Les maires s’interrogent sur la future réforme constitutionnelle
Au cours de leur congrès annuel le 20 octobre à Clermont sous la présidence d’Alain Vasselle, les maires de l’Oise ont clairement exprimé leur malaise face à la condescendance de l’État vis-à-vis d’eux, devant la complexité de leur mission et en contact avec un citoyen qui devient un consommateur.

L’ambiance de la salle oscillait entre découragement, incompréhension devant les réformes mises en œuvre et volonté d’affirmer le rôle central de la commune dans le contact avec la population. Ainsi, André Flajolet, vice-président de l’Association des maires de France (AMF), rappelait que la mission du maire est de «servir le citoyen, agir dans la République» et il adressait à l’assemblée le message de «tenir bon» et affirmait la volonté des maires d’être respectés par l’État. La commune, c’est le premier morceau de la République.
Une table ronde réunissant Alain Vasselle, André Flajolet, Isabelle Barthe, maire de Cernoy, Jean-Paul Douet, maire de Montagny-Sainte-Félicité, et Jean-Pierre Bosino, maire de Montaire, et animée par Jean Dumonteil, directeur des Editions du service public, brossait les inquiétudes et attentes des élus devant la réforme constitutionnelle voulue par Emmanuel Macron. Après un premier examen, elle a été repoussée à 2019 suite aux péripéties de l’été autour de l’affaire Bénalla. Elle intervient donc 18 mois après le nouveau découpage des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) qui a ramené leur nombre de 2.000 à 1.236, après de nombreuses années de baisse de la DGF (dotation globale de fonctionnement) et après de nombreuses réformes menées depuis l’élection d’Emmanuel Macron.
Le premier volet de la réforme concerne essentiellement les parlementaires dont le nombre devrait diminuer. Et chacun des participants de la table ronde de noter que moins de parlementaires, c’est aussi une moindre représentation des territoires.
Le deuxième volet concerne le droit à la différenciation des collectivités après expérimentation. C’est-à-dire que le choix sera laissé aux collectivités de s’organiser comme elles l’entendent et notamment en terme de partage des compétences, afin de répondre plus efficacement aux besoins de la population. Par contre, pas de généralisation prévue après les expérimentations comme cela s’est produit par exemple pour le RSA. Sous l’égide du préfet, les communes pourront s’organiser et traiter de façon différenciée divers sujets comme l’eau, l’assainissement ou la loi littoral.
À ce sujet, André Flajolet indique que l’AMF voudrait que soit rappelée dans la réforme constitutionnelle la place centrale de la commune. De même, à l’instar de la Sécurité sociale, l’AMF voudrait qu’une loi pluri-annuelle des finances locales soit instaurée, avec une loi de finances spécifiques aux collectivités tous les ans. Cela permettrait de figer les finances des communes et donc de les sanctuariser. Le souhait est que les compétences entre communes et intercommunalités soient librement réparties. Ainsi, selon Alain Vasselle, «les maires seraient sécurisés dans leur identité et leur fonctionnement.» Car ils sont restés amers suite à la loi Notre dont l’application éloigne toujours le citoyen du centre de décision. Or, selon le maire d’Oursel-Maison, le maire est le premier maillon du lien avec le citoyen.
Méfiance
Plus généralement, après avoir été malmenés depuis des années par les différentes réformes et la baisse continue des dotations de l’État, les maires sont lassés et très interrogatifs sur cette réforme dont l’objectif ne semble clair. Isabelle Barthe, maire de Cernoy, commune du plateau picard, se faisait la porte-parole des petites communes rurales dont elle ressent un grand découragement des élus. «Beaucoup de changements sont intervenus rapidement : redécoupage des cantons, des régions, transfert de compétences à l’intercommunalité… Tout ceci a amené un gros malaise chez les maires ruraux. Ils ont l’impression de ne pas être pris en compte dans les décisions. Pire, avec la perte de compétences, ils se sentent décrédibilisés devant leurs habitants.»
Jean-Pierre Bosino, maire de Montataire, s’est montré beaucoup plus radical. Pour lui, cette réforme est la suite logique de toutes les précédentes et elle n’a qu’un seul objectif : faire disparaître les communes et les départements au nom des économies et dans le but d’éloigner le citoyen des centres de décisions.
Or, la population est attachée à l’échelle communale et les maires doivent résister à la pression de l’Etat. «Les services publics se dégradent ou disparaissent alors, que si l’on considère que la fraude fiscale s’élève à 80 milliards d’euros, il y a de l’argent» conclut-il.
Jean-Paul Douet, maire de Montagny-Sainte-Félicité, indique qu’avec la baisse des dotations et la suppression des emplois aidés, les maires des petites communes ont de plus en plus de mal. Quant aux intercommunalités, elles n’ont de sens que si elles ont pour objectif de mieux servir l’habitant. Or, c’est souvent au nom de la rentabilité qu’elles ont été créées. Elles doivent néanmoins pouvoir aboutir à des économies d’échelle. Alain Vasselle rappelle le principe de subsidiarité et de mutualisation qui doit permettre aux EPCI d’offrir plus de services aux habitants. Or, On a l’impression que les hauts fonctionnaires de l’État veulent tout recentraliser. En tout cas, Alain Vasselle rappelle qu’il faudra se battre pour que les budgets des collectivités soient étanche de celui de l’État qui annonce déjà que l’excédent à terme de celui de la Sécurité sociale servira à compenser le déséquilibre de celui de l’Etat.
S’en est suivi un débat avec la salle où se sont exprimées des inquiétudes : comment sera compensée la diminution puis la suppression de la taxe d’habitation ? Crainte sur la volonté de l’Etat de supprimer les collectivités qu’il n’a pas créées, statut de l’élu, nécessité de mieux communiquer auprès des maires et des élus qui se sentent seuls. La parole a été donnée enfin aux parlementaires de l’Oise présents.
Jérôme Bascher, sénateur LR, a rappelé que les maires ont les fantassins de la République et qu’ils doivent être reconnus pour cela. Agnès Thil, députée LREM, a voulu rassurer les maires qui, selon elle, sont mieux traités qu’auparavant, ce qui n’a pas manqué de provoquer une vague de protestation dans l’assemblée et de nombreux sifflets ! Quant à la sénatrice Laurence Rossignol, elle s’est demandée pourquoi un diagnostic n’a pas été établi au départ avant d’entamer une réforme de la constitution et que cette dernière semble motivée par des pré-supposés à l’encontre des élus. Enfin, Olivier Paccaud, sénateur, estime qu’il faut se battre sur trois points. C’est celui qui décide qui paie, que moins de temps de discussion, moins de parlement, c’est moins de démocratie et qu’il faut imposer un équilibre budgétaire. L’Etat exige des collectivités ce qu’il n’est pas capable de faire. Sur ce point, les avis de tous se rejoignaient et cette réforme peut être une opportunité pour les collectivités. Les parlementaires semblent vouloir y veiller.
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