Les trois défis de l’agriculture
En clôture du 75e congrès de la FNSEA, sa présidente, Christiane Lambert, a précisé aux 1.200 délégués présents et au ministre de l’Agriculture les trois défis auxquels l’agriculture est désormais confrontée. Une vision que partage en grande partie ce dernier.
![Dans le cadre de l’élection présidentielle 2022, un manifeste, proposé par la FNSEA et cosigné par 20 organisations rurales, soumet 10 mesures pour dynamiser les zones rurales.](https://www.oise-agricole.fr/reussir/photos/60/img/VVXRP7X11_web.jpg)
«Nous refusons la fatalité du déclin», a harangué Christiane Lambert, présidente de la FNSEA dans son discours final du 75e congrès de la FNSEA qui s’est tenu à Niort du 21 au 23 septembre. Déterminée à ce que le serment de l’Unité paysanne lancé en mars 1946 par Eugène Forget continue à vivre à travers le projet #FNSEA2025, elle s’est élevée contre le «diktat des prix bas (qui) conduira inexorablement à la fragilisation des exploitations agricoles et des outils de transformation».
Dans ce contexte, le premier défi à relever est celui de la souveraineté alimentaire et «sans volonté politique forte» sur ce dossier, «a voie de la décroissance est tracée. Et je vous le dis tout net, Monsieur le ministre : la décroissance verte, c’est pour nous une ligne rouge», a-t-elle martelé. Bien décidée à mettre un coup d’arrêt aux importations distorses, elle s’en est pris au Green Deal de la Commission européenne, ironisant sur les «stratèges» européens qui sont arrivés, après les Américains, aux mêmes conclusions qu’eux. Le Green Deal réduirait ses productions de 10 à 15 %. L’Europe importerait davantage, les revenus agricoles s’effondreraient et, «comble de l’ironie, l’accroissement des importations anéantirait la moitié des efforts de réduction de gaz à effet de serre», a-t-elle persiflé.
Réformer la retraite agricole
Deuxième défi à relever : celui de la démographie et de son pendant, l’attractivité du métier. «Ça commence par la rémunération», a affirmé la présidente de la FNSEA, agacée que le gouvernement ait perdu quatre années à prendre en compte les revendications du syndicat que l’on retrouve maintenant dans la proposition de loi du député Grégory Besson-Moreau (LREM, Marne) appelée Egalim 2. Attentive sur les négociations commerciales sur lesquelles elle sent déjà des «tensions», Christiane Lambert a donné quitus au ministre et au gouvernement d’avoir permis de porter les retraites des agriculteurs à 85 % du Smic.
Si les agriculteurs ont une retraite calculée sur une carrière pleine, d’autres catégories l’ont sur les 25 meilleures années ou sur les 6 derniers mois. «Si personne ne veut de la réforme globale, vous n’avez qu’à réformer la retraite agricole», a glissé la présidente de la FNSEA.
«Illuminés obscurantistes»
Le troisième défi que la FNSEA tient à relever est celui de la transition écologique. Sur ce thème, «l’agriculture est engagée dans un virage aussi important que celui des années 60». Mais Christiane Lambert ne souhaite aucune méprise, assurée que l’agriculture victime du dérèglement climatique est aussi la solution. «N’en déplaise à ceux qui nous accusent à longueur de journée de salir la planète et d’être les coupables perpétuels de la crise climatique ! Ils nous salissent, ils salissent nos efforts, ils salissent l’espoir que nous cultivons au quotidien… Au pays des Lumières, que d’illuminés et d’obscurantistes, occupent les plateaux télé, experts en tout, spécialistes en rien, et conduisent à un scepticisme généralisé bien français sur les sciences et les innovations», a-t-elle lâché.
«Pas d’agriculture sans eau»
Dans un discours applaudi, le ministre de l’Agriculture lui a répondu «partager les valeurs» auxquelles la FNSEA est attachée et qu’Arnaud Rousseau, premier vice-président, avait détaillées auparavant. Julien Denormandie a donné le sentiment d’être lui-même assez dubitatif sur les objectifs du Green Deal, Farm to Fork et Biodiversité 2030. Il a concédé que les pistes dégagées par Bruxelles pour améliorer la qualité de l’alimentation européenne «risquent d’aboutir à un non-sens en termes de souveraineté et un non-sens environnemental». «Si une transition consiste à dire, plus je fais la transition chez moi, mais de l’autre côté j’importe ce que je ne fais plus chez moi (...), ça revient à dire, loin des yeux loin de ma conscience environnementale, c’est hypocrite», a-t-il ajouté.
