«Nous voulons vivre de notre métier et c’est ensemble que nous avancerons»
Tel a été le message de Matthieu Carpentier, président de JA 60, lors de l’assemblée du syndicat, le 20 février à L’Empreinte de Beauvais.

Une assemblée dynamique, sans temps morts, avec de l’humour, de la bonne humeur et, malgré le contexte morose de 2024, l’envie de travailler ensemble à faire avancer les revendications agricoles. «Il y a un an, mobilisés sur l’A16 et l’A1, nous avons construit quelque chose ensemble, ravivé notre foi dans le combat syndical. Et même si nous avons obtenu des avancées, il en reste beaucoup à aller chercher», développait le jeune président.
Et de pointer les sujets qui fâchent les jeunes installés : des déchéances de DJA (dotation jeune agriculteur) pour des courriers arrivés après échéance, des paiments absents, des Pré’Ad sans dates... D’autant plus qu’avec les trésoreries du moment à marée basse, ces sommes dues revêtent un enjeu particulier quand on vient de s’installer.
Cédants et repreneurs s’expriment
L’installation était d’ailleurs le sujet de l’assemblée, mais sous l’angle des relations humaines. Autour d’une table ronde, Alexis et Armelle, qui viennent de s’installer, Pascal, qui s’interroge sur l’avenir de son exploitation, et Régis, qui a installé sa fille avec lui. Et aux manettes des échanges, Anne Vermeersch, conseillère installation-transmission à la Chambre d’agriculture de l’Oise.
Régis explique d’abord sa grande surprise quand sa fille Gwenaëlle, partie vers des études de journalisme, fait soudain part de son désir de revenir sur l’exploitation familiale de polyculture-élevage laitier. «J’ai toujours laissé la liberté à mes enfants mais là, j’avoue que j’ai mis deux semaines à m’en remettre. Puis j’ai ressenti une grande fierté. L’important, c’est de faire ce qu’on aime avec passion, de se faire plaisir. Gwenaëlle s’est donc installée en société avec moi», détaille-t-il. Au quotidien, le petit déjeuner, après la traite du matin et les soins au troupeau, reste le moment où les échanges se font sur les tâches de la journée ou les décisions à prendre. «Il nous arrive de nous disputer, mais cela ne dure jamais bien longtemps», reconnaît-il.
Anne Vermeersch lui demande quel conseil il donne aux parents. «Laissez vos enfants choisir leur voie. Parfois, ils reviendront sur la ferme, parfois non. De toute façon, avoir une autre expérience professionnelle avant de reprendre la ferme est un atout. L’important est que les enfants tracent leur chemin.»
Armelle et Alexis prennent alors la parole. Ils ont repris l’exploitation du père d’Armelle et Alexis a apporté son troupeau de laitières de la Somme. «Mes parents nous ont laissé tout de suite la responsabilité du troupeau dès l’arrivée des vaches d’Alexis, cela a été un peu brutal mais, comme nous avions déjà de l’expérience, ils ont estimé que nous en étions capables. Pour la plaine, cela s’est fait plus doucement», explique Armelle. Bien sûr, les avis divergent entre les deux générations, parfois les mots fusent mais, avec le temps, le jeune couple prend ses marques. Ils conseillent de plutôt faire une transition assez longue pour permettre à chacun de s’adapter, déconseillent la cohabitation dans la maison et estiment qu’il faut purger rapidement les désaccords pour garder de bonnes relations.
Alexis, qui a été salarié agricole avant son installation, trouve que c’est une excellente expérience pour rapidement prendre les commandes. Il sait gré à son beau-père de ne faire aucune différence entre sa fille et lui. Les deux jeunes veulent façonner la ferme à leur image : «la ferme doit nous ressembler, on doit prendre nos responsabilités.»
Des responsabilités, Pascal en a exercées en coopérative et en négoce avant de s’installer à 35 ans sur la ferme de ses parents en élevage laitier. «C’était une ferme vieillissante, à l’ancienne et on était en plein dans la période de mise aux normes des bâtiments d’élevage. J’ai attendu 5 ans avant de pouvoir construire les bâtiments que je voulais et mon idée était d’avoir un outil de travail efficace transmissible à un jeune. Mes enfants ont bâti leur vie ailleurs, mais mon fils a voulu se tester comme chef d’entreprise et nous avons créé un nouvel atelier, une production de framboises, qu’il gère en dehors de ses heures de travail. Cela ne préjuge en rien de l’avenir de la ferme, je me sens encore en forme pour continuer.» Pascal n’a jamais voulu être seul sur sa ferme et il emploie un salarié, un apprenti et reçoit de nombreux stagiaires.
Pour clôturer ces témoignages, Anne Vermeersch précise que la transmission est un processus complexe et varié dans lequel les relations humaines sont primordiales. «Il faut maintenir entre les parties un dialogue constant ; les idées, les frustrations, les non-dits doivent être exprimés pour les purger.» Chacun doit éviter le jugement de l’autre, comprendre son point de vue. Les compétences des cédants et celles des repreneurs doivent être mises en avant pour travailler ensemble. «Il ne faut pas hésiter à faire appel à un œil extérieur plus objectif, qui permettra l’expression des attentes de chacun et accompagnera la prise de décision. Il n’y a pas de modèle unique de transmission.»
L’installation des jeunes, c’est le combat principal de Jeunes Agriculteurs, rappelle Matthieu Carpentier. «Nous promouvons le renouvellement des générations pour une agriculture durable, responsable, qui assure la souveraineté alimentaire sur tous les teritoires. Pour cela, nous devons vivre de notre métier et nous épanouir. Je crois plus que jamais à la force du collectif pour y parvenir», conclut-il avant de laisser la parole aux élus départementaux.
Pour la FDSEA, Régis Desrumaux se félicite de la bonne entente et du travail syndical constructif mené. «Cela nous rajeunit !»
De son côté, Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, annonce l’adoption de la LOA qui définit la notion de souveraineté alimentaire et prévoit des dispositifs sur l’installation-transmission, comme le droit à l’essai. Le PAIT sera remplacé par France Service Agriculture, toujours porté par JA.
Enfin, Denis Pype, pour la région Hauts-de-France et ancien de JA Oise, a assuré les jeunes du soutien de la collectivité à l’installation, en cadre familial ou pas. Avec 247 installations avec DJA en 2024 et 53 en Arsi (hors cadre familial), l’agriculture régionale maintient son attractivité. «La flamme ne doit pas s’éteindre.»
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