L'Oise Agricole 11 janvier 2024 a 08h00 | Par Vincent Fermon

Le ras-le-bol d'agriculteurs inondés qui ne peuvent rien faire

Alors qu'une partie du Pas-de-Calais et de la Somme a été une nouvelle fois touchée par des violentes inondations, la FRSEA des Hauts-de-France s'est rendue dans le Calaisis pour demander des comptes.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
- © VF

Ils veulent faire, mais «on» les en empêchent... Mardi 9 janvier, alors que les départements du Pas-de-Calais et de la Somme ont été une nouvelle fois touchés par de violentes inondations, la FRSEA des Hauts-de-France organisait une rencontre dans le Calaisis pour comprendre et défendre le fonctionnement des wateringues, mais aussi demander des explications sur le fonctionnement déficient d'un certain nombre d'ouvrages destinés à évacuer l'eau lorsqu'elle tombe en excès.

À l'issue de la visite de plusieurs lieux stratégiques et d'échanges avec la Draaf, la Dreal, l'Office français de la biodiversité (OFB) et la Région Hauts-de-France, peu voire pas de réponses satisfaisantes pour la vingtaine de responsables professionnels agricoles et représentants des sections de wateringues.

Demande de simplification

Alors qu'une action symbolique de curage de la Liane par les agriculteurs avait lieu la veille, la FRSEA Hauts-de-France a réitéré sa demande de simplification des démarches. Dans la Somme, lors des voeux du Conseil de l'agriculture de la Somme (CAS), le lundi 8 janvier, le président de la FDSEA 80, Denis Bully avait lui aussi évoqué le sujet du curage des fossés et cours d'eau : «2023 a montré que nos systèmes et organisations touchaient leurs limites, notamment dans les zones côtières. Curer les fossés et cours d'eau, réguler l'eau dans les zones humides et, d'une manière générale, la ressource naturelle en eau est une nécessité existentielle, mais cela repose sur les volontés d'agir de façon synchronisée à tous les niveaux.»

Dans l'Oise, Régis Desrumaux regrette que «pour un simple curage, il faut un tas de papiers à remplir. Le moindre petit entretien, c'est compliqué». Et de demander un «vaste mouvement de simplification».

Construire de nouveaux outils ? Équiper les territoires de nouveaux moyens ? Pourquoi pas selon la profession agricole, «mais avant d'investir dans des moyens supplémentaires, il faut d'abord entretenir ce que l'on a... Curer un cours d'eau, ce n'est pas le requalifier», avance Simon Ammeux.

Maire de la commune de Le Quesnoy et vice-présidente de la Région Hauts-de-France chargée de l'agriculture, Marie-Sophie Lesne partage avec le monde agricole le constat d'une complexité qui empêche d'agir : «Nous sommes de bonne foi, mais on ne sait malheureusement pas comment faire, ni à qui s'adresser. Nous devons au contraire être mis au courant de ce que l'on a droit de faire, avec un langage simple. Si la réglementation est plus claire, il sera plus facile d'intervenir.»

Pour Simon Ammeux, agriculteur dans les Flandres et président de la FRSEA, «le problème, c'est qu'il y a plus de moyens consacrés au respect de la réglementation par des contrôles que de moyens pour l'expliquer...»

Le curage ? Pas tabou

Du côté de la Dreal comme de l'OFB, on ne l'entend évidemment pas forcément de cette oreille. Directrice adjointe de l'OFB et, responsable du service régional de police, Émilie Ledein assure ainsi que «le curage des cours d'eau et leur entretien n'est pas tabou», rappelant que des règles existent. À la Dreal, Didier Lhomme assure quant à lui que son administration veille à ce «qu'il n'y ait pas de surinterprétation de la réglementation.»

Dans le même temps, il invite à réfléchir à des actions permettant «de retenir l'eau au plus près de l'endroit où elle tombe». Pour son premier déplacement en tant que Premier ministre, Gabriel Attal est quant à lui venu le mardi 9 janvier à la rencontre des victimes des inondations dans le Pas-de-Calais. Et il a sorti le chéquier, annonçant par exemple une réévaluation à la hausse des mesures lancées par le président de la République en novembre dernier.

Pas sûr pour autant que cela suffise à convaincre des agriculteurs habités par un sentiment d'abandon, à l'image de Raphael Delamaere, agriculteur à Hames-Boucres et président d'une des cinq sections de wateringues du Pas-de-Calais : «Nous avons été inondés à cause d'un système d'évacuation d'eau qui a été abandonné au fil des années. Et nous sommes aussi abandonnés. »

Même sentiment de la part d'Antoine Peenaert, président du canton de Calais pour la FDSEA : «On a des ouvrages qui permettent d'évacuer l'eau, mais ils sont en mauvais état. Si on utilisait ces moyens, on éviterait à d'autres territoires d'être inondés.» Pour Xavier Deconinck, installé avec son frère à Les Attaques, «malheureusement, il faut des événements comme ceux que l'on vient de vivre pour que ça bouge... Et encore, on n'est pas sûr que ça va bouger !» Et Raphael Delamaere de renchérir : «Si on continue comme cela, que l'on ne fait rien, plus personne ne pourra habiter par ici...»

FDSEA et JA manifestent dans le Pas-de-Calais pour un curage des cours d'eau

Une centaine d'agriculteurs ont manifesté le 8 janvier dans le Pas-de-Calais pour réclamer un curage des fleuves, qui permettrait selon eux de prévenir de nouvelles inondations catastrophiques pour leurs cultures, rapporte l'AFP. Les manifestants se sont rassemblés dans la matinée à Outreau sur les berges de la Liane afin de dénoncer l'immobilisme des pouvoirs publics, selon eux, face aux inondations qui frappent le département depuis novembre.

«On demande que les cours d'eau soient entretenus et la même chose pour la Canche et l'Aa», a expliqué Jean-Pierre Clipet, secrétaire général de la FDSEA. Le syndicat et les Jeunes agriculteurs (JA) ont également lancé cette journée d'action pour réclamer «une réévaluation» du fonds d'urgence de 80 millions d'euros promis par le gouvernement après la tempête Ciaran. Cette aide qui ira «jusqu'à 5 000 EUR [par exploitation] ne nous satisfait pas. On a des maraîchers qui sont beaucoup délaissés, ils ont des craintes pour les légumes d'hiver», et «on ne sait pas comment [cette aide] sera attribuée», s'inquiète M. Clipet.

Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a annoncé le 4 janvier dans le Pas-de-Calais un changement de réglementation pour «faciliter le curage», dont les possibles conséquences restent cependant débattues entre experts et défenseurs de l'environnement. Une réglementation jugée trop rigoureuse et la peur de ne pas être dans les clous empêchent l'entretien des cours d'eau, selon la profession agricole qui regrette aussi le défaut d'entretien d'ouvrages permettant d'évacuer l'eau. © V. F.

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,