Avant même le début de la dé-gustation des miels, les membres du jury, tous apiculteurs, ont le sourire. «Cette année était une des plus belles floraisons. Je n'en avais jamais vu de pareille de toute ma carrière, et elle commence à être longue», rit Patrick Vandecasteel, installé à Marchiennes (59). Alain Bahuchet, chargé de mission Terroirs Hauts-de-France, acquiesce. «50 tonnes de miels qui entrent dans la démarche ont été déclarées, pour 1 360 ruches. Trente-trois échantillons sont sou-mis au jury aujourd'hui. On n'en a jamais eu autant.»

L'étape du jour est la concrétisation d'une saison de travail. Pour réaliser ce miel bien particulier, les apiculteurs doivent transhumer, et installer leurs ruches près des tilleuls sauvages des forêts, de variété Tilia cordata, plus communément appelés tilleuls à petites feuilles. «La place de dépôt est d'ailleurs déterminante. Un bon apiculteur sait trouver le bon endroit pour une production des abeilles optimale», assure Patrick Vandecasteel.

Le résultat est un miel au goût «très mentholé, frais, presque médicamenteux». Pour le caractériser, les apiculteurs ont suivi une formation spécifique. Équipés d'une grille d'évaluation et d'un stylo, chacun prend une pomme acidulée, une biscotte et un verre d'eau. «C'est pour casser le goût entre chaque cuillerée. Il faut pouvoir nettoyer le palais.» Première évaluation : l'aspect visuel. «Lorsqu'il est clair avec une couleur légèrement verdâtre, c'est bon signe.» Puis l'odorat est sollicité, pour repérer cet arôme mentholé. Enfin, la mise en bouche. Concentration. Hochements de tête. Étonnement parfois. Une note de 1 à 9 est attribuée sur chaque critère. Une note inférieure ou égale à 5 en typicité est rédhibitoire. «Celui-ci, par exemple, a un goût de fumée. C'est dû à la pratique de l'apiculteur qui enfume trop ses ruches. On parle d'un goût exogène qui ne permet même plus de qualifier le produit de miel.» Pour cet échantillon, ce sera malheureusement une note de typicité de 1, éliminatoire.

La moyenne est cependant très bonne. «Il y a une belle brochette de bons miels», se réjouit Patrick Vandecasteel. «C'est un bon cru», confirme Philippe Bequet, de la miellerie de l'Halluette à Toutencourt. Vingt-neuf échantillons sur les trente-trois sont labellisés Terroirs Hauts-de-France. Deux «majors de promotion» ex-aequo ont même décroché la très bonne moyenne de 7,80/9 : Gauthier Vanpouille, à Bailleul (59), qui avait placé ses ruches dans la forêt d'Ermenonville (60), et Bruno Mantel, d'Aire-sur-la-Lys (62) dont le fameux miel a été produit en forêt d'Halatte (60).

Une IGP en 2024 ?

L'année prochaine, ce miel de Tilleul devrait être soumis à un nouveau cahier des charges, puisqu'il est en passe de décrocher l'IGP (Indication géographique protégée) tant espérée. Les intérêts d'une telle labellisation européenne sont multiples. «Elle permettra de structurer davantage la filière. Notre région gagnera en crédibilité, en tant que bassin de production», pointe Philipe Bequet. Le miel gagnerait aussi en facilité de vente. «Cela favorise-rait donc l'installation de jeunes apiculteurs.»