Loi d’orientation agricole : les premiers ajouts du Sénat
Le projet de loi d’orientation agricole (LOA) a repris son parcours législatif dans l’hémicycle. Principal ajout jusqu’ici, des «conférences de la souveraineté alimentaire», organisées en 2026. Les sénateurs ont aussi adopté des principes de «Pas d’interdiction sans solution» ou de «non-régression de la souveraineté alimentaire», à la portée et la viabilité juridique très incertaines.

«Nous y sommes enfin.» Près d’un an après son dépôt, le projet de loi d’orientation agricole a repris son parcours législatif le 4 février au Sénat, la ministre Annie Genevard appelant le Parlement à «semer les premières graines de la reconquête de notre souveraineté alimentaire». Adopté à l’Assemblée nationale au début du printemps 2024, suspendu par la dissolution puis reporté par la censure, ce texte revient enfin au Parlement. L’examen s’étirera jusqu’au 18 février avec un vote solennel prévu quatre jours seule-ment avant le lancement du Salon de l’agriculture.
À l’ouverture des débats, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a promis un «changement de cap» sur la politique agricole de la France, impératif pour atteindre des objectifs très ambitieux : 30 % d’apprenants supplémentaires dans les filières agricoles et agroalimentaires d’ici 2030, 400 000 exploitations et 500 000 exploitants agricoles à l’horizon 2035. «Ce sont bien les intérêts fondamentaux de la nation qui sont en cause lorsqu’il s’agit de garantir la souveraine-té alimentaire et agricole de la France», a-t-elle lancé, promet-tant «d’aller vite, afin de permettre l’entrée en vigueur au plus vite de ce texte très attendu.»
Progression de la souveraineté
Premier jalon du «changement de cap», les sénateurs ont instauré le 5 février des «conférences de la souveraineté alimentaire», pour permettre aux filières de définir collégialement des «objectifs à dix ans» avec «l’accompagnement» de l’État. L’amendement du gouvernement, adopté avec l’avis favorable de la commission, vise «la progression de la souveraineté alimentaire de la Nation». Réunissant les représentants des filières aux conseils spécialisés et des interprofessions, ces conférences seront organisées «en 2026» sous l’égide de FranceAgriMer. «Chaque stratégie par filière fait l’objet d’un rapport à mi-par-cours, d’après le texte. Ce rapport analyse les éventuelles raisons de l’écart aux objectifs déterminés dans la stratégie de la filière et formule des recommandations.» Invitée par l’Afja (journalistes agricoles) le 3 février, la ministre Annie Genevard avait parlé de cette nouvelle «méthode», justifiée par la diversité des besoins. Par exemple, en volailles de chair, l’enjeu est de «produire une entrée de gamme de qualité et de travailler sur l’acceptabilité sociale des poulaillers» ; en fruits et légumes, l’accent est plutôt mis sur les impasses techniques.
Pas d’interdiction sans solution
Une autre mesure paraît davantage symbolique. Le Sénat a inscrit le 5 février dans la LOA un principe selon lequel les pesticides ne pourraient être inter-dits sans «solutions» alternatives «économiquement viables». «Pas d’interdiction sans solution» : le mantra, particulièrement cher à la FNSEA, est porté depuis des mois par plusieurs syndicats agricoles. L’idée est dénoncée par la gauche, mais le gouvernement ne s’y est pas opposé. Malgré de gros doutes sur la portée juridique de cette notion, le Sénat l’a introduite dans l’article premier de la LOA, qui fixe les grands principes de la politique de la France en matière de souveraineté alimentaire. «On ne peut pas imaginer que les agriculteurs français soient sans solution, alors que des agriculteurs qui sont de l’autre côté de la frontière en ont», s’est justifié le sénateur LR Daniel Gremillet.
Dans le détail, l’amendement adopté au Sénat à l’initiative d’une alliance droite-centristes appelle la France à viser «un haut niveau de protection des cultures, notamment dans le cadre du principe refusant des interdictions de produits phytopharmaceutiques sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces». Cette réponse apportée à la colère des agriculteurs a été jugée «séduisante» par Annie Genevard, qui a rendu un avis de sagesse. Elle a néanmoins craint que cette mesure «ne résiste pas à la réalité des faits», rappelant que les autorisations de mise sur le marché des pesticides relèvent de l’Anses.
Rôle des femmes
Après de longues heures de dé-bats très juridiques, le Sénat a aussi voté pour élever l’agriculture au rang «d’intérêt général majeur», l’une des mesures phares du texte, ainsi que pour ériger la «souveraineté alimentaire» en «intérêt fondamental de la Nation». La chambre haute y a associé un principe contesté de «non-régression de la souveraineté alimentaire», contre l’avis du gouvernement qui l’estime source «d’insécurité juridique». Annie Genevard avait par ailleurs insisté, le 4 février à l’ouverture des débats, sur l’importance d’augmenter la place des femmes en agriculture, promettant plusieurs amendements en ce sens, pour faciliter par exemple leur accès au statut de chef d’exploitation. Chose faite le lendemain. Les sénateurs ont posé les jalons d’un travail législatif et réglementaire à entreprendre en vue de cet objectif. Ils leur prévoient «un accès facilité au statut de chef d’exploitation, à la formation continue, à une rémunération équitable, et à une protection et une action sociales aux règles adaptées», afin d’améliorer le calcul de leurs droits à la retraite.
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