L'Oise Agricole 24 octobre 2024 a 08h00 | Par Pierre Poulain

Le peuplier : une filière discrète mais prometteuse

L'entreprise France Peupliers organisait à Bury (60) une visite de pépinière peupliers le 21 octobre dernier. Une journée à vocation technique et à destination de sa clientèle d'experts forestiers, de gestionnaires privés et de prescripteurs.

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Eric Vandromme s'est lancé dans la production de plants et de boutures de peupliers par hasard il y a 20 ans, c'est aujourd'hui un expert passionné.
Eric Vandromme s'est lancé dans la production de plants et de boutures de peupliers par hasard il y a 20 ans, c'est aujourd'hui un expert passionné. - © PP

«L'objectif premier est de partager mon expérience.» Voilà plus de vingt ans qu'Eric Vandromme s'est lancé dans la production de plants et de boutures de peupliers. Il s'inquiète aujourd'hui de transmettre toutes ses connaissances sur la culture du peuplier  : «On a acquis une véritable expertise dans notre métier, des références, notamment en collaborant avec des centres de recherche.» Et pour la journée technique que le pépiniériste organisait sur son exploitation de Bury, dans l'Oise, la ferme d'Arcy, ils étaient une quarantaine de professionnels de la filière, parmi lesquels des coopératives, l'OFB et l'Inrae, à écouter son retour sur deux décennies d'expérience.

Originaire du centre de la France, l'homme est pourtant arrivé à la populiculture par hasard. «On a retrouvé des brochures commerciales dans le grenier. Elles dataient des années 70 mais leur présence indiquait qu'il y avait une culture sur ces parcelles. On s'est dit : et pourquoi ne pas le refaire ?» De la curiosité est née une véritable passion : Eric Vandromme est devenu intarissable sur le sujet, surtout lorsqu'il évoque l'éventail des débouchés pour le bois de peuplier : «La France est le premier pays producteur de bois de peuplier, bien qu'il n'occupe qu'à peine 2  % des surfaces forestières. Il est tendre donc facile à travailler et peu énergivore. Sa souplesse est prisée par le secteur alimentaire pour la production d'emballages légers en bois et son aspect est apprécié pour les aménagements intérieurs.» Contreplaqué, emballages légers, sciages, construction, et même produits santé et cosmétiques. La propolis extraite des bourgeons de peupliers est réputée, tandis que sa sève est utilisée dans la confection de savon. Ce qui n'est pas valorisé au sciage ou au déroulage peut aussi servir à la production d'énergie ou comme paillage. «La demande reste constante car les débouchés industriels se maintiennent voire augmentent, reprend-il. L'Italie et l'Espagne sont également de plus en plus demanderesses car elles produisent moins à cause du changement climatique.»

La culture est aussi intéressante selon Eric Vandromme pour les agriculteurs qui souhaiteraient «valoriser une ancienne pâture humide» par exemple. «L'Aisne, gros département producteur de peupliers, a vu beaucoup de ces parcelles de peupliers se substituer aux parcelles d'élevage.» D'autant que la peupleraie est une culture pouvant bénéficier du label bas carbone, dont les industries polluantes sont friandes : «C'est une pompe à carbone efficace car il pousse vite. Le montant perçu en crédits carbone va payer une grande partie de la plantation.»

Une «essence modèle»

Diva, Tucano, Moncalvo, Brenta, Soligo, Taro, Vesten, Dender, Marke, Bakan, Skado, Remus... tous ces noms sont ceux des variétés travaillées par France Peupliers à Bury, non seulement pour répondre aux nécessaires besoins de diversité culturale - «comme pour le blé, on ne met pas tous nos oeufs dans le même panier» - mais aussi à tous les types de conditions rencontrés sur les sols destinés à la peupleraie. «On fait des peupliers pour tous les types de sol. On est capable de donner des réponses précises à des situations particulières», indique Eric Vandromme, même s'il reconnaît que «les acheteurs veulent les cultivars les plus productifs donc le marché a tendance à se resserrer autour de quelques variétés.» Les essences travaillées aujourd'hui poussent en 18 ans «environ».

