L'Oise Agricole 27 septembre 2023 a 09h00 | Par Propos recueillis par Léa Rochon

«Les populations agricoles ont eu un lien particulier avec les chiens»

Deux études parues en 2016 et 2018 et menées par Morgane Ollivier, alors maître de conférences à l'ENS de Lyon, ont montré qu'au Néolithique, les chiens ont accompagné les agriculteurs originaires du Proche-Orient durant leur migration plurimillénaire à travers l'Europe. Tandis que les hommes devenaient agriculteurs, les chiens ont développé une capacité à digérer l'amidon. Explications.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
Morgane Ollivier est maître de conférences en écobio, écosystèmes, biodiversité et évolution.
Morgane Ollivier est maître de conférences en écobio, écosystèmes, biodiversité et évolution. - © Morgane Ollivier

La doxa selon laquelle les chiens étaient auparavant des loups est-elle scientifiquement vraie ?

Morgane Ollivier : «Cela fait plusieurs dizaines d'années que, d'un point de vue archéozoologique* et moléculaire, il est possible d'affirmer que l'ancêtre sauvage du chien est bien le loup. Sa domestication a démarré il y a environ vingt-huit mille ans par les chasseurs-cueilleurs, bien avant les autres animaux domestiques du milieu agricole. Cette domestication a été l'oeuvre d'un processus graduel : les loups qui partageaient le même environnement et les mêmes territoires de chasse que l'Homme se sont peu à peu rapproché des campements des hommes. Ils ont alors pris de nouvelles habitudes de vie et d'alimentation. Certaines de leurs caractéristiques phénotypiques, physiologiques et comportementales ont par la suite évolué, puisqu'ils ont délaissé la chasse, au profit d'une nourriture proche des campements.»

En quoi la période Néolithique, qui a vu apparaître l'agriculture et l'élevage, a-t-il été un bouleversement pour le chien et son rapport à l'Homme ?

M. O. : « La période Néolithique (-6.000 à -2.300 ans), qui correspond à l'adoption d'une vie agricole et pastorale, a bouleversé les sociétés. À ce moment-là, les chiens vivaient déjà avec les hommes en Eurasie. De premières études suédoises ont montré que le gène qui permet de digérer l'amidon et le gluten était alors présent dans le pancréas des chiens. Plus les chiens possèdent de copies de ce gène, plus ils sont aptes à digérer l'amidon. Les chiens modernes en comptent entre 4 et 34 copies selon les races, tandis que les loups n'en ont que 2. Dans des zones géographiques agricoles, les races de chiens actuelles possèdent de nombreuses copies. En revanche, les huskys et les malamutes, qui tiennent leurs origines de régions non-agricoles, en comptent un faible nombre. Il existe donc un lien entre les caractéristiques des chiens et la présence ou non de l'agriculture dans leur environnement. Il y a douze mille ans, lors de la migration des hommes de l'Europe jusqu'en Amérique du Sud via le détroit de Béring, aucune trace de chiens n'a été retrouvée. Ces derniers sont apparus secondairement vers -5.000 ans, ce qui coïncide avec la migration humaine qui a apporté la culture du maïs. Les populations agricoles ont eu un lien particulier avec les chiens, puisqu'elles les ont emmenés au cours de leurs déplacements et de leurs migrations. L'étude** à laquelle j'ai participé à l'ENS de Lyon confirme ces résultats.»

Quelle méthode de travail avez-vous utilisée, afin de parvenir à ces résultats ?

M. O. : «Nous travaillons avec un réseau d'archéologues qui nous permet d'avoir accès à des squelettes provenant d'Iran, de la Roumanie et également de la France. Afin d'extraire l'ADN, nous broyons les os ou les dents. L'ADN est extrait à partir de la poudre résultant de ce broyage et est ensuite séquencé à haut débit. S'ensuit un travail de bio-informatique, afin de reconstituer les génomes à partir des génomes de référence que nous avons déjà. Nous avons également un partenariat avec des résultats provenant de squelettes de la péninsule ibérique. Nos analyses suivent la voie de la migration des hommes vers le Nord, et celle du Proche-Orient vers l'Europe.»

Serait-il scientifiquement pertinent d'étudier les races de chiens utilisées aujourd'hui dans le milieu agricole ?

M. O. : «Nous travaillons avec un réseau d'archéologues qui nous permet d'avoir accès à des squelettes provenant d'Iran, de la Roumanie et également de la France. Afin d'extraire l'ADN, nous broyons les os ou les dents. L'ADN est extrait à partir de la poudre résultant de ce broyage et est ensuite séquencé à haut débit. S'ensuit un travail de bio-informatique, afin de reconstituer les génomes à partir des génomes de référence que nous avons déjà. Nous avons également un partenariat avec des résultats provenant de squelettes de la péninsule ibérique. Nos analyses suivent la voie de la migration des hommes vers le Nord, et celle du Proche-Orient vers l'Europe.»

* L'archéozoologie est la discipline scientifique qui vise à reconstituer l'histoire des relations naturelles et culturelles entre l'homme et l'animal.

** Cette étude internationale a été menée par des chercheurs de l'École Normale Supérieure de Lyon, du Muséum National d'Histoire Naturelle, de l'Université de Rennes et de l'Université d'Oxford.

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,