«On se crève tous pour Danette»
C'est l'un des slogans forts que les éleveurs laitiers membres de l'organisation de producteurs (OP) Danone ont déroulé en banderole sur les grilles de l'usine de Ferrières-en-Bray, ce lundi 24 janvier.

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
Ils étaient plus d'une centaine d'exploitations agricoles, originaires de l'Oise et surtout de Seine-Maritime, à s'être massés devant l'entrée de l'usine pour manifester leur mécontentement à l'industriel laitier. La grogne avait commencé au début du mois lorsque les producteurs avaient reçu de Danone une lettre leur annonçant un prix de base (assurant un Smic horaire pour 25 % des producteurs les plus performants) de 342 EUR/1.000 litres, bien en deça de ce que paient les autres industriels.
«Danone avait la réputation de bien payer. Mais ça, c'était avant», confirme Sébastien Catoir, trésorier de l'OP. «Il y a un an et demi, nous avions demandé à ce que le prix de base assure le Smic à la moitié supérieure des producteurs, soit au minimum entre 30 et 35 euros de plus aux 1.000 litres. Ce n'est quand même pas la lune d'obtenir une meilleure répartition de la valeur. Quand on sait que le lait compte pour seulement 4 centimes dans un yaourt, Danone devait pouvoir faire cet effort», argumente le responsable.
Devant ses troupes attentives et révoltées face à cette maigre proposition de l'industriel, Hubert Dion, président de l'OP, rappelle la situation. «Nous avions écrit à Danone pour lui dire que nous souhaitions faire évoluer la méthode de calcul, notamment en sortant du prix de base les primes bien-être, carbone, régularité... Mais, lors de la rencontre de jeudi dernier 20 janvier, nos interlocuteurs ont tout refusé et surtout prétendaient ne pas comprendre du tout nos demandes. Nous leur avons présenté une enquête réalisée par CerFrance auprès de 30 producteurs sur 2017, 2018 et 2019 pour mettre en lumière nos coûts de production. Nous pensions y passer une heure, cela a duré plus de deux heures. Les représentants de Danone ont posé beaucoup de questions et ont quand même admis qu'il s'agissait d'une étude sérieuse. Nous, nous demandons à ce qu'elle serve à l'établissement d'une méthode de calcul du prix. Danone semble prêt à revoir le CPM (coût de production moyen) à la lumière de cette étude et nous avons convenu de nous revoir ce jeudi», détaille le responsable.
Des charges en hausse
La porte de la négociation semble donc ouverte, mais les producteurs ne veulent pas de miettes. Il faut négocier vite et bien, ne pas faire traîner en longueur. Le président Dion insiste : «c'est le bon moment. D'abord, la production n'est pas toujours là et l'industriel peut manquer de lait à traiter. Ensuite, les industriels concurrents paient mieux en ce moment et enfin, il est bien évident que la formule de calcul n'est pas assez réactive par rapport aux évolutions.» C'est le mode de calcul de base qui doit être revu, les récentes augmentations de charges doivent être prises en compte via les indicateurs.
Les producteurs présents n'entendent plus se laisser faire et le font savoir. «On se crève tous pour Danette», «nos charges ont fortement augmenté ces derniers temps», «être rémunéré à 7 euros de l'heure, c'est bien en deça du Smic», «nous sommes traités comme des numéros, les manageurs de Danone ne savent pas ce qu'est une exploitation laitière» entend-on dans la foule des manifestants. Danone ne comprend pas les demandes des producteurs, leur présence devant les grilles de l'usine va sans doute les aider à réfléchir, veulent croire les responsables. «Sinon, c'est au salon de l'agriculture que nous irons négocier sur le stand Danone. L'industriel, qui met en avant dans sa communication grand public ses valeurs, devra expliquer devant tous comment il traite ses producteurs», suggèrent certains.
D'autant plus que, et Luc Smessaert le rappelle, Danone est hors la loi au regard des dispositions de la loi Egalim 2. «Danone doit constater les coûts de production des éleveurs. Cette étude présentée aboutit à un CPM de 394 euros les 1.000 litres et seulement 342 sont proposés. L'industriel doit payer le juste prix, sinon nous pourrons saisir le médiateur de la loi. Si nous voulons que le métier d'éleveur laitier intéresse les jeunes, il va falloir que Danone y mette le prix.»
Un thème repris lors de son intervention par Sébastien Jumel, député de la circonscription de Ferrières-en-Bray, qui sait tout le poids de la production laitière dans les campagnes normandes. «J'ai interpelé le ministre Denormandie sur la nécessaire rémunération des producteurs si l'on veut maintenir de l'activité dans nos communes rurales. D'ici 5 à 10 ans,la moitié des producteurs vont partir à la retraite. La rémunération du lait est un véritable enjeu générationnel», développe le député.
En attendant l'issue de la nouvelle entrevue de jeudi, les producteurs restent mobilisés et n'hésiteront pas à revenir sur place si les négociations ne s'engageaient pas dans la bonne direction. Voilà Danone prévenu.
L'OP Danone
380 producteurs, dont environ 15 % sur le département de l'Oise. 200 millions de litres de lait référencés. En 2011, 650 producteurs faisaient partie de l'OP pour 235 millions de litres. Suite à la fermeture d'un site Danone, l'usine de Ferrières-en-Bray devrait récupérer 30 millions de litres à traiter et les besoins de l'usine sont de 15 millions de litres supplémentaires. À terme, dans les deux ou trois ans, l'usine pourrait traiter 245 millions de litres de lait.
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