L'Oise Agricole 20 mars 2021 a 10h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

Par passion, créer un atelier ovin et gagner de la valeur ajoutée

On déplore souvent que les jeunes, en installant, abandonnent l’élevage familial, jugé trop contraignant en terme de main-d’œuvre. Parfois, c’est pourtant l’inverse qui se produit : des exploitations de polyculture retrouvent une activité d’élevage.

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Baptiste Linstruiseur, jeune éleveur ovin, a bien pensé son installation en créant cette nouvelle activité.
Baptiste Linstruiseur, jeune éleveur ovin, a bien pensé son installation en créant cette nouvelle activité. - © Dominique Lapeyre-Cave

«Bien que la ferme familiale soit orientée vers les grandes cultures, j’ai toujours été intéressé par l’élevage. Après mon BTS en productions animales, j’ai suivi un certificat de spécialisation ovine à Limoges», explique Baptiste Linstruiseur, 31 ans, installé depuis 2016 avec son père et sa tante à Nivillers. Dès son stage de troisième, il découvre la production ovine pour laquelle il se passionne et se jure d’être éleveur lorsqu’il s’installera. «À mon retour de Limoges, j’ai été salarié chez mon père et j’ai commencé à réfléchir à mon projet d’installation. Hors de question de chercher des surfaces supplémentaires, l’idée était de regagner de la valeur ajoutée avec une activité qui me passionne», affirme le jeune éleveur.

Il pose les bases de son élevage : ce sera des brebis Île-de-France, «adaptées à la région et qui peuvent être désaisonnalisées», le cheptel montera progressivement jusqu’à 400 ou 500 têtes, il faudra construire une bergerie qui permette la mécanisation de nombreuses tâches comme le paillage et la distribution des aliments et une partie des 150 ha de l’exploitation sera vouée à la production fourragère.

Après avoir visité de nombreuses bergeries de la région pour se faire une idée, Baptiste Linstruiseur démarre son activité avec 120 brebis pleines en louant une bergerie existante à Nivillers. «Cela m’a permis de mettre en situation et de finaliser les plans de ma bergerie car j’ai vu tout l’intérêt d’avoir des aires bétonnées pour passer avec le télescopique pour curer le fumier ou distribuer», reconnaît-il.

Le bâtiment est finalement construit à l’écart du village sur des terres familiales, «sans aide financière aucune au final pour la construction», déplore-t-il. La bergerie est en bois, lumineuse, avec de l’espace et s’avère pratique à l’usage avec ses multiples entrées et ses passages bétonnés. Elle sera complété prochainement par un hangar pour stocker la paille, le foin et les aliments.

Viande de qualité

Dès le départ, Baptiste Linstruiseur adhère à la coopérative Les Bergers du Nord-Est et se soumet au Label rouge tendre agneau (voir ci-dessous) car «mes pratiques d’élevage me permettaient de rentrer dans les clous».

Pour nourrir le cheptel qui s’élève à 400 brebis aujourd’hui, il utilise le foin de 5 ha de pâtures qu’il a dans le pays de Bray, les 4 ha qu’il a semés en luzerne pour du foin puis de l’enrubannage, de l’orge auto-produite, des pulpes surpressées (il livre des betteraves sucrières à Tereos) et du tourteau de colza qu’il achète, tout comme de l’aliment pour ses agneaux.

Ces derniers sont abattus en moyenne à l’âge de 4 mois et 5 jours, pour des carcasses de 20 à 21 kg. Une partie des femelles est gardée pour le renouvellement et l’agrandissement du troupeau. «En 2020, j’ai vendu environ 300 agneaux sous Label rouge. Ceux qui sont élevés au biberon n’y ont pas droit. Comme je peux désaisonner les brebis, je vends à trois périodes de l’année : à Pâques, fin juin et pour Noël», détaille le jeune éleveur.

Au départ, il pensait assurer quatre agnelages en trois ans grâce à la désaisonnalité, mais les brebis ne reprenaient pas assez d’état entre deux agnelages et Baptiste Linstruiseur est revenu à un agnelage par an. Il a investi dans l’achat de 10 beaux béliers Île-de-France, «de 120 kg de muscles», sourit-il.

Un border collie aide à la contention des brebis qui vont pâturer les cultures implantées en dérobé autour de la bergerie, qui sont aussi enrubannées. Un patou des Pyrénées vit en continu dans la bergerie, au milieu des brebis qui ne le craignent pas. Deux chats à demeure se chargent des souris ! La majorité des agnelages a lieu en février et en août, en désaisonné. «En février, la prolificité a été de 1,5, un peu décevante pour la génétique des brebis. Mon objectif est de 1,9 sur l’année.»

