«Mon combat principal reste l'accès au foncier»
À 35 ans, Matthieu Carpentier est installé en Gaec avec ses parents depuis 2018 sur une exploitation de polyculture-élevage laitier à Pierrefitte-en-Beauvaisis. Depuis trois mois, il est le président de Jeunes Agriculteurs de l'Oise. Il fait le point avec nous sur son parcours chez JA, ses premiers pas comme président et ses priorités syndicales.
Vous êtes maintenant à la tête de Jeunes Agriculteurs de l'Oise depuis un peu plus de deux mois. Quel a été votre parcours ?
Je suis d'abord entré chez Jeunes Agriculteurs par le côté convivial, comme beaucoup de monde, grâce à un groupe de copains sur un canton. En 2018, je suis devenu administrateur puis, progressivement, président du canton de Songeons, puis membre du bureau en tant que secrétaire général et président depuis février dernier. Avec le canton de Songeons, j'ai porté la Foire agricole en 2022 et j'ai toujours été dans l'organisation des évènements agricoles en tant que rouage ou comme bénévole.
Qu'est-ce qui vous a amené à vous s'investir toujours plus dans le syndicalisme ?
Je n'étais pas forcément d'accord avec ce qui se disait autour de moi et dans les hautes sphères du syndicalisme. En restant au canton j'avais le sentiment d'être déconnecté, loin, des lieux de revendications. Or, je voulais faire entendre ma voix.
De fil en aiguille on gagne en assurance, on a plus de facilité à défendre son point de vue. J'étais pourtant un grand timide et aller voir les gens pouvait être compliqué. En m'investissant davantage puis en devenant administrateur, j'ai pu rencontrer des gens qui partagent les mêmes opinions et souhaitent défendre les mêmes idées.
Quel président souhaitez-vous être ? Comment comptez-vous animer les Jeunes Agriculteurs de l'Oise ?
Je m'inscris dans la continuité de ce qui a été fait durant les deux mandats de Gwenaëlle Desrumaux et je souhaite que l'on ne casse pas tout ce qui a été construit depuis quelques années. Mon élection s'est faite dans un moment compliqué. On sortait à peine des actions du mois de janvier et un gros travail de discussion avec les pouvoirs publics avait déjà été amorcé. En étant déjà dedans, j'ai pu prendre la place plus facilement. Il y avait une certaine logique à ce que je prenne le relais. Mais je souhaite surtout un bureau actif. Je souhaite répartir les choses et ainsi répartir la vision, avoir une vision plus large. Dans plusieurs têtes, il y en a plus que dans une seule. Je suis aussi éleveur laitier et je gère mon troupeau. Si je ne veux pas négliger mon exploitation, je ne peux pas me permettre d'être partout. Je remercie d'ailleurs mon père car c'est grâce à lui si je peux m'investir autant chez JA en assurant ce que je ne peux pas faire à cause de mes absences.
Quels vont être vos dossiers prioritaires ?
Mon combat principal reste le foncier : l'accès au foncier, l'installation et la défense des jeunes qui souhaitent se lancer dans l'agriculture. Mon premier poste en tant que représentant JA était auprès de la Safer. C'est ma marque de fabrique. Je souhaite d'ailleurs que l'on fasse davantage la promotion de l'installation hors cadre familial. Nous sommes de moins en moins nombreux et il y a un besoin important de renouvellement des générations. Si on veut des jeunes qui s'installent, il faut une agriculture qui soit rémunératrice. Battons-nous pour des revenus ! Le nerf de la guerre reste la rémunération. On ne vit pas encore uniquement d'amour et d'eau fraîche. On a également un gros travail sur la simplification. La complexité des démarches est aussi ce qui décourage l'installation. C'est un engrenage. Certains ne souhaitent pas reprendre l'exploitation de leurs parents parce que c'est trop compliqué. Ne serait-ce que pour un dossier PRÉ'AD, on nous demande en permanence les statuts et divers autres éléments. Quelle perte d'énergie ! Une plateforme dédiée sur laquelle tous les documents seraient déposés permettrait aux administrations d'y trouver les informations dont elles ont besoin. Chez JA, on fait la promotion du «On ne vous le dit qu'une fois.»
Justement, le 28 mars dernier, la région Hauts-de-France a modifié le cahier des charges de l'appel à projets «Aide au Jeune Agriculteur» (AJA) (voir encadré). Qu'en pensez-vous ? Qu'en est-il des échanges qui ont lieu avec les pouvoirs publics sur la simplification ?
Pour les annonces de la Région, j'attends de voir les premiers vrais dossiers fait après ces dites simplifications. Parce qu'annoncer quelque chose est souvent bien différent de les faire. En ce qui concerne les groupes de travail avec l'administration, nous attendons, là aussi, de voir ce qui va en sortir. La mise en pratique fera foi. On sent une écoute mais les méandres du système sont tellement compliqués que cela risque de prendre beaucoup de temps. On est prêt à travailler sur le long terme, mais on n'hésitera pas à taper à nouveau du poing sur la table s'il n'y a pas suffisamment d'avancées. Et à l'occasion rappeler à certains qu'ils travaillent grâce aux produits de l'agriculture, comme les OPA et industriels. Nous sommes un maillon essentiel de l'économie.
Vous possédez 80 vaches laitières, vous avez une sensibilité particulière sur les questions d'élevage...
Je suis principalement éleveur. Nous sommes une espèce en voie de disparition. On est de moins en moins nombreux donc de moins en moins représentés. En étant moins nombreux, on fait moins la promotion de ce qui se fait en élevage, ce qui amène à une incompréhension entre nous et le grand public. Un ancien me disait : «Beaucoup d'agriculteurs ce sont beaucoup d'enfants d'agriculteurs dans les écoles qui font la promotion de l'agriculture. Être moins nombreux, ce sont des écoles détachées du monde agricole et une société où les agriculteurs dérangent.» Or avoir des agriculteurs et des éleveurs sur une commune est une chance. Il nous faudra communiquer bien plus. Que ceux qui sont sensibles à l'agriculture osent s'investir dans l'agricole ou le para-agricole.
5 mesures pour simplifier et renforcer l'AJA :
- La nécessité de réaliser des avenants en cas d'évolution du projet a été réduite au maximum, et aux cas suivants : plus de 60 % d'écart dans la réalisation du programme d'investissement, création d'un atelier d'élevage non prévu initialement ou la modification de 50 % de la SAU (superficie agricole utilisée) ;
- Les dates d'effet des documents feront foi en lieu et place des dates de signatures effectives des documents, ce qui réduira les cas possibles de déchéance ;
- Le remplacement de la déclaration que le jeune agriculteur doit remplir à mi-parcours par un courrier personnalisé qui rappellera les limites d'avenants, et qui lui permettra de faire un point sur l'évolution éventuelle à apporter à son plan d'entreprise ;
- Un dossier dématérialisé via Europac, et des pièces qui ne seront demandées qu'une seule fois ;
- Le montant de base est augmenté de 3.000 EUR, la dotation s'élève désormais de 12.000 à 15.000 EUR, et le plafonnement maximum de la Dotation Jeune Agriculteur (DJA) augmente de 30.000 EUR à 36.000 EUR. Il a également été décidé de prolonger l'actuelle DJA jusqu'au 30/06/2024.
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