L'Oise Agricole 23 mars 2024 a 07h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

La transition vers l'agroécologie ne se fera que grâce au collectif

Les services régionaux de l'État, les Chambres d'agriculture des Hauts-de-France et les Agences de l'eau Seine-Normandie et Artois-Picardie ont organisé une journée «Jouons collectif» le 13 mars au lycée agricole d'Airion (Oise) pour relancer les démarches collectives de transition vers l'agroécologie.

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- © Corinne Lescaudron

Après quelques années d'interruption à cause de la crise Covid, il s'agissait de mettre en avant les démarches collectives, principalement sous forme de GIEE (groupe d'intérêt écononomique et environnemental), qui permettent aux agriculteurs de se lancer dans des démarches de développement durable.
Dans l'assistance, des animateurs de groupe, des conseillers, des administrations, des collectivités locales... en un mot, tous les acteurs du territoire qui oeuvrent à une transition agroécologique qui, selon les mots de Bruno Haas, élu Chambre et responsable de la commission environnement, «se déploie selon des axes à la fois productifs, économiques, sociaux et écologiques. Il s'agit d'avancer tous ensemble, de capitaliser sur les réussites et les diffuser largement.»
Pour Jean-Michel Poirson, directeur adjoint de la Draaf Hauts-de-France, l'agroécologie est une réponse aux grandes tensions qui touchent l'agriculture : aléas climatiques, réduction des usages phytosanitaires et attentes sociétales. La démarche collective fait remonter du terrain les pratiques des agriculteurs qui marchent, pour les transmettre à d'autres, avec bien plus d'efficacité que ce que pourrait créer l'appareil normatif. «Les exploitants agricoles doivent se saisir de cette opportunité, d'autant plus dans les Hauts-de-France où tous les atouts requis pour réussir sont réunis. Engagez-vous !», lançait-il.

Des agriculteurs déjà engagés
Parole était donnée pour trois témoignages de groupes qui travaillent, pour certains déjà depuis de nombreuses années, sur les changements de pratiques. Le premier, Agr'Eau logic 59-62 réunit des exploitations très différentes (bio, polyculture-élevage, grandes cultures industrielles) qui s'intéressent à l'agriculture de conservation des sols (ACS). Dans un premier temps, l'animateur du groupe, Aristide Ribeaucourt, a travaillé avec les agriculteurs sur la théorie : formation, visites, observation... avant de passer à la pratique. Chaque participant a mis en ACS une parcelle de sa ferme et une plateforme de couverts, considérés comme une culture à part entière. Réduire les phytos a été possible, mais il est difficile de se passer de glyphosate en ACS. Des analyses vont permettre de suivre l'évolution du taux de matière organique (temps long) et le groupe va s'intéresser dorénavant à la vie du sol pour favroriser les micro-organismes bénéfiques aux cultures. «Notre agriculteur bio est un spécialiste du désherbage mécanique, même si c'est compliqué à mettre en oeuvre dans les légumes de plein champ. Néanmoins, le passage à l'ACS s'est fait sans achat de matériel. Nul besoin de faire du semis direct sous couvert pour être en ACS, il faut juste ne plus labourer et implanter des couverts», témoigne l'animateur. Bien entendu, une reflexion sur la rotation, sur les conséquences de l'irrigation et sur les modes de destruction des couverts font partie des préocuupations du groupe.
Autre exemple, l'association Eco Phyt, à l'initiative du groupe Carré avec des partenaires, qui regroupe des collectifs d'agriculteurs en GIEE : 210 exploitations de Senlis à Dunkerque, plus ou moins avancées en ACS. L'objectif est de trouver une cohérence entre les techniques et les résultats économiques en accompagnant vers la transition, en fixant à chacun un plan annuel d'actions, en organisant formations et tours de plaine, en mettant à disposition des supports d'information. Résultats : des agriculteurs qui changent de posture, qui intègrent mieux les enjeux environnementaux, qui s'engagent dans des démarches de certification, HVE (haute valeur environnementale), PSE (paiement pour services environnementaux) et crédits carbone. Les partenaires de la filière sont associés, notamment les industriels qui peuvent donner des primes pour des productions générées dans des conditions plus respectueuses. «Il faut des signes économiques de la filière pour que les agriculteurs s'engagent», concluait Jean-Paul Dallenne, agriculteur impliqué ; tout en citant les pistes de réflexion du groupe : couverts longs, plantes compagnes, essais de réduction en fongicides...
Enfin, le GIEE synergies cultures-élevage dans l'Oise faisait part du travail collectif réalisé d'une part entre un agriculteur bio qui vend sa luzerne à des éleveurs en manque de fourrages et, d'autre part, de la co-construction d'un plan d'action pour chacun des participants en fonction des objectifs recherchés. Par exemple, un éleveur souhaite gagner des tonnages de matières sèches tout en valorisant son lisier. Les autres membres lui proposent des solutions pour y parvenir, auxquelles il n'avait pas pensé, et c'est lui qui choisit au final. Une vraie démarche de confiance, de bienveillance et de solidarité au sein du groupe.

