L'Oise Agricole 07 décembre 2023 a 09h00 | Par Eglantine Puel avec Actuagri

Le nombre de nouvelles unités en chute libre

Après une période de forte croissance, le nombre de nouveaux méthaniseurs dans les Hauts-de-France est en chute libre. La faute à plusieurs facteurs tel que la lourdeur administrative et l'inflation.

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- © Ludovic Vimond

Au 30 juin 2022, la France comptait 966 unités de méthanisation en cogénération (produisant de l'électricité), pour une production de 92 mégawattheures et 442 en injection directe de biométhane pour une production de 41.000 m3.
Dans les Hauts-de-France, selon les chiffres de la Chambre d'agriculture, au 31 mai 2023, on comptait 139 unités de méthanisation en fonctionnement : 64 en cogénération (dont 29 en microméthanisation) et 75 en injection de biométhane.
Concrètement, ces méthaniseurs produisent en électricité de quoi alimenter 24.400 logements et pour le gaz, la consommation de 115.300 logements. Des chiffres qui permettent de voir que la méthanisation a pris sa place dans le mix énergétique.
Problème, depuis plus d'un an, «on note un décrochage», remarque Arnaud Étienne, conseiller à la Chambre d'agriculture des Hauts-de-France et référent régional méthanisation Hauts-de-France.
En effet, en novembre 2023, seulement 15 unités de méthanisation sont en construction sur le territoire (dont 12 en injection de biométhane) alors qu'en 2021, plus de 30 unités de méthanisation avaient été mises en service et 25 en 2022.
«Ce décrochage arrive après plusieurs années de croissance. Cela s'explique par plusieurs facteurs.»

Empilement réglementaire
Première raison : les évolutions réglementaires de 2021 qui «à juste titre, ont rehaussé les niveaux d'exigences, mais qui ont induit une augmentation des frais d'installation», explique Arnaud Étienne, qui parle aussi «de l'empilement de réglementations et d'actes administratifs qui encadrent l'installation d'un méthaniseur. Permis de construire, agrément sanitaire, plan d'épandage du digestat, l'évaluation européenne Atex (il faut prouver qu'on maîtrise les risques d'explosions), le suivi du digestat... Tout cela, c'est beaucoup de documents à produire qui coûtent du temps et de l'argent.»
De nouvelles contraintes réglementaires se sont imposées en 2023. Des mises aux normes qui renchérissent le coût des nouvelles installations et qui pourraient entraîner l'arrêt de sites existants.
Bref, «de gros investissements pour les sites en construction et de lourdes contraintes pour les sites existants», résume Mauritz Quaak, agriculteur en Seine-et-Marne, vice-président de l'Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF).

Une rentabilité questionnée
Les deux autres freins se combinent : d'un côté l'augmentation des coûts d'installation liés à l'inflation des matériaux, de l'autre les tarifs d'achats qui, malgré un rehaussement, restent en dessous de l'évolution des prix des installateurs.
«Une unité de microméthanisation aujourd'hui c'est en moyenne 350.000 euros, il faut compter entre sept et huit millions d'euros pour une unité de méthanisation collective, compte Arnaud Étienne. Or, vu ces prix, il est évident que les agriculteurs doivent faire des emprunts pour réaliser ces projets. Mais les taux d'emprunt ont explosé et sont à 5 % en moyenne.»
En injection de gaz dans le réseau, le tarif d'achat fixé en 2020 «décourage les porteurs de projets», estime Mauritz Quaak.
Scénario identique pour la cogénération, le nouveau tarif défini en 2016 prévoit une baisse de 0,5 % tous les trimestres, soit 2 % par an.
On constate donc un allongement des délais de retour sur investissement.
«À l'heure actuelle, il faut compter entre 10 et 12 ans en moyenne pour voir un retour sur investissement. Mais il y a trois ou quatre ans, on comptait sept ans ! On ne s'y retrouve pas.»

L'acceptabilité : toujours un problème
Dernier frein mais sans doute le plus stable depuis plusieurs années : le problème de l'acceptabilité sociale de ces projets. Selon Arnaud Étienne, «il n'y a pas un seul projet où il n'y a pas de recours de la part d'une association ou de riverains.»
En réalité, il y a moins d'opposition frontale, mais ces recours doivent être traités et tant qu'ils ne le sont pas, ça n'avance pas. Donc quelque part, ces personnes jouent avec les durées d'instruction et les délais finissent parfois par décourager les porteurs de projet.
Pas toujours, mais parfois.

- © Chambre agriculture HDF

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