L'Oise Agricole 13 octobre 2022 a 08h00 | Par Christophe Soulard

Les amidonniers face au mur de l'énergie

Après une année 2020 en demi-teinte, et une année 2021 relativement bonne, les amidonniers, représentés par l'Union des syndicats des industries des produits amylacés et de leurs dérivés (Usipa) craignent que les années 2022 et 2023 soient plus moroses. Notamment en raison de la hausse des prix de l'énergie.

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Les amidonniers craignent de manquer de matières premières pour la saison 2022-2023, en raison de la sécheresse.
Les amidonniers craignent de manquer de matières premières pour la saison 2022-2023, en raison de la sécheresse. - © Tereos

«L'année 2021 a marqué un retour à la croissance dans un contexte inflationniste», a résumé Claude Risac, président de l'Usipa dans une récente conférence de presse. Par rapport à 2020, ce sont 500 000 t supplémentaires de matières premières agricoles qui ont été transformées : blé, maïs, pommes de terre et pois. Toujours première productrice européenne d'amidon, la France a dégagé 3,2 milliards d'euros (MdEUR) de chiffre d'affaires, en hausse de + 9, 2 % par rapport à 2020 et valorisé un peu plus de 6,5 millions de tonnes de matières premières agricoles, provenant à 97 % du territoire français.

La part du lion

Près des ¾ du CA (73 % exactement en 2021 contre 74 % en 2020) ont été réalisés à l'export dont 64 % au sein de l'Union européenne (UE27) et 36 % dans les pays tiers. Au sein de l'UE 27, ce sont l'Allemagne (31 %), la Belgique (27 %) et les Pays-Bas qui constituent le trio de tête devant l'Espagne (8 %) et l'Italie. Dans les pays tiers, on retrouve parmi les premiers importateurs d'amidon français, le Royaume-Uni (21 %), la Norvège (16 %) et les États-Unis (9 %). «Le secteur contribue de manière positive à la balance commerciale avec un excédent de 782,5 millions d'euros», a souligné Mariane Flamary, déléguée générale de l'Usipa.

Comme pour les années précédentes, l'amidon français a trouvé ses débouchés pour 54 % dans le secteur alimentaire (confiserie, boulangerie, aliments pour animaux etc.) et 46 % dans le secteur industriel. Dans celui-ci, la papeterie (37 %) et l'industrie pharmaceutique et chimique (32 %) se taillent la part du lion, l'amidon et ses dérivés étant utilisés comme excipients pour fabriquer les médicaments, ou constituer des alternatives aux emballages plastiques.

Secteur essentiel

Cependant, le secteur reste gourmand en énergie. Sur les 32 TWh consommés par les industries agroalimentaires, les amidonneries en représentent 19 % (7 Twh), à égalité avec le secteur laitier et juste derrière les industries sucrières (22 %). Mais la flambée des prix du gaz et de l'électricité inquiète l'Usipa. «On parle de factures de gaz de plusieurs dizaines de millions d'euros, quand on rajoute un facteur deux ou trois, le volume est absolument colossal», a expliqué Mariane Flamary qui pointe aussi l'envol du prix des matières premières qui représentent entre 40 et 60 % du coût de production total.

Après les annonces faites par le gouvernement en matière de sobriété énergétiques, les représentants de l'Usipa craignent d'être frappés par des délestages ou des rationnements. Or, «nous sommes un secteur essentiel et indispensable à la santé et à l'alimentation», a martelé la déléguée générale. Elle a d'ailleurs tenu à prévenir que «si on rationne l'amidonnerie, on crée une pénurie dans les rayons alimentaires et les pharmacies».

Baisse de production

À vrai dire, les amidonniers craignent surtout de manquer de matières premières pour la saison 2022-2023, en raison de la sécheresse qui, si elle a moins touché le blé, s'est révélée plus néfaste pour les cultures de pommes de terre (- 20 % minimum) et de maïs. «Il faut s'attendre à une baisse de production», ont averti Mariane Flamary et Claude Risac. In fine, ils s'attendent à une baisse globale du chiffre d'affaires et à devoir reporter des investissements en matière de décarbonation «qui se chiffrent en millions d'euros. Si l'État ne nous aide pas et si notre compétitivité s'érode, nous n'aurons pas les moyens d'assurer l'intégralité de notre plan de transition écologique et énergétique», a concédé le président de l'Usipa. Le secteur s'est en effet fixé un objectif de réduction de 35 % des émissions de gaz à effet de serre entre 2015 et 2030. En attendant un retour à la normale économique d'ici quelques années, le secteur de l'amidonnerie souhaiterait que «l'Europe revoit ses critères d'éligibilité des aides énergétique afin de contenir la pression inflationniste», a-t-il conclu.

