L'Oise Agricole 05 décembre 2018 a 09h00 | Par Dorian Alinaghi

Réalité virtuelle, big data, l’agriculture surfe sur le numérique

L’agriculture est un enjeu majeur du XXIe siècle et connaît une révolution technologique sans précédent. Des champs jusqu’au bureau, ces technologies s’immiscent partout dans l’exploitation agricole. Cette révolution numérique, qui alliera machinisme et numérique agricole, a été débattue à l’Agrilab à Beauvais.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
Utilisation de la réalité virtuelle pour construire un tracteur. (© Dorian Alinaghi)

Cet événement est organisé par le Pôle territorial en innovation, Agritech et Numérique agricole, un écosystème innovant réunissant les acteurs experts dans le domaine de l’agrobusiness sur le territoire du Beauvaisis : depuis le 14 mai 2018, la Communauté d’agglomération du Beauvaisis, soutenue par la Région Hauts-de-France, s’est entourée d’UniLaSalle, d’Isagri, d’Agco, de Gima et du Cetim pour créer ce pôle. Plus d’une soixantaine de personnes ont participé à l’événement le 29 novembre afin de découvrir la révolution agricole 3.0.

Conception du matériel agricole

La réalité virtuelle pourrait permettre aux agriculteurs de détecter un problème dans un champ, où qu’ils soient. La réalité virtuelle a le potentiel de fournir aux producteurs les manuels d’utilisation et d’entretien de leur équipement agricole. Cette technologie permettrait également aux citadins d’avoir un aperçu de la vie dans une ferme. Les espoirs et l’engouement que suscite la réalité virtuelle sont fondés sur la capacité de vivre une expérience ou d’explorer un lieu sans s’y trouver physiquement. Les préoccupations principales sont la réduction des délais de conception et la diminution du nombre de maquettes physiques dans un contexte de grande diversité de produits, liés aux différentes gammes de tracteurs et au nombre important de pays où elles sont commercialisées. «Cette technique accroît la vitesse du développement et donc accélère la mise sur le marché des produits» explique Bruno Sap, responsable design et recherche avancée. Il ajoute : «Grâce à ce système, nous allons aussi pouvoir échanger avec nos collègues des autres centres R&D d’Agco, à travers le monde, et collaborer en nous retrouvant dans un univers virtuel.»

Des machines pour répondre aux enjeux environnementaux

Au niveau global, nourrir une planète dont la population ne cesse d’augmenter. Et à l’échelle locale, maintenir la compétitivité de l’agriculture française, tout en respectant des contraintes réglementaires de plus en plus exigeantes en matière d’utilisation de produits phyto-sanitaires. Répondre, aussi à une demande croissante de produits plus sains de la part des consommateurs, sans pour autant augmenter les prix. Ce sont les défis de l’agriculture du XXIe siècle. Dès lors, Simon Ritz, titulaire de la chaire Agro-machinisme & nouvelles technologies, et Philippe Touchais, chef du service production végétales et agronomie à la Chambre d’agriculture de la Somme, sont venus présenter les enjeux du numérique au niveau agricole et environnemental. L’exemple donné durant cette table ronde est la ferme 3.0. Elle n’est pas située à la Silicon Valley mais bel et bien dans la Somme, à Aizecourt-le-Haut. «Cela fait déjà 3 ans que la ferme 3.0 a été créée. Nous avons une convention de sept ans pour le développement d’expérimentations afin de tester les nouvelles technologies, les objets connectés, la robotique… et de les diffuser dans la grande région et en France. Nous opérons en grandeur nature, sur une vraie ferme, ce qui ne se pratique pas beaucoup. En étant chez un vrai agriculteur, il faut toujours assurer la rentabilité de l’exploitation. Nous y avons intégré la dimension agroécologique, en produisant autant, voire plus, avec moins de produits phytosanitaires» explique Philippe Touchais.

L’ADN de la ferme repose sur quatre piliers : des programmes numériques, un conseil global et technique, des expérimentations au champ, la traçabilité et la saisie des données.

On peut donc apercevoir un drone-hélicoptère qui reconnaît les différents types de plantes, un drone doté d’un système de pulvérisation intégré, un automoteur qui transfère des données à distance... tout cela axé sur huit modèles agronomiques qui ont été mis en place sur la ferme, autour de trois objectifs : le pilotage de la fertilisation azotée, le pilotage de l’irrigation et la lutte contre les maladies.

Utilisation et exploitation des données

Les données agricoles sont des valeurs primordiales dans le travail d’un agriculteur. Ici, Alexandre Diaz, responsable innovation chez Isagri, a présenté la station météo connectée Météus. Grâce à la connexion hertzienne Sigfox, la station météo et le pluviomètre Météus accompagnent l’agriculteur dans sa prise de décision.

«L’application fournit trois types d’information : la première concerne les relevés météo en temps réel, mais aussi pour les heures, jours et mois précédents. Les données relevées sont la température de l’air, la direction et la vitesse du vent, l’humidité, la pluviométrie, la pression atmosphérique. On y trouve également la température au sol, température dans le sol, l’humectation du feuillage, des alertes en cas de gel. La deuxième concerne les prévisions météo car l’application comprend un radar de pluie, les prévisions météo-professionnelles détaillées, un planning de traitement. Le troisième s’applique aux outils prédictifs : des indicateurs de stades de développement, de risques maladies et insectes permettent d’optimiser les dates d’intervention pour les semis, les engrais, les traitements phytos... L’objectif est d’apporter à l’agriculteur des conseils adaptés à son exploitation. Les données météo de la station peuvent également être exportées vers des modèles agronomiques extérieurs.» détaille-t-il.

L’usage du digital en agriculture

En présence de Pierre Boiteau, journaliste et directeur de rédaction de Terre-Net Média, Davide Rizzo, enseignant-chercheur en agronomie et en data scientifique à UniLaSalle, et Thierry Bailliet, agriculteur youtubeur, ont montré que les agriculteurs sont mieux et plus équipés que le grand public. «Selon une étude menée sur 1.210 agriculteurs, les résultats indiquent que les agriculteurs surfent sur l’ère du numérique. En 2018, les agriculteurs sont mieux équipés que le grand public : 42 % possèdent une tablette alors que le grand public atteint 40 %. De plus, 71 % des agriculteurs ont un smartphone, en comparaison aux 65 % grand public.» détaille Pierre Boiteau.

Qui plus est, d’autres données révèlent la forte implication des agriculteurs dans le digital. 84,8 % des agriculteurs utilisent internet au moins une fois par jour dans leur activité agricole. Les agrinautes s’informent principalement sur trois types d’informations : la météo, les services bancaires et les petites annonces.

Pour Thierry Bailliet, agriculteur connecté et youtubeur depuis 2013, internet est un moyen pédagogique d’expliquer le métier au plus grand nombre et de désenclaver le travail agricole. «Sur mes 39.409 abonnés, je dirais que 80 % des internautes qui visionnent mes vidéos sont des agriculteurs et des professionnels agricoles de tous les secteurs confondus, les 20 % restant des particuliers. Je suis toujours confronté à des Haters, mais j’essaye de communiquer avec eux pour parler de mon métier. Parfois, ils arrivent à retrouver une bonne image de notre profession. Ce qui est intéressant, ce sont les particuliers qui essayent de poser des questions en commentaires de mes vidéos. Cela montre qu’il y a tout de même un intérêt de grand public sur l’agriculture.»

L’agriculture n’a pas peur de surfer sur la vague du numérique et elle est prête à l’exploiter pour répondre aux problèmes sociétaux.

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,