Négociations commerciales: les industriels naviguent à vue
Avec un calendrier exceptionnellement raccourci et dans un contexte de ralentissement global de l'inflation, la saison des négociations commerciales s'annonce pleine d'incertitudes pour les entreprises de l'agroalimentaire.
Difficile de savoir quelle sera l'issue des négociations commerciales en 2024. Les industriels abordent la période avec inquiétude. «À ce stade, nous sommes raisonnablement pessimistes», a déclaré le président de l'Ania, Jean-Philippe André, le 28 novembre, à l'occasion d'un échange avec la presse. Il garde toutefois l'espoir «d'arriver à quelque chose d'équilibré» et d'un «retour à un rythme d'inflation de 2-3 % que nous savons gérer».
Après deux années de forte inflation, les entreprises font toujours face à des hausses de charges, plaide l'Ania. Selon un baromètre effectué par l'organisation auprès de ses adhérents, le coût des matières premières agricoles a augmenté de 12 % en 2023 par rapport à 2022 et les autres postes de coûts sont aussi en hausse. Les factures d'énergie des industriels auraient flambé de 59 % en moyenne sur 2023. La définition des tarifs s'annonce plus que jamais comme un exercice d'équilibriste.
Alors que le gouvernement enjoint les acteurs à faire baisser les prix en rayon, l'opinion publique s'attend plutôt à de la déflation en début d'année prochaine. C'était d'ailleurs l'objectif initial de l'avancée des négociations commerciales. Les industriels rappellent, qu'in fine, ce sont les distributeurs qui ont la main sur le prix de vente au consommateur. De plus, ils se défendent de vouloir améliorer leurs marges, alors que l'inflation joue fortement sur les volumes. En effet, les ventes de produits alimentaires enregistrent un recul de 3 % en volume par rapport à 2019 et de 4,5 % depuis le début de l'année. «Nous avons intérêt à ce que ce soit nos vrais coûts qui se reflètent dans les tarifs», assure Alexis Jacquand, directeur général de Petit Navire.
D'autant plus que les marques de distributeur gagnent des parts de marché au détriment des marques nationales. Cette tendance ne met pas les industriels dans une position de force pour négocier.
Un calendrier inédit
Le nouveau calendrier ajoute de l'incertitude. Les entreprises réalisant plus de 350 MEUR de chiffre d'affaires - en France ou dans le monde - auront jusqu'au 31 janvier pour signer leur contrat cette année. Cela concerne «entre 50 et 60 sociétés», estime l'Ania, tandis que «l'immense majorité» des entreprises devront boucler au 15 janvier. «J'espère que nos entreprises ne vont pas être prises dans un phénomène d'abattage», souligne Jean-Philippe André.
Avec un mois et demi de moins pour négocier, les services des distributeurs pourraient être surchargés. L'Ania considère qu'avoir distingué les industriels en fonction de leur taille pour avancer la date butoir cette année est «une erreur» qui avantagera la grande distribution. «Plus on se divise, plus on s'affaiblit et plus ça facilite la négociation pour nos clients», affirme Jean-Philippe André. L'Adepale considère au contraire que «l'instauration de deux dates distinctes répond à un objectif de protection des PME et ETI».
Investissements en suspens
Derrière l'enjeu des négociations commerciales, il y a la capacité des entreprises à investir. Compte tenu de la dégradation de leur trésorerie, une entreprise adhérente de l'Ania sur quatre envisage «d'arrêter ou de reporter» les investissements prévus en 2024. La situation est encore plus critique pour les PME et ETI, plaide le président de l'Adepale, Jérôme Foucault. «Nos entreprises n'arrivent pas à créer suffisamment de valeur à réinvestir», signale-t-il.
L'Adepale appelle le gouvernement à concrétiser la création d'un fonds public-privé de 500 millions d'euros, annoncé en mars, pour soutenir les transitions dans la filière. L'association aurait obtenu des garanties du ministère de l'Économie sur un lancement en 2024.
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