L'Oise Agricole 27 janvier 2023 a 14h00 | Par D.A.

Le lin file vers un avenir plutôt radieux

Le mardi 24 janvier, au sein de l’établissement d’UniLaSalle à Beauvais, Lin 2000 a organisé sa 70e assemblée générale. L’occasion de faire le point sur cette culture intemporelle.

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La coopérative reconduit son expérimentation sur le lin textile bio.
La coopérative reconduit son expérimentation sur le lin textile bio. - © D.A.

Avec des règles de la crise sanitaire amoindries, l’un des amphithéâtre d’UniLaSalle a fait salle comble. Les adhérents ont souhaité connaître la situation et les activités de la coopérative Lin 2000. Et les résultats de la récolte ont été convaincants. «Les rendements paille de nos linières se situent dans la moyenne de la coopérative, à 6.346 kilos par hectare ; le rendement fibres longues est plus que modeste, à 1.183 kilos par hectare, à peine 19 %», explique Maxime Visse, responsable de plaine à la SCA Lin 2000.

Les excès de pluviométrie, la verse et les maladies ont déprécié fortement la qualité des lins. Cependant, la recette est au rendez-vous avec 3.750 euros de l’hectare. Du jamais-vu pour la coopérative. Ce très bon résultat s’explique grâce à des prix de filasse élevés, le prix moyen de vente pour la récolte 2021 au 30 septembre 2022 est de 3,38 euros hors tris et 2,85 pour les tris.

Par contre, la commercialisation des étoupes a été compliquée. «L’abondance de matière due à la mauvaise qualité de nos fibres et sa fragilité nous amène à un rendement d’étoupes quasi équivalent aux fibres longues. Ajoutez à cela des mauvaises qualités d’étoupes et la valorisation n’est que de 0,55 euros par kilo. La valorisation de nos graines et nos anas se situe dans la même fourchette que les récoltes précédentes», affirme Sébastien Jumel, président de la coopérative.

Ce bon résultat est dû avant tout à la maîtrise des coûts de production par la coopérative. «Nous constatons toutefois une hausse de notre coût de teillage, celle-ci est en grande partie due aux revalorisations successives des salaires de nos collaborateurs ; inflation oblige, nous avons connu trois hausses de la grille de rémunération des salariés des teillages. Du côté de l’énergie, le contrat d’achat d’électricité court jusque fin 2023, avec des prix d’achat intéressants. Les négociations pour de nouveaux contrats reprendront ce printemps», poursuit-il.

2021, trop d’eau ; 2022, pas d’eau

Les aléas climatiques n’ont pas épargné la récolte 2022. Le printemps très sec a fortement pénalisé les linières, même si certains secteurs tirent leur épingle du jeu. Résultat, sur les hectares teillés à ce jour, la moyenne n’est que de 4,9 tonnes de paille à l’hectare, pour 911 kilos de fibres longues. «Les travaux de récolte ont été beaucoup plus simples que l’an passé. Sécheresse, petits lins, pas de verse. Au 20 juillet, les arrachages étaient terminés. Avec la sécheresse en continu, le rouissage ne s’est pas mis en place correctement. Les lins, plus légers et plus fragiles, ont été rentrés rapidement pour ne pas dégrader plus encore la quantité. Pour les parcelles avec un plus fort potentiel, il a fallu attendre les pluies de début septembre pour les rentrer. Globalement, la qualité des fibres est bien meilleure qu’en 2021. À ce jour, les prix de vente de nos filasses sont encore très élevés, ce qui devrait réduire l’impact de cette faible récolte sur nos recettes», souligne le président.

 

Lin 2000 sur tous les fronts

Pour poursuivre le développement de la coopérative, Nicolas Defransure, son directeur, a mis un coup d’accélérateur sur l’approvisionnement en semences. «L’activité semences sauve la coopérative. Le pôle semences œuvre en permanence à la réussite et la croissance de la multiplication semences. Cette activité complexe, que nous avons essentiellement développée par le fauchage, andainage, battage, subit, elle aussi, les aléas climatiques. Nous devons poursuivre ce développement, accompagner au mieux nos agriculteurs multiplicateurs, leur apporter une rémunération motivante.»

Le lin oléagineux tient aussi toute sa place dans la coopérative. Les attentes sociétales sont fortes quant au sourcing des graines oléagineuses, la société Lesieur communique aujourd’hui la provenance exclusivement française de ces graines Isio 4. «Pour les graines de lin, c’est grâce à un partenariat avec votre pôle semences que les surfaces sont développées pour approvisionner ce marché. Grâce aux variétés performantes de Linéa, nous accompagnons et pérennisons ces nouveaux marchés», rapporte le directeur.

L’engouement pour la fibre de lin ne se dément pas. Le marché textile est de plus en plus orienté vers les fibres naturelles, réclame toujours plus de lin dans les collections. Le potentiel de la filature mondiale est de 200.000 tonnes par an, les capacités de teillage européen de l’ordre de 140.000 tonnes.

