Le compromis sur les importations ukrainiennes ne clôt pas les débats
Après l'obtention, le 8 avril, d'un compromis sur les mesures pour l'Ukraine sans le blé et l'orge, un processus de validation expéditif a été lancé. Au grand dam de la France qui souhaite pouvoir mettre en place des licences d'importation, et des professionnels qui appellent à une meilleure protection.
C'était attendu, les ambassadeurs des États membres et les eurodéputés de la commission du Commerce international du Parlement européen (Cominta) ont approuvé, respectivement le 8 et le 9 avril, la prolongation des mesures commerciales autonomes pour l'Ukraine d'une année supplémentaire (jusqu'en juin 2025). L'accord doit à présent être formellement entériné lors de dernière plénière de la législature, prévue à Strasbourg du 22 avril au 25 avril, et ensuite par le Conseil de l'UE avant d'être publié au Journal officiel de l'UE et d'entrer en vigueur. Les co-législateurs sont, en effet, parvenus, le 8 avril, à compromis final lors d'un ultime trilogue, organisé à la hâte à la suite du changement de position des États membres le 27 mars. Si la très grande partie du texte n'a pas subi de modification par rapport au premier compromis conclu le 20 mars, le nouvel accord politique permet toutefois plusieurs avancées.
Quelques retouches
Il propose tout d'abord d'élargir au second semestre 2021 la période de référence permettant de calculer le seuil de déclenchement du mécanisme de «frein d'urgence» automatique, conformément à la proposition du Conseil de l'UE du 27 mars. Autre nouveauté issue de cette proposition : la période d'activation de cette mesure de sauve-garde automatique passe de vingt et un jours à quatorze jours. Toutefois, le blé tendre et l'orge, objets de demandes insistantes de la part de certaines organisations professionnelles (la coalition me-née par le Copa-Cogeca en tête) et de plusieurs États membres (dont la France, la Pologne et la Hongrie), ne sont encore une fois pas intégrés au dispositif (contrairement à la volaille, aux oeufs, au sucre, à l'avoine, au gruau, au maïs et au miel).
Mais Bruxelles promet d'intensifier son contrôle sur les flux d'importations de céréales, en particulier le blé, pour éventuellement mettre en place des mesures d'urgence en cas de déséquilibre. Intervenant en marge de la réunion informelle des ministres de l'Agriculture de Genk (Belgique) le 9 avril, le Français Marc Fesneau a salué un accord qui va dans la bonne direction mais il regrette l'absence d'une minorité de blocage qui aurait permis d'inclure les céréales dans le dispositif de «frein d'urgence», conformément à l'ambition exprimée à de multiples reprises par Paris. Le ministre a, en outre, évoqué le règlement de l'UE 2015/478 relatif au régime commun applicable aux importations qui doit permettre la mise en place de licences d'importation et de surveiller ce marché, «car on ne peut pas attendre que le marché se déstabilise plus encore sur les céréales pour de nouveau intervenir», a-t-il indiqué, sans pour autant apporter plus de précisions, à ce stade.
L'histoire sans fin
Au-delà de la surveillance des marchés, l'exécutif européen s'engage aussi, une fois la prolongation des mesures actée, à lancer une discussion sur la libéralisation permanente des droits de douane avec l'Ukraine dans le cadre de l'accord d'association entrée en vigueur en septembre 2017. Processus auquel le Parlement européen, qui n'a que peu goûté l'ultime volte-face du Conseil de l'UE, souhaite pleinement prendre part malgré son rôle limité dans le déroulement des négociations, comme l'a indiqué le président de la Cominta, l'Allemand Bernd Lange (socialiste), en marge du vote du 9 avril. De leur côté, plusieurs organisations professionnelles de l'UE - Copa-Cogeca (agriculteurs et coopératives), AVEC (volailles), CEFS (fabricants de sucre), CEPM (maïs), CIBE (betteraviers), EUWEP (oeuf) - réclament «une meilleure protection de la position [des] producteurs et fabricants [de l'UE] et le respect de leurs normes par les producteurs et transformateurs ukrainiens, en raison des effets potentiels à long terme». Au niveau ukrainien, les entreprises agricoles appellent Bruxelles «à adopter sans délai un acte de mise en oeuvre, comme prévu par le règlement, afin d'établir les modalités de surveillance des importations de produits soumis aux sauvegardes». Et d'ajouter que «les résultats de la surveillance devraient être rapidement partagés et discutés avec la partie ukrainienne». En cas de résultats négatifs, elles estiment que l'UE devra s'abstenir d'appliquer de nouvelles restrictions «qui menacent d'affaiblir la capacité de l'Ukraine à soutenir son économie». Malgré cet accord obtenu de haute lutte, les dé-bats devraient donc se poursuivre alors que l'agriculture sera l'un des enjeux principaux de la future adhésion de l'Ukraine à l'UE.
Le sucre ukrainien sera contingenté
C'est une première victoire pour la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) qui se félicite, dans un communiqué de presse du 23 avril, que les députés européens et les institutions européennes aient décidé de contingenter pour la prochaine campagne (2024-2025) l'importation de sucre ukrainien. Comme la CGB le sou-ligne, «les filières agricoles européennes n'ont jamais remis en cause le nécessaire soutien de l'Union européenne à l'Ukraine, elles n'ont pas pour autant les moyens de financer le prix d'une telle libéralisation sur la du-rée». Concrètement, ce sont plus de 700 000 tonnes de sucre qui ont été importées au cours des 12 derniers contre 400 000 tonnes entre 2022 et 2023. Avant-guerre, le contingent était limité à 20 000 tonnes. Ces importations ont fait chuter les cours européens de plus de 30% depuis mai 2023. Le futur contingentement devrait s'établir à 260 000 tonnes par an. La CGB ne manque pas de souligner que «le sucre en provenance d'Ukraine est très éloigné de nos standards européens de production».
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