Légumes bio de plein champ, un véritable challenge technique à relever
Les Chambres de l’agriculture des Hauts-de-France ont organisé, le 4 juillet, une journée agriculture biologique et innovations agronomiques à la ferme de Thomas Coevoet à Bonneuil-les-Eaux sur le thème des légumes de plein champ et céréales biologiques. Cela a permis aux nombreux visiteurs de voir que les itinéraires techniques progressent et permettent d’entrevoir des possibilités de développement intéressant pour l’agriculture biologique en région.












C’est sur les terres de Thomas Coevoet que le bio a fait son show. Malgré la chaleur étouffante, plus d’une centaine de personnes sont venues s’informer sur les légumes de plein champ biologiques. En introduction à la journée, Thomas Coevoet a présenté son parcours en AB qui a débuté à la fin des années 90, par la mise en place d’un système de cultures biologiques lié à un atelier de poules pondeuses. Depuis 7 ans, il a progressivement orienté son exploitation vers la production de légumes de plein champ. Dorénavant, il cultive de l’épeautre, de l’engrain, de l’orge, des lentillons, des endives, des oignons, des carottes, et des pommes de terre biologiques …
Les légumes de plein champ occupent 50 ha de l’assolement dont une partie est irriguée. Thomas Coevoet le reconnaît : « en bio, on rencontre les mêmes difficultés techniques qu’en conventionnel, mais on n’a pas les mêmes armes pour se battre ! » En effet, si les rendements sont un peu plus aléatoires par rapport à la culture conventionnelle, la clé de réussite en légumes de plein champ reste la gestion plus ou moins réussie des mauvaises herbes. Thomas Coevoet dispose de plusieurs machines agricoles et de techniques agronomiques comme le faux-semis, le brûlage thermique ou différentes bineuses adaptées aux cultures sur butte.
Mais la main-d’œuvre reste l’outil indispensable pour avoir des parcelles propres et la gestion des ressources humaines devient alors une compétence de l’agriculteur bio, point sur lequel conclut Thomas Coevoet. L’exposé de l’agriculteur a laissé place à la découverte des parcelles de l’exploitation, autour desquelles des conseillers techniques, accompagnés d’opérateurs ont partagé leur expérience sur les techniques propres aux différents légumes biologiques.
L’après-midi s’est déroulée autour de cinq ateliers : carottes, oignons, association lentillon-épeautre, endives et pommes de terre. Quelques stands près de l’accueil sont réservés aux opérateurs qui y présentent leurs offres de contrat aux producteurs qui souhaitent se lancer.
Focus sur les légumes secs
Le lentillon est un protéagineux d’hiver qui se cultive en association avec une céréale (épeautre par exemple). La céréale sert de tuteur à la légumineuse et permet de limiter le salissement de la parcelle. La lentille verte est une culture de printemps qui se cultive en association avec la cameline, une petite crucifère qui sert également de tuteur et permet aussi de limiter le salissement de la parcelle. Récolté ensemble, le mélange lentille et caméline a tendance à monter très vite en température à la récolte. Il est donc préférable (surtout les années humides) de réaliser un tri puis le séchage des graines pour les conserver dans les meilleures conditions. Pour l’association épeautre lentillon, une récolte en bonne condition permet d’attendre pour envisager la séparation des deux espèces.
Relever le défi des oignons de conservation
Ils sont uniquement cultivés en plein champ. Pour une production de saison, la mise en place a lieu au printemps, la récolte en août-septembre. L’oignon est récolté à pleine maturité. La conservation est possible jusqu’en mars-avril. Le plus difficile reste le désherbage. En premier lieu, le désherbage thermique. Il s’agit d’appliquer un choc thermique sur les adventices, entraînant l’éclatement des cellules végétales (efficace au stade cotylédons). Il y a deux stades d’applications à l’aveugle (post semis prélevés soit environ 20 jours après semis) et celle dite au stade fouet (lorsque la première feuille est initiée dans le sol). Il y a ensuite le désherbage mécanique. Celui-ci, jusqu’au début de la bulbaison de l’oignon, doit se réaliser avec les bineuses à socs entre les rangs. Et pour finir, le désherbage manuel. L’oignon ne recouvre jamais le sol. Le désherbage doit être fréquent pour pallier aux levées échelonnées d’adventices. L’intervention peut se faire à l’aide d’un lit de désherbage ou bedweeder. (3 interventions manuelles tout au long de la culture en moyenne). La marge directe de l’oignon bio de plein champ est intéressante, mais l’irrigation est indispensable.