Le troupeau est tondu une fois par an, la laine est vendue à Bergers du Nord-Est à 28 centimes le kilo, les brebis de réforme sont reprises pour une trentaine d‘euros. Les agneaux sont payés environ 125 euros, avec une prime de désaisonnalité.

Les frais vétérinaires sont réduits et Baptiste Linstruiseur a suivi la formation de la Chambre d’agriculture de l’Oise sur l’utilisation des huiles essentielles en élevage. «Franchement, le mélange avec de l’huile de clous de girofle est efficace sur les contractions utérines des brebis et celui avec du tea tree donne de bons résultats sur les problèmes respiratoires et les diarrhées des agneaux», se réjouit le jeune éleveur.

Développement

Malgré la bonne organisation de son travail dans une bergerie adaptée, Baptiste Linstruiseur passe beaucoup de temps autour de son élevage, jusqu’à 12 heures par jour en période d’agnelage. Mais il est heureux de son activité et pense déjà à mieux valoriser son outil de travail. Sa compagne Anaïs l’aide le week-end et le soutient dans ses décisions. Il espère ainsi monter son cheptel à 450 brebis d’ici la fin de l’année et vise à plus d’autonomie alimentaire. Pour ce faire, il pense semer 4 hectares supplémentaires de luzerne qui sera alors récoltée en enrubannage et foin. Il réfléchit à agrandir le bâtiment pour avoir ses aliments en vrac et non plus en big-bags, trop dangereux à manipuler. «Les premières années d’installation sont les plus lourdes au niveau financier, mais je suis heureux car j’ai fait le bon choix en m’installant éleveur ovin. La rentabilité est là, même si l’élevage est chronophage. Je peux encore m’améliorer et investir pour un travail facilité en stockant paille et foin à proximité et, à terme, y construire ma maison d’habitation.»

Le Label rouge tendre agneau

Baptiste Linstruiseur n’a pas eu de mal à se couler dans le cahier des charges qui correspond globalement à ses pratiques. L’âge d’abattage est compris entre 70 et 210 jours, jusqu’à 240 jours pour les femelles et mâles castrés. Le poids des carcasses est compris entre 13 et 23 kg, la conformation doit être E, U, R et l’état d’engraissement de 2 ou 3.

L’alimentation doit être majoritairement produite sur l’exploitation, la consommation d’herbe est favorisée et le taux d’autonomie alimentaire doit être supérieur à 55 % en matière sèche. La récolte des fourrages doit être réalisée dans de bonnes conditions et le stockage dans des lieux appropriés, aérés et à l’abri des intempéries. Seules certaines matières premières sont autorisées dans les aliments composées utilisés pour nourrir les agneaux comme les grains de céréales, les graines ou fruits d’oléagineux et de légumineuses, les tubercules, racines et produits dérivés. Pas d’additifs, de farines de viande,

Seules certaines races peuvent prétendre au label : Texel, Île de France, Berrichon du Cher, Charollais, Southdown, Suffolk, Vendéenne, Charmoise, Rouge de l’Ouest ainsi que leurs croisements et le croisement de ces croisements. La traçabilité des agneaux par lot et la traçabilité de leur alimentation doivent être assurées. Les conditions d’ambiance dans le bâtiment sont également contrôlées : lumière, espace, eau claire, litière végétale, aération, vide sanitaire au moins une fois par an.

Les agneaux doivent être élevés par un seul éleveur, de la naissance à l’abattage, et l’allaitement maternel par tétée au pis doit durer 60 jours minimum. Aucune substance tranquillisante n’est administrée avant le transport vers le lieu d’abattage, la manipulation et l’embarquement doivent se faire dans le calme et le plus rapidement possible de manière à éviter tout stress. Le délai entre enlèvement et abattage est inférieur à 4 jours. Tout élevage est contrôlé par les organisations de producteurs une fois par an ou par l’organisme de contrôle de façon aléatoire, pour 10 % des élevages ayant livré l’année précédente.

Vente directe

Baptiste Linstruiseur propose en vente directe des caissettes d’un demi agneau au prix de 15€/kg. Chaque caissette pèse entre 7 et 10 kg et est vendue sur commande. Les animaux sont également pris en charge par Bergers du Nord-est et reviennent en morceaux après passage par un atelier de découpe ou chez un boucher. Le jeune éleveur en vend entre 40 et 50 par an, chiffre en hausse. «Les clients apprécient la qualité de la viande et c’est très valorisant pour moi, j’ai d’excellents retours», reconnaît l’éleveur.

Tél. 06 79 44 84 81 - labergeriedenivillers@gmail.com

www.facebook.com/labergeriedenivillers

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