L'Oise Agricole 30 septembre 2021 a 08h00 | Par Vincent Fermon

Les éleveurs demandent qu'on arrête de leur casser les pattes

L'assemblée générale du Comité régional avicole Hauts-de-France a été l'occasion pour les éleveurs de volailles de la région d'alerter tout à chacun sur la crise de rentabilité de leur production et de dénoncer les difficultés liées au développement de leur filière.

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Les éleveurs de volailles des Hauts-de-France sont tiraillés entre augmentation des coûts de production sans revalorisation annoncée de leurs prix de vente et une pression sociétale qui pèse sur quasiment tout nouveau projet de bâtiments d'élevage.
Les éleveurs de volailles des Hauts-de-France sont tiraillés entre augmentation des coûts de production sans revalorisation annoncée de leurs prix de vente et une pression sociétale qui pèse sur quasiment tout nouveau projet de bâtiments d'élevage. - © Pixabay

Entre hausses des prix de l'aliment, zèle administratif et contestation citoyenne face à la construction de nouveaux bâtiments d'élevage, les éleveurs de volailles sont à bout, y compris dans les Hauts-de-France où le Comité régional avicole Hauts-de-France (Cravi) a fait du thème de l'acceptabilité sociétale le coeur de son assemblée générale, le 24 septembre dernier. «Veut-on encore de la production de volailles dans notre région et plus largement en France ?», interrogeait le président du Cravi Hauts-de-France,

Philippe Dessery.

Une situation

«pas tenable»

Le contexte économique d'abord, n'est pas encourageant, comme l'a souligné le trésorier du Cravi, Luc Desbuquois : «Depuis une quinzaine d'années, nous disposons d'un indice sur le coût de production qui permettent de négocier des prix de la volaille. Mais depuis six mois, nous sommes complètement au-dessus avec un coût d'aliment qui a explosé et nous ne voyons pas toujours pas de revalorisation. Le gouvernement n'a pas la main pour y remédier, les distributeurs ne lâchent rien au nom de la défense du pouvoir d'achat et tous les acteurs de la filière sont en train de gratter les fonds de tiroir pour tenir...» Pour Luc Desbuquois, la situation actuellement traversée par la filière volailles n'est «pas tenable», et craint des conséquences en cascade : «Si demain les fabricants d'aliments augmentent leurs prix, ce sera terrible pour les éleveurs qui arrêteront d'élever des volailles comme pour les abattoirs qui n'auront plus d'activité.» La même situation est d'autant plus incompréhensible qu'à l'heure où le «manger Français» est vanté et plébiscité, «52 % de la volaille que l'on consomme en France est importée...»

Pression jusqu'au

harcèlement

Dans un contexte économique «normal», débarrassé de la question du coût de production et de la rentabilité, ce constat devrait inciter les éleveurs à développer leur activité. Mais se pose aussi la question de plus en plus prégnante de l'acceptabilité sociétale de l'élevage. «Même quand les procédures sont appliquées comme il se doit et que l'administration donne son accord, il y a des oppositions», constate Luc Desbuquois. Dans le nord-est de la France, on estime que 20 % des projets sont la cible d'oppositions. Un chiffre qui monte à 100 % lorsque le projet est soumis à enquête publique. Et tous les modes d'élevage sont concernés : standard, bio, label... Installée dans le hameau de La Croix-du-Bac, à Steenwerck (59), la famille Warembourg livre un témoignage glaçant sur les conséquences du harcèlement qu'elle subit depuis qu'elle s'est engagée dans un projet d'agrandissement d'un bâtiment d'élevage de volailles. Derrière les manifestations contre le projet, des habitants du village, un conseil municipal hostile, mais aussi des militants d'associations animalistes, écologistes, des candidats ou élus en campagne... et souvent, aussi, des opposants installés à plusieurs centaines, voire milliers de kilomètres sensibilisés via les réseaux sociaux. Face à cette déferlante, bonne foi et bonne volonté des porteurs de projets ne semblent pas peser bien lourd.

Un plan de contre-

attaque en préparation

Les arguments en faveur de l'élevage «à la française» existent pourtant bel et bien : «La taille moyenne d'un élevage de volailles en France, c'est 40 000 animaux par élevage, par personne, indique Victor Guyon, auteur d'une étude sur l'acceptabilité des élevages en France pour l'interprofession de la volaille de chair (Anvol). Un élevage, c'est huit emplois induits. La filière française est celle en Europe qui élève le plus de volailles en plein air. Ailleurs, dans l'Union européenne, les élevages sont trois fois plus grands. Et ailleurs, dans le monde, en Thaïlande, par exemple, on peut compter jusqu'à 2 millions d'animaux au même endroit.» Puis, le représentant d'Anvol rappelle la publication d'un manifeste il y a quelques semaines demandant aux Français «d'accepter les nouveaux poulaillers» (lire encadré). Un film promotionnel «de sept à huit minutes» est également en préparation afin, explique-t-on chez Anvol, «de montrer les coulisses d'un modèle unique au monde». À l'approche d'échéances électorales majeures, le président du Cravi Hauts-de-France en appelle désormais au politique : «On a des productions de qualité, des éleveurs qui veulent travailler, mais nous manquons de soutien politique», regrette Philippe Dessery.

Le Cravi Hauts-de-France dénonce un retour en arrière sur la certification export

Pour les éleveurs de volailles des Hauts-de-France, mais aussi pour les éleveurs de porcs de la région, il y a bel et bien un «avant» et un «après» Covid et cela impacte leur manière de travailler au quotidien. Lors de l'assemblée générale du Cravi Hauts-de-France, Luc Desbuquois est revenu sur ce qu'il considère aujourd'hui comme «un retour en arrière, une aberration monstre», à savoir le retour de la certification vétérinaire dans sa version «papier» pour l'export d'animaux vivants de la France vers la Belgique où ces animaux sont abattus : «Avec la crise de la Covid-19, la dématérialisation de cette procédure nous a été autorisée, rappelle M. Desbuquois. Mais depuis le

1er septembre, cela est remis en cause.» Résultat ? «On est obligé de reprendre la voiture pour aller chercher le papier et faire des kilomètres pour pas grand-chose à l'heure où l'on parle d'écologie, de télétravail...» Ce retour à la version papier est d'autant plus «incompréhensible» selon l'éleveur que «tout s'est bien déroulé jusqu'au 1er septembre». Le président du Cravi Hauts-de-France, Philippe Dessery, acquiesce :

«On perd du temps et de l'argent que nous n'avons pas...» Du côté de la Draaf Hauts-de-France, on explique «être informé des difficultés» rencontrées par la filière volailles, comme par les autres filières exportatrices qui doivent faire appel au service de certification. Le problème, explique l'administration française, c'est que la décision de prolonger ou non la pratique de la dématérialisation appartient à... la Commission européenne. La Draaf Hauts-de-France explique ainsi travailler à la mise en oeuvre d'un système permettant à l'avenir la dématérialisation, «mais il faudra attendre encore quelques mois», a expliqué sa représentante aux représentants du Cravi Hauts-de-France.

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