L'Oise Agricole 25 juin 2019 a 11h00 | Par Alison Pelotier

Les perturbateurs endocriniens

Les perturbateurs endocriniens, substances toxiques d’origine naturelle ou artificielle, sont à l’origine de nombreuses pathologies et maladie.

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- © Agence de presse

Retour et précisions sur une question de santé publique prioritaire. Que sont réellement ces substances appelées perturbateurs endocriniens (PE) ? Tout d’abord, il est indispensable de différencier la substance chimique dangereuse en tant que telle du perturbateur endocrinien. La différence entre un PE et un produit chimique classique réside dans son caractère dangereux, quelle que soit la quantité absorbée. «Ce n’est pas la dose qui fait le poison mais le simple fait d’y être exposé», explique Francelyne Marano, biologiste toxicologue, professeure émérite à l’Université Paris-Diderot.

Autre facteur : la période de l’exposition. «À certaines périodes de notre vie, nous sommes plus vulnérables», précise-t-elle. En effet, ces perturbations sont d’autant plus graves lorsqu’elles s’en prennent au fœtus, à l’embryon et au jeune enfant en phase de développement. Des effets irréversibles peuvent être induits, y compris des malformations congénitales. Les femmes enceintes sont donc vulnérables.

Les molécules présentes dans les PE interfèrent avec le fonctionnement des glandes endocrines, organes responsables de la sécrétion des hormones, par effet mimétique, en imitation et réduisant l’action de l’hormone naturelle ; par effet de blocage, en empêchant la transmission du signal hormonal ; ou par effet perturbant, en gênant la régulation des hormones ou de leurs récepteurs.

Effet cocktail, une difficulté de plus

Aujourd’hui, de nombreux produits chimiques soupçonnés de perturber le système endocrinien sont interdits. C’est le cas du DDT, un insecticide de la famille chimique des organochlorés, retiré du marché dans les années 1970. «On le retrouve encore dans les eaux et les sols. Notre chaîne alimentaire est contaminée», explique Florence Denier-Pasquier, secrétaire nationale de l’association France Nature Environnement (FNE). Quelques centaines de PE ne sont pas interdits à ce jour. Phtalates, parabènes, perfluorés, composés phénoliques, polybromés (retardateurs de flamme), pesticides, dioxines, PCB, cosmétiques, filtres solaires, hydrocarbures aromatiques polycycliques, médicaments à base d’hormones… La liste est longue et leur origine très différente. Les phtalates se retrouvent par exemple dans le revêtement de sol en PVC ou dans certains dispositifs médicaux. Les perfluorés recouvrent certains ustensiles de cuisine aux propriétés anti-abrasives. Mais la complexité du problème va plus loin. Lorsque plusieurs PE se rencontrent, les scientifiques évoquent un effet cocktail. Très peu d’études existent sur le sujet. «On ne pourra jamais étudier tous les mélanges possibles», affirme Michel Urtizberea, responsable du service homologation chez BASF.

Autrement dit : impossible d’étudier toutes les interactions et les effets cocktails tant il en existe. «Nous ne sommes pas en mesure d’incriminer une molécule plus qu’une autre», ajoute Xavier Reboud, directeur de recherche à l’Inra. Les perturbateurs endocriniens peuvent aussi être produits par la nature, comme les mycotoxines, élaborées par des champignons microscopiques. Sont-ils plus dangereux qu’une bougie parfumée, des peintures chimiques ou des boîtes de conserve alimentaires ? Réponse de l’agro-écologue. «Nous n’avons pas les moyens de le démontrer». Malgré la prise de conscience de la société, la recherche bloque.

La recherche européenne en stand-by

Malgré des études montrant l’existence des PE, l’Union européenne peine à prendre des mesures réglementaires. Un documentaire réalisé par la journaliste Stéphane Horel montre l’influence sans merci des lobbys industriels. Il fait froid dans le dos. Fruit de 18 mois d’enquête, le documentaire Endoc(t)riment expose la complaisance des institutions européennes face au poids de l’industrie. Attaques de chercheurs indépendants, instrumentalisation de la science, conflits d’intérêts, Stéphane Horel dénonce les stratégies des lobbies de la chimie et des pesticides pour court-circuiter la réglementation.

Si les perturbateurs endocriniens font l’objet de discussions à Bruxelles, leur cadre réglementaire est encore flou. Nathalie Chaze, directrice adjointe du cabinet du commissaire européen en charge de la santé, rappelle que «les perturbateurs endocriniens sont interdits, mais nous ne les avons pas définis.» «Nous manquons de tests pour le faire», ajoute Roger Genet, directeur général de l’Anses. Face à une recherche publique aux moyens limités, la recherche privée ne rougit pas.

Le responsable du service homologation du plus grand groupe de chimie au monde affirme que BASF travaille sur des alternatives pour diminuer l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Loin d’être inexistante, la réglementation européenne en vigueur pour les substances chimiques n’est pour l’heure pas adaptée à ce type de substances. «Il faut qu’elle oblige les fabricants à respecter le principe de précaution dès le moindre doute», estime la secrétaire nationale de la FNE. «Avant que l’Europe se positionne, on risque d’attendre longtemps. Il faut agir maintenant. C’est une question de santé publique».

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