Carotte de conservation : la belle délicate
La carotte de conservation a pu se développer en Hauts-de-France grâce aux conditions pédoclimatiques idéales et à l’absence de mouche. Techniquement, son principal ennemi, le sclérotinia, est maîtrisé par l’application, en mars et avril, d’un produit de biocontrôle, Constans WG, à raison de 2 fois 2 kg/ha. Puis le travail du sol avec la technique du faux semis, permet d’éliminer de nombreuses adventices. Des buttes sont formées puis le semis intervient en double rang, avec un semoir de précision. De la qualité du semis dépend le développement harmonieux des racines. 100 à 120 graines au ml sont ainsi implantées. Comme pour l’oignon, le positionnement du thermique est essentiel, en pré-semis au plus près de la levée de la carotte. Ensuite, du binage mécanique qui scalpe les flancs des buttes plusieurs fois et enfin du désherbage manuel, à raison de 120 à 250 h/ha permettent d’avoir des parcelles propres, seule condition pour obtenir une récolte de qualité. Là encore, l’irrigation apporte une sécurité forte en année sèche !
A l’automne, les carottes non déterrées sont arrachées par les fanes en octobre et conservées pendant l’hiver en frigo, à 0,5°C en cœur de palox et descendues en température très rapidement. Marge directe moyenne : 4.200 €/ha pour un enlèvement bout de champ) et un rendement de l’ordre de 40 T /ha.
Pommes de terre pour tous les usages
Les marchés étant exigeants, les variétés cultivées doivent être connues des acheteurs de GMS. Pourtant, de gros efforts sont fournis vers la recherche de variétés tolérante au mildiou et aux maladies. La variété idéale doit cumuler plusieurs critères. Le premier est la vigueur à la levée pour résister au rhizoctone qui se manifeste plutôt en début de végétation. Mais trop de vigueur à la levée, c’est aussi une tendance à la germination et donc une moindre conservation. Le deuxième critère est le port de la plante, tige et feuilles.
On observe qu’un port étalé permet de mieux concurrencer les adventices mais il se montre aussi plus fragile aux interventions de binage par exemple qui génèrent des blessures, véritables portes d’entrée des maladies. Enfin, la précocité est un plus car la plante est moins longtemps exposée aux risques de maladie. Mais un cycle végétatif trop court est contraire à la production d’une pomme de terre destinée aux chips ou aux frites. Les producteurs ne doivent pas hésiter à se lancer car les résultats technico-économiques sont satisfaisants avec un besoin en main d’œuvre plus limité.
Racine d’endives pour les forceurs
En bio, il s’agit de produire des racines qui seront ensuite arrachées et vendues à un forceur. Là encore, comme pour la carotte, le sclérotinia est le principal ennemi. Il est combattu par l’application répétée de Contans WG et par une rotation adaptée : une céréale dans la parcelle un an sur deux et des endives tous les 5 ou 6 ans. La racine d’endive apprécie les sols de limon profond ou limono-argileux, du type terre à pomme de terre. Les graines sont semées en mai-juin à raison de 250.000 – 300 000 graines/ha après une préparation minutieuse du sol par des déchaumages et faux semis répétés en avril.
Après la levée, le désherbeur thermique brûle tout mais la plante repart. La parcelle peut ensuite être binée et supporte aussi le passage de la herse étrille. La maturité de la racine se fait en surveillant les maladies et l’arrachage a lieu en octobre-novembre. Des analyses de sol sont alors effectuées en vue de la fertilisation azotée car l’endive est très sensible à l’excès d’azote. Payées environ 6 centimes d’euros pièce (presque trois fois le prix du conventionnel), les racines seront arrachées et envoyées en unité de forçage bio où elles ne reçoivent que de l’eau.
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