De même, sur le sujet de la gestion de l’eau, Julien Denormandie a déclaré que les retenues d’eau «ont une utilité et donc il faut qu’elles se fassent».
Plus encore quand une décision de justice les autorise, a-t-il ajouté, faisant allusion à une manifestation d’opposants aux «méga-bassines», le 22 septembre à Niort et à Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres). «Il n’y aura pas d’agriculture sans eau. Il faut que la raison l’emporte», a-t-il tranché.
Revitaliser et partager la ruralité
La FNSEA a présenté le 22 septembre lors de son 75e congrès son Manifeste pour des ruralités vivantes. Ce document de 16 pages, cosigné par une vingtaine d’organisations, sera l’une des pierres angulaires du syndicat en vue des prochaines échéances électorales : présidentielle et législatives.
N’assisterions-nous pas à un nouvel appel de la terre, à une nouvelle attractivité des campagnes ? En effet, le confinement lié au coronavirus a provoqué un départ précipité de certaines grandes villes, comme Paris. «430.000 Parisiens ont fui la capitale pendant le Covid», a expliqué le sociologue Jean Viard, qui intervenait à la tribune du congrès de la FNSEA. Mais les tendances semblent plus lourdes. En effet, les campagnes ont gagné plus de cinq millions d’habitants entre 1968 et 2014 et les démographes estiment qu’elles gagneront «bientôt 100.000 habitants supplémentaires par an», a ajouté Henri Bies-Péré, 2e vice-président de la FNSEA.
Modus vivendi
Cependant, l’arrivée des né-ruraux suscite légitimement des questionnements et des inquiétudes autant sur le partage de cet espace que sur son mode de développement et de croissance futurs. «Car la ruralité n’est pas réservée qu’aux seuls agriculteurs» et le Covid a rebattu les cartes, «remettant en cause notre rapport à la nature» et créant «une véritable rupture culturelle qui ne fait que commencer», a affirmé Jean Viard.
Pour lui, un nouvel usage du territoire est en train d’émerger, ne serait-ce que parce que les agriculteurs ne représentent que 440.000 exploitations au milieu de 16 millions de maisons individuelles avec jardin. «C’est pourquoi il faut trouver un modus vivendi avec les néo-ruraux pour fédérer les habitants et développer des projets de territoires», a indiqué Henri Bies-Péré pour qui «il n’y aura pas de relance économique en France s’il n’y en a pas dans les zones rurales».
Des ruralités
Dans ce manifeste qui n’est pas sans rappeler la charte du monde rural signée il y a 30 ans après le Dimanche des Terres de France le 29 septembre 1991, la FNSEA formule dix propositions d’urgence parmi lesquelles, «faciliter l’installation et la transmission en milieu rural pour atteindre 100.000 entreprises durables reprises ou nouvellement implantées dans des communes très peu denses d’ici 2030», «faire de nos exploitations agricoles et de nos entreprises rurales les moteurs de l’atteinte de la neutralité carbone dans nos territoires» ou encore «revitaliser 10.000 centres-bourgs d’ici 2050» et «encourager les investissements durables». Ces propositions permettront, selon la FNSEA, de relever quatre défis : l’emploi ; le dialogue avec tous les acteurs locaux (élus, entreprises, associations…) ; le défi climatique et enfin, le vivre-ensemble. Les réponses ne seront pas «homogènes», a conclu Jean Viard car il existe «des ruralités».
Les cosignataires du manifeste
- Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (Adepale)
- Alliance des sports et loisirs de nature (ASLN )
- Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA)
- Union des Industriels de l’agroéquipement (AXEMA)
- Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles (CNMCCA )
- Confédération nationale des buralistes
- Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)
- Fédération nationale des artisans et petites entreprises en milieu rural (Fnar)
- Fédération nationale Accompagnement Stratégie (Fnas)
- Fédération nationale des chasseurs (FN Chasseurs)
- Fédération nationale des familles rurales (FNFR)
- Fédération des syndicats de forestiers privés (Fransylva)
- Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSafer)
- Syndicat de l’Industrie du médicament et diagnostic vétérinaires (SIMV)
- Sol et civilisation
- Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes)
- Union des industries de la protection des plantes (UIPP)
- Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH)
- Union nationale des professions libérales (UnaPL)
- Union nationale des entreprises du paysage (Unep)
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