Lancement appel à projets 2024
L'émergence de projets peut se faire sous forme de GIEE de 3 ans avec une approche globale ou dans le groupe des 30.000 avec un travail sur la réduction des phytos. L'idéal est que les demandes émanent de groupes d'agriculteurs qui veulent s'engager : identification des problématiques, définition du projet, test d'actions innovantes, bilan des actions et capitalisation des résultats en interne et externe.
À ce jour, 638 collectifs existent en France et 826 agriculteurs sont engagés dans les Hauts-de-France.

- © Corinne Lescaudron

Des ateliers prospectifs
Au cours de la matinée, les participants ont visité l'exploitation du lycée. Ces visites, animées par des étudiants de BTS, portaient sur différentes pratiques menées par l'exploitation. Ainsi les visites portaientt sur :
- l'agriculture biologique avec une présentation de la gestion des ateliers en AB incluant l'élevage de volailles ;
- la certification HVE3 avec une présentation des éléments clefs de l'exploitation ;
- l'atelier biodiversité avec les différentes actions mises en oeuvre, notamment une vue détaillée des haies, de leurs services écologiques et des contraintes associées ;
- l'atelier PNRI Betterave avec une présentation de l'essai sur les betteraves sucrières incluant le contexte, les essais antérieurs, les méthodologies pédagogiques et les résultats de la campagne 2024.
L'après-midi, les participants ont participé à 2 ou 3 ateliers dont l'objectif principal est d'apporter un appui sur la gestion et l'animation d'un collectif en transition agroécologique. Parmi les 6 ateliers proposés, réussir son projet agroécologique en collectif, animé par la Draaf/Agences de l'eau/Dreal, permettait de réfléchir collectivement aux difficultés dans la vie du projet et répondre aux interrogations. Nous avons pu voir comment mieux «accompagner les agriculteurs vers une meilleure gestion de l'azote à partir d'objectifs de résultat à atteindre» notamment grâce au projet Gazelle à travers un atelier animé par AgroTransfert. L'atelier animé par Vivea permettait aux participants  de penser à l'outil formation pour mobiliser et engager les adhérents des collectifs. La Chambre d'agriculture des Hauts-de-France a animé un atelier pour aider à la capitalisation pour les collectifs d'agriculteurs avec notamment la création de fiches. L'atelier «Importance de la filière pour les collectifs», animé par Earthworm, permettait aux participants à travers un jeu de rôle d'échanger sur les besoins et contraintes de la mise en place de la transition agroécologie ainsi que les leviers mobilisables par la filière. Enfin, les participants ont pu découvrir l'outil coopératif Mission Ecophyt'eau qui aide à la représentation et conception collective de systèmes de cultures animé par le Civam.

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