Le planteur se déplace ainsi sur le terrain et réalise un diagnostic de sol afin de proposer les variétés les plus adaptées, en prenant en compte la destination finale des arbres. «La recherche avance très vite. Le peuplier est la troisième espèce mondiale dont le génome est parfaitement décrypté. C'est une essence modèle. Ce qui marche pour le peuplier marche ailleurs en termes de sélection. On est capable d'améliorer un critère en 14 mois là où il faut 20 ans chez d'autres cultures. La recherche avance à pas de géant.» Ainsi en est-il de Chacane, Galicane et Orcane, variétés créées et sélectionnées en France, obtenues par l'Inrae, capables de s'adapter «au climat de la France entière» et convenant «à tous les types de textures.» La première et la dernière sont performantes sur les terrains séchants en été et sont «plastiques par rapport au niveau d'alimentation en eau.»

À l'inverse, Galicane préférera les sols humides et non séchants en été. Concernant les maladies, «les recherches de cultivars ne se focalisent pas sur des plantes totalement résistantes à une pathologie - qui finira par la contourner - mais à développer une tolérance, c'est-à-dire que l'arbre, s'il subit une attaque de rouille ou de pucerons, ne verra pas sa croissance être impactée.»

Des «machines maisons»

Une plante d'avenir donc pour Eric Vandromme, qui produit 18.000 plants par an, qu'il vend, et qui réalise les travaux de plantation et d'élagage. Une activité qui reste une diversification, en marge de sa ferme de 315 ha, dont 150 en céréales, et de son élevage de bovins allaitants, «qui partent en vente directe.» Il emploie aujourd'hui 4 salariés sur son exploitation, un nombre qui grimpe à 14 avec les saisonniers de l'hiver. «Le recrutement est la partie la plus difficile. C'est un boulot pénible et peu nombreux sont les candidats intéressés.» L'agriculteur s'attelle pourtant constamment à réduire la pénibilité au travail. «Nous axons notre travail sur l'innovation et l'un de nos grands défis sera de transformer l'essai de la mécanisation afin de permettre aux employés d'évoluer dans des conditions moins éreintantes. C'est aussi de ma responsabilité de chef d'entreprise.»

Outre l'utilisation de sécateurs électriques, pneumatiques, ou à main avec une poignée tournante, «réduisant l'effort fourni de 30 %», l'entreprise recourt à différents types de techniques de plantation. «On analyse chaque geste pour voir si on ne peut pas le remplacer par quelque chose de mécanisé.» Ainsi utilise-t-il un tracteur équipé d'une tanière et de diverses mèches à ailettes, «une fabrication maison», car c'est peut-être le point faible du secteur populicole : l'absence de machines disponibles dédiées. Il existe tout de même une planteuse Rabeau - «un modèle unique» - qui permet de réaliser le trou, de planter et de travailler à la pelle. «ça peut remplacer l'activité d'un homme.» Aussi, Eric Vandromme s'autorise-t-il le droit de refuser un chantier si la parcelle est trop sale (grosses branches) pour intervenir.

La culture de peupliers, dans une optique industrielle, n'est donc pas à prendre à la légère. Des étapes clefs sont à respecter. «Si elles sont oubliées, il y aura un décrochage dans le résultat. Ça réagit très fort aux interventions.»

Le peuplier en Hauts-de-France

D'après le conseil national du peuplier (CNP), les Hauts-de-France possèdent un bassin populicole historique d'environ 32.000 ha de peupleraie et une production annuelle de 124.000 m3, soit 9,5 % de la production nationale. Le Région a bénéficié en 2019 du Plan peuplier régional, dirigé par le CRPF Hauts-de-France-Normandie, l'interprofession Fibois Hauts-de-France et l'association peuplier régionale, en collaboration avec la «Cellule peuplier» issue de la filière. Ce plan vise à améliorer la communication, dynamiser la production, valoriser les débouchés et encourager l'innovation. Les actions ont déjà sensibilisé les populiculteurs à l'importance de l'élagage et informé les élus sur les enjeux économiques et environnementaux de la filière. Une aide à l'élagage est actuellement à l'étude par la Région Hauts-de-France.

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