Optimiser avec le démembrement de propriété
La transmission est l'un des principaux sujets de préoccupation des Français les plus aisés. Le démembrement de propriété est souvent négligé alors qu'il permet d'optimiser la gestion et la transmission de son patrimoine. C'est pourquoi il est toujours utile et bon d'en rappeler les règles.

Les multiples changements en matière de donations et de suc-cessions obligent à trouver les meilleures formules pour trans-mettre son patrimoine. D'autant avec des abattements en ligne directe à 100 000 EUR par enfant et par parent tous les quinze ans et la réduction de 75 % des droits en cas de donation de capital professionnel avec l'aide du pacte Dutreil. On s'aperçoit aujourd'hui, pour un tas de raisons, que les parents ne sont plus encouragés à transmettre leurs biens de manière anticipée. Pourtant l'anticipation reste la meilleure formule pour éviter de payer des droits inutilement et certainement le seul moyen de réduire le coût de la transmission du patrimoine que les parents détiennent.
Pour une famille avec deux enfants, par exemple, l'abattement est de 100 000 EUR par enfant et par parent, et permet de recueillir un abattement global de 400 000 EUR. Au-delà, des droits seront à payer au trésor public, qui s'élèvent, pour la majorité des personnes, au taux de 20 %, ce qui n'est pas neutre. À cela, il faut ajouter le délai de quinze ans pour effectuer de nouvelles donations dont le fisc remettra les compteurs à zéro, en effaçant les donations antérieures. Sans oublier qu'au cours de cette période, une suc-cession peut intervenir, et dans le cas où les abattements ont été utilisés, il faudra payer des droits au trésor public.
Donation avec réserve d'usufruit
Utilisé souvent entre parents et enfants, une donation avec ré-serve d'usufruit permet de commencer à transmettre son patrimoine sans se priver des revenus qu'il rapporte ou encore de la jouissance du bien. Le démembrement de propriété est un véritable outil pour réduire les droits à payer. En tout cas, la donation de nue-propriété a de quoi séduire, c'est une pratique fréquente pour préparer la transmission, mais elle doit être maniée avec précaution. L'usufruitier jouit temporairement d'un bien dont une autre personne en a la propriété, à charge d'en assurer sa conservation. En contrepartie, il doit prendre en charge les dépenses d'entretien courantes au sens de l'article 605 du Code civil (réfection des peintures, des sanitaires, de la plomberie, du ravalement, du remplacement de porte et de fenêtre, d'une chaudière...). L'usufruit est viager, il dure toute la vie de l'usufruitier et s'éteint à son décès. Le nu-propriétaire dispose du droit d'aliéner le capital. C'est un droit perpétuel. Il doit prendre en charge toutes les grosses réparations au sens de l'article 606 du Code civil, c'est -à-dire, tout ce qui est relatif à sa structure et à la solidité générale de l'immeuble. D'un point de vue fiscal, une do-nation en nue-propriété permet de payer les droits de donation que sur la valeur de la nue-propriété transmise. Cette valeur est déterminée à partir d'un barème qui dépend de l'âge du donateur (voir tableau).
Exemple : monsieur Picard, âgé de 61 ans, donne un appartement lui appartenant en propre à sa fille. Il garde l'usufruit. Le notaire évalue l'immeuble à 300 000 EUR. La valeur fiscale des biens donnés sera de 300 000 EUR, valeur en toute propriété, au-quel il faudra déduire la valeur de l'usufruit, soit 40 % (voir tableau), compte tenu de l'âge du donateur, ce qui représente une somme de 120 000 EUR.
La valeur taxable du bien don-né en nue-propriété sera de 180 000 EUR, avec l'abattement de 100 000 EUR applicable entre parent et enfant, elle sera de 80 000 EUR. Le montant des droits sera de 14 194 EUR au lieu de 38 194 EUR pour une donation en toute propriété. La valeur de l'usufruit correspondant à la somme de 120 000 EUR ne sera jamais taxée de droits de mutation, lors de l'extinction de l'usufruit (décès du donateur) sauf si l'usufruitier envisage de renoncer à son usufruit de son vivant. C'est pourquoi, plus on commence «jeune», plus le donataire paiera moins de droits de donation. Tout ça dépend toujours de la volonté du donateur à vouloir transmettre le plus tôt possible. Ce n'est pas toujours le cas. Toutefois, il existe une autre possibilité lors d'une donation dé-membrée : plutôt que se réserver l'usufruit du bien, le donateur peut réaliser un saut de génération en transmettant dans le même acte l'usufruit d'un bien à ses enfants et la nue-propriété à ses petits-enfants.
Démembrer avec une SCI
Cela peut être un moyen de transmettre sans beaucoup de fiscalité et sans vraiment utiliser les abattements, tout en permettant aux parents de garder la gestion des biens donnés.
Pour cela, le schéma est relative-ment simple. Des parents créent une société civile immobilière avec un capital très faible. La SCI acquiert le bien immobilier qu'elle loue et qu'elle finance en totalité avec un prêt. Les loyers vont servir à rembourser l'emprunt. Pour cela, les parents donnent la qua-si-totalité des parts en nue-propriété. Cela signifie que, compte tenu de l'emprunt, la SCI a une valeur très faible et les enfants n'auront quasiment pas de droits à payer. Quand l'emprunt sera terminé, les enfants se retrouveront avec des parts qui refléteront bien la valeur réelle du bien immobilier.
Ce n'est pas la seule stratégie pour limiter les droits à payer. Les parents peuvent aussi vendre des biens immobiliers à une SCI, à charge pour elle de rembourser l'emprunt, mais cela permet de procurer des liquidités pour les parents. Ce genre de montage doit être affiné, afin d'éviter les écueils fiscaux, tel que l'impôt sur la fortune immobilière.
Côté revenus et charges
En cas de démembrement de propriété, l'usufruitier peut percevoir des revenus. Mais le capital est aliéné. L'usufruitier n'est tenu qu'aux dépenses d'entretien. Le nu-propriétaire ne perçoit aucun revenu, mais à l'obligation d'effectuer les dépenses de grosses réparations.
Côté fiscalité, si l'immeuble est donné en location, l'usufruitier est imposable au titre des revenus fonciers pour les loyers qu'il perçoit. Le nu-propriétaire, s'il supporte des charges de grosses réparations, peut en contrepartie les déduire de ses autres revenus fonciers, et ensuite de son revenu global. Les dépenses ne peuvent être déductibles que des revenus de celui qui les supporte effectivement, même s'il n'y est pas tenu légalement.
Attention, si l'immeuble n'est pas loué, les travaux et les charges ne seront pas déductibles de vos impôts.
En ce qui concerne le contrat d'assurance multirisque habitation, il doit être modifié quand il s'agit d'un immeuble bâti. Pour l'usufruitier, il ne couvre que les dommages que celui-ci pourrait provoquer (fuite d'eau, incendie que l'usufruitier aurait causé). Par contre, le ou les nus-propriétaires doivent s'assurer pour protéger la structure de l'immeuble bâti, en particulier en cas d'événement climatique ou de catastrophe naturelle (tempête, inondation ou incendie si la cause est extérieure). Dans ce cas-là, le nu-propriétaire doit souscrire une assurance propriétaire non occupant, bien qu'elle ne soit pas obligatoire, mais elle l'est pour les immeubles en copropriété.
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