L'appel au secours de la filière alimentaire

Dans un communiqué commun, sept organisations, la FNSEA, la Coopération agricole, les représentants des industries de l'agroalimentaire (Adepale, Ania, Ilec, FEEF) avec Perifem, le conseil technique de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) ont appelé «au secours» concernant la hausse des coûts de l'énergie. L'inquiétude monte un peu plus chaque jour à tous les maillons de la chaîne.

C'est une crise à laquelle personne ne s'attendait vraiment il y a un an, alors même que s'éloignait le spectre du Covid. Les prix de l'énergie avaient certes commencé à grimper car la reprise économique nécessitait de répondre à de nombreuses demandes. La guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie sont venues rebattre les cartes au point qu'aujourd'hui tous les acteurs de la filière agroalimentaire estiment la hausse de l'énergie (gaz et électricité) totalement «disproportionnée». Tous pointent de sérieux risques pour eux-mêmes et pour le consommateur final : ruptures de production, rupture d'approvisionnement, hausse du panier moyen, conséquences sur l'emploi etc. Interrogée sur BFM Business le 6 octobre, Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, a estimé que cette crise énergétique pouvait sans doute être «plus grave que celle du Covid» et a parlé «d'urgence absolue». En effet, à la production, les endives ont besoin d'énergie pour pousser. La conservation des fruits et légumes en atmosphère contrôlée nécessitent d'imposants frigos. «Les vaches n'arrêtent pas de produire le lait, donc il faut le collecter tous les jours et le transformer. C'est pareil pour les betteraves ou les pommes de terre. Pour transformer une betterave en sucre semoule, il y a beaucoup de processus de transformation, beaucoup d'énergie et donc, nous sommes pleinement impactés», a indiqué Christiane Lambert, le 7 octobre dans l'émission "Charles Matin", sur RMC.

Tarif réglementé

«Si on doit impacter le coût réel de l'énergie de nos nouveaux contrats, qui sont multipliés par cinq, par huit ou par dix, nous ne pourrons pas. On ne va pas vendre la baguette 10 EUR ou le kilo de pommes 20 EUR, le consommateur ne s'y retrouvera pas», a-t-elle ajouté. Une manière de dire que chacun, tout au long de la filière, doit prendre sa part, que les agriculteurs y sont prêts et que d'autres (sous-entendu les distributeurs) seraient bien inspirés de jouer le jeu. L'énergie représente environ un tiers des coûts de production des agriculteurs et ces derniers augmentent «entre 5 % et 30 % selon les produits ou services concernés».

En bout de chaîne, «les consommateurs doivent s'attendre à payer leur panier moyen de courses quotidiennes 15 % de plus», indique le communiqué commun. Les organisations signataires demandent donc au gouvernement la mise en place d'«un tarif réglementé d'urgence accessible à toutes les entreprises», quelle que soit leur taille, «pour la durée de la crise». Ce niveau de tarif doit «être égal à la moyenne pondérée des coûts de production de l'électricité en France», ajoutent-elles. De même, ces organisations entendent bénéficier d'un prix plafond sur le gaz. Par l'intermédiaire de son porte-parole, Olivier Véran, le gouvernement a tenté d'être rassurant : «Nous allons plafonner les prix. D'ici à la fin octobre, nous aurons des mécanismes en place qui permettront de retrouver des eaux plus calmes pour les prix du gaz et de l'électricité», a-t-il affirmé le 7 octobre sur BFMTV. L'enjeu énergétique renvoie à celui de la souveraineté alimentaire. «Ce que nous ne produirons pas chez nous, nous serons contraints de l'importer», a déclaré Christiane Lambert, le 7 octobre, sur Europe 1.

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