L'Oise Agricole 25 novembre 2022 a 10h00 | Par Louise Tesse

Le Tour de France est parti de Douai

La France s’est fixée des objectifs ambitieux : atteindre la neutralité carbone en 2050 et sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. La concertation nationale sur le mix énergétique a été lancée à Douai le 14 novembre.

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L’IMT Nord-Europe a accueilli la première réunion du tour de France sur le mix énergétique. Un lieu symbolique, lieu de formation de la jeunesse implanté dans le bassin minier.
L’IMT Nord-Europe a accueilli la première réunion du tour de France sur le mix énergétique. Un lieu symbolique, lieu de formation de la jeunesse implanté dans le bassin minier. - © L.T.

Lundi 14 novembre, 9 heures. Première étape d’un tour de France qui a pour slogan «Notre avenir énergétique se décide maintenant». Un tour de France qui a pour ligne de départ l’IMT Nord Europe, ex-École des Mines de Douai, et qui s’achèvera à Paris,sur les bancs de l’Assemblée Nationale où sera discutée la première loi de programmation sur l’énergie et le climat en 2023.

Recueillir la parole région par région

Plus de 130 participants sont là. Des institutionnels, des professionnels, mais aussi une trentaine de citoyens, venus faire entendre leur voix. «Nous sommes convaincus que cette question énergétique ne doit pas être réfléchie en palliatif, mais à long terme», scande Frédéric Chéreau, maire de Douai, en discours d’introduction. Objectif : mixer les publics, dégager des pistes d’action, recueillir la parole. Chaque idée sera intégrée à une synthèse régionale, puis nationale, qui alimentera l’élaboration de la loi.

L’enjeu est de taille. Atteindre la neutralité carbone en 2050 et devenir le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. «Pour être à la hauteur des enjeux devant nous, notre stratégie repose sur trois piliers : la réduction de nos consommations d’énergies, grâce à une sobriété et une efficacité énergétique, la production d’énergie décarbonée (notamment grâce au nucléaire) et le développement d’énergies renouvelables», cite François-Xavier Bieuville, sous-préfet de Douai.

Le 20 octobre dernier, la concertation nationale a donc été lancée sous plusieurs formes : une consultation en ligne jusqu’en janvier, un tour de France des régions pour faire émerger des priorités territoriales, des réunions en partenariat avec les écoles et un forum jeunesse.

Agir vite

Hervé Pignon, directeur de l’Ademe Hauts-de-France, présente les résultats d’une étude dégageant plusieurs scénarios pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050, qui se focalisent tantôt sur la sobriété énergétique, tantôt sur le développement des énergies renouvelables, tantôt sur celui des énergies décarbonées. Quel que soit le scénario, «la mutation sera collective ou ne sera pas. Mais il faut agir vite», affirme-t-il. Anastasia Ivanovsky, directrice de l’observatoire du climat au Cerdd (Centre ressource du développement durable) le confirme. «On est encore très loin de la neutralité carbone. Dans les Hauts-de-France, 4 % des émissions sont aujourd’hui compensées», cite-telle. En 2018, 52 millions de tonnes équivalents CO2 ont été émis dans la région, soit 11 % de la consommation nationale pour un territoire qui concentre 9 % de la population. «L’agriculture représente 13 % des émissions de GES (gaz à effet de serre, ndlr), le bâtiment 20 %, le transport 25 %, les industries manufacturières 37 %, détaille Ghislain Mascaux d’après les données 2020 d’Atmo. Entre 2008 et 2018, le secteur agricole a baissé ses émissions de GES de 11 % tandis que le secteur du transport routier a, sur la même période, augmenté de 13 %.» Par ailleurs, notons aussi que 10 % de la production nationale électrique est fabriquée en Hauts-de-France.

Isoler le parc immobilier

Lors des ateliers de la matinée, la diminution de la consommation d’énergie des bâtiments a fait partie des sujets discutés en priorité. «Le parc de logement de la région est l’un des plus anciens et des plus mal isolés de France, rapporte Ghislain Mascaux, participant aux échanges au titre de responsable du groupe agriculture, pêche et ruralité pour le Ceser (Conseil économique, social et environnemental régional, ndlr). La majeure partie des participants souhaite renforcer l’isolation des bâtiments et les aides aux énergies renouvelables.»

Autre point évoqué : l’utilisation du numérique et l’optimisation des intelligences artificielles pour piloter et économiser énergie. La domotique pourrait, en effet, rendre plus efficiente la consommation d’énergie.

Biométhanisation et agrivoltaïsme

Pour accroître la production d’énergie, l’agriculture a une place à prendre. Agriopale, présent dans la salle, revendique une véritable dynamique avec ses sept unités de méthanisation de la Côte d’Opale. Si elle ne représente que 3 % de l’énergie produite en région, la biométhanisation est, en effet, en évolution exponentielle. «On pourrait atteindre presque 20 % en France de la part consommée en gaz, relève Ghislain Mascaux. C’est un sacré défi et une sacrée chance. Le gaz russe - dont la part était de 17 % avant la guerre en Ukraine - pourrait tout à fait être remplacé par la méthanisation. Les dernières annonces confortent le prix d’achat qui devrait être indexé sur l’inflation, ce qui va pérenniser la viabilité des unités de méthanisation.» L’agrivoltaïsme a également été cité. «Pour le moment, il faut attendre de légiférer. Cela ne peut être généralisé mais peut apporter des solutions à certains endroits du territoire.»

«Le scénario le plus probable : un mix de tout»

Conclusion des ateliers : il faut mieux évaluer les consommations d’énergies par territoire, renforcer les aides, mieux les faire connaître auprès du grand public et accentuer l’économie circulaire (par exemple en récupérant la chaleur fatale qui se perd dans le circuit). «Le scénario le plus probable est un mix de tout : de la sobriété, des technologies et de la réindustrialisation. Finalement, en relocalisant, on crée de l’emploi et on décarbone en évitant le transport. C’est aussi valable pour l’agriculture lorsque l’on favorise le local. Autant l’énergie est nationale, autant les GES sont à échelle mondiale», résume Ghislain Mascaux.

La balle est maintenant dans le camp des quatre garants, nommés par la Première ministre, et qui doivent faire remonter à Paris les résolutions qui ont été votées dans chacune des régions traversées par ce tour de France.

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