la part de MPA dans le tarif du fournisseur devra être délivrée avant et après la négociation. La certification aval, déjà obligatoire, sert à attester que la négociation n’a pas porté sur la part de MPA dans le tarif. Elle est complétée par une attestation amont qui certifie que l’évolution de tarif demandée par le fournisseur «résulte de celle du prix des matières premières agricoles». Le document sera communiqué au distributeur «dans le mois qui suit l’envoi des conditions générales de vente».

Sur le SRP + 10 et les promotions

Le texte visait également à prolonger deux dispositifs de la loi Egalim 1 : le relèvement du seuil de revente à perte (SRP + 10) et l’encadrement des promotions. Le premier est prolongé jusqu’au 15 avril 2025, et les fruits et légumes sont désormais exclus du champ d’application. Le second est prolongé jusqu’au 15 avril 2026 et concernera les produits de grande consommation non alimentaires à partir du 1er mars 2024. La prolongation du SRP + 10 a fait débat.

Ce dispositif est en effet soupçonné par certains parlementaires de bénéficier essentiellement à la grande distribution. Pour mettre cela au clair, il est prévu que chaque année les distributeurs aient l’obligation de fournir au gouvernement un document «présentant la part du surplus de chiffre d’affaires enregistré [...] qui s’est traduite par une revalorisation des prix d’achat des produits alimentaires et agricoles auprès de leurs fournisseurs».

Sur les modalités en cas de non-accord au 1er mars

La loi instaure un dispositif expérimental de trois ans pour encadrer les cas où un fournisseur et un distributeur ne trouvent pas d’accord avant le 1er mars. Elle donne deux possibilités aux fournisseurs : mettre fin à la relation commerciale avec le distributeur «sans que ce dernier puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale» ou demander l’application d’un préavis qui tiendra compte «des conditions économiques du marché».

Les deux parties auront la possibilité de saisir le médiateur pour fixer les conditions d’un préavis en cas de non-accord. Si un accord est trouvé à l’issue de la médiation, le tarif est appliqué rétroactivement aux commandes effectuées depuis le 1er mars. Dans le cas contraire, le fournisseur pourra mettre fin à la relation sans préavis. Parallèlement, le texte incite les deux parties à conclure leurs contrats. D’abord, ne pas avoir négocié de «bonne foi» avec son partenaire commercial pourra etre considéré comme une pratique restrictive de concurrence lorsque cela aboutit à un non-accord. En outre, la loi relève l’amende administrative encourue en cas de non-respect de la date butoir. Elle passe à 200 000 € pour une personne physique et 1 M€ pour une personne morale (contre 75 000 et 375 000 € auparavant) et pourra être doublée en cas de réitération du manquement.

Sur les pénalités logistiques

La loi comporte différentes mesures visant à encadrer plus fortement les pénalités logistiques infligées par les distributeurs à leurs fournisseurs. D’abord, elle plafonne les pénalités à 2 % de la valeur de la marchandise commandée. Elle entérine également le fait que le client doit apporter la preuve du manquement pour justifier la sanction. En outre, il ne pourra plus infliger de pénalités pour des manquements intervenus plus d’un an auparavant. Les deux parties auront l’obligation de transmettre à la DGCCRF les sommes reçues et versées chaque année dans une logique de transparence. Le texte instaure la possibilité pour le gouvernent de suspendre l’application des pénalités logistiques par décret «en cas de situation exceptionnelle [...] affectant gravement les chaînes d’approvisionnement», comme cela a été le cas pendant la crise Covid.

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