Les évolutions climatiques sont le principal frein à la réussite du lin de printemps. Certains secteurs de production de la coopérative souffrent de ce manque de productivité. Une première solution avec le lin d‘hiver, le risque de gel est omniprésent, mais le potentiel de cette culture est très intéressant. «La sélection menée par Linéa nous apportera très prochainement de nouvelles variétés plus résistantes au froid, plus productives et adaptées au terroir», explique le président.

Une deuxième solution, le chanvre. Les techniciens de la coopérative vont mettre en place une vingtaine d’hectares d’essais répartis sur notre zone de production pour la récolte prochaine. «Comme le lin, le chanvre est une culture exigeante, mais qui présente de nombreux atouts. C’est une plante peu exigeante en eau, son cycle décalé par rapport au lin apporte une réponse au déficit récurrent en pluviométrie des mois d’avril et mai et surtout, c’est une plante très peu exigeante en intrants. Grâce aux innovations récentes de récolte, nous pouvons le paralléliser comme le lin, conduire son rouissage comme le lin, le teiller comme le lin dans notre outil de transformation. Nous avons beaucoup à apprendre de cette culture, de son potentiel sur nos terres, mais il est indéniable qu’elle pourrait être un moteur formidable de la croissance des fibres au sein de la coopérative pour répondre aux besoins des marchés textiles naturels. Le développement du chanvre passe par nos champs, mais aussi et surtout par notre capacité de transformation de nos fibres. Le développement du chanvre viendra compléter notre offre, il ne se substituera pas au lin, mais sera l’alternative complémentaire pour remplacer le coton et les fibres synthétiques. Qui sait ? un jour, la coopérative s’appellera Lin et Chanvre 2000» plaisante le directeur. Il faut savoir la France est le premier producteur européen de chanvre avec 22.000 hectares semés en 2022.

Une usine de taille

La coopérative poursuit sa politique d’amélioration et de modernisation de l’usine. Pendant les travaux d’été 2022, Lin 2000 et ses prestataires ont modifié la collecte et le conditionnement des poussières de l’usine. Cela a permis de ne plus stocker la poussière sur site, d’éviter les départs en remorque non bâchée et la propagation de la poussière autour de la centrale. «J’évoquais l’année dernière la décision du conseil d’administration d’étudier la faisabilité de monter deux nouvelles lignes de teillage. L’année 2022 n’a fait que conforter cette nécessité d’investissement. Les contraintes réglementaires et les difficultés du travail de nuit nous forcent dans cette voie. Mais c’est surtout la croissante demande des marchés textiles qui nous confortent dans cette démarche. Notre projet avance tout doucement, mais sûrement. En 2022, nous avons acquis les terrains derrière la coopérative. Les normes réglementaires d’émissions de poussière sont de plus en plus strictes et contraignantes, elles nous obligent à une rigueur et une amélioration continue de nos pratiques et de notre outil de transformation. Pour cet été 2023, nous allons changer notre ligne d’étoupes, l’actuelle est en fin de vie et limite nos cadences de teillage. La nouvelle ligne améliorera ainsi nos performances et limitera considérablement les émissions de poussière dans l’usine. Pour vous donner un ordre d’idée, du 12 août 2022 au 23 janvier 2023, on a sorti 1.022 tonnes de poussières sèches, 13 % de poussières dans la paille de lin, 645 kilos de poussières récoltés par heure de teillage. Sur 22.000 tonnes livrées, on ressort 3.000 tonnes de poussières. Vous voyez que cet investissement est nécessaire», ajoute Nicolas Defransure.

La coopérative a également acheté cinq parcelles (36.732 m2). La coopérative souhaite y construire un deuxième hangar à filasses (1.500 m2) pour pouvoir mettre un robot Actemi en sortie filasses. «Les salariés sortent la production sur transpalette ou sur diable. Lorsque l’on travaille bien, on produit près de 40 tonnes par jour. C’est un travail pénible pour les salariés. On cherche évidemment le bien-être de nos salariés. Le robot va permettre de faciliter cette tâche fastidieuse.»

De plus, la coopérative Lin 2000 alimente, avec des anas, la chaudière sur site permettant de chauffer la ville de Grandvilliers tous les jours 24 h sur 24. «La chaudière chauffe la piscine, 240 logements HLM, trois bars, l’hôpital local, un éco-quartier de 40 logements, le collège et j’espère, bientôt le lycée», souligne Nicolas Defransure.

Ainsi, Lin 2000 montre à la perfection que le lin n’est pas une fibre à la mode, la mode se démode, c’est une fibre intemporelle, éco-responsable, qui répond aux attentes des consommateurs, la fibre de substitution idéale aux fibres synthétiques, au coton si gourmand en eau.

 

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