«La signature de l'accord Mercosur sera l'étincelle qui fera tout exploser !»
Alors que des annonces de mobilisation sont lancées par la FNSEA et JA national, Régis Desrumaux, président de la FDSEA de l'Oise, répond à nos questions.
Le Mercosur devrait être signé lors du prochain G20 à Rio les 18 et 19 novembre. La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, déclare que le projet d'accord est inacceptable en l'état car il mettrait en péril la compétitivité des exploitations agricoles. Faites-vous confiance au gouvernement pour ne pas signer?
Régis Desrumaux : non, absolument pas ! Je n'oublie pas que pendant la campagne des élections européennes en juin, les politiques avaient pris un engagement vis-à-vis du monde agricole : ils nous disaient que l'accord Mercosur n'était plus d'actualité et que, de toute façon, il était inenvisageable de laisser entrer en Europe des produits agricoles dont les normes n'étaient pas équivalentes aux nôtres en terme de qualité de production.
Et voilà qu'aujourd'hui, nous apprenons que cet acord pourrait être signé prochainement. À croire que les propos de juin n'étaient tenus qu'à des fins de racolage électoral ! L'accord, tel qu'il se discute, ne contient pas de clauses miroir mais, au contraire, prévoit des importations supplémentaires de viande bovine, de volaille, de sucre et d'éthanol. Encore une fois, l'agriculture européenne, et donc française, est la monnaie d'échange pour des exportations de biens industriels et de services. Cela démontre le peu de considération dont l'Europe fait preuve vis-à-vis de ses produits agricoles. D'un côté, on demande aux agriculteurs européens de produire une meilleure qualité et pour cela, on les contrôle et, de l'autre, on veut laisser entrer des denrées très bas de gamme, produites dans des conditions que nous refuserions ici. Et qu'on ne nous dise pas que c'est pour assurer notre sécurité alimentaire, c'est faux : nous pouvons nous-mêmes produire ce que nous allons importer et même produire mieux !
FNSEA et JA national ont appelé à une mobilisation avant ce sommet crucial. Qu'en est-il exactement? Qu'imaginez-vous faire dans l'Oise?
RD : Il s'agit de mettre la pression au niveau national : FNSEA et JA s'y emploient auprès du Président Macron et de la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard. Nos représentants cherchent dans les autres pays européens des alliés pour faire pression sur l'Europe et empêcher la signature de l'accord du Mercosur. De notre côté, nous faisons remonter nos messages et notre fort mécontentement.
Avec cet accord, c'est une partie de l'avenir de l'agriculture française qui se joue et nous commencerons concrètement nos actions au 15 novembre. L'État français doit absolument comprendre que la signature de cet accord sera l'étincelle qui fera tout exploser.
L'hiver dernier, les blocages ont été largement suivis. Que reste-t-il des promesses du gouvernement de l'époque?
RD : Nous ne nous sommes pas battus pour rien, il reste des avancées importantes comme la suppression de la jachère jusqu'à la fin de la Pac en cours. Même si tous n'ont pas pu ne pas faire de jachère, c'est quand même 4 % de terres arables à cultiver supplémentaires.
Autre exemple, la détaxation automatique du GNR : plus d'avance de trésorerie à faire, plus de dossier à remplir, ni d'attente pour être remboursé. C'est quand même plus simple pour tous les agriculteurs. De même, des mesures fiscales et sociales vont aboutir. Je vous laisse lire l'interview de Luc Smessaert qui explique les acquis en ce sens (NDLR, page 5 de cette édition) ou vous invite à en découvrir les détails sur notre site fdsea60.fr.
Nénmoins, le compte n'y est pas en ce qui concerne la simplification, plus de défiscalisation et des mesures spécifiques à l'élevage.
Toutes les discussions entreprises se sont arrêtées à cause de la dissolution de l'Assemblé Nationale et semblent ne reprendre que maintenant. C'est la FNSEA qui est au charbon et on se doute que les choses ne vont pas être simples vu le contexte budgétaire catastrophique dans lequel se trouve la France.
Qu'attendez-vous de la loi de finances 2025 ? et de la future loi d'orientation agricole ?
RD : Nous voulons que la conversation reprenne là où elle s'était arrêtée suite à la mobilisation du début d'année. Des avancées notables ont eu lieu comme la mesure élevage qui permet une déduction d'une provision fiscale et sociale pour éviter la décapitalisation du cheptel. Ou encore la prise en compte des 25 meilleures années pour le calcul de la retraite. Nous attendons également des mesures pour l'installation des jeunes agriculteurs, notamment en termes de défiscalisation.
Plus généralement, nous attendons un choc de simplification, c'est ce qui est le plus réclamé par les agriculteurs. Par exemple, le nouveau plan d'actions régional dans le cadre de la directive nitrates est en application. Les mesures sont tellement compliquées et incompréhensibles que même l'administration que nous interrogeons ne parvient pas à nous donner des réponses. C'est dire ! Si les administrations n'y comprennent rien, comment voulez-vous que les agriculteurs puissent appliquer une réglementation aussi compliquée ?
Je le dis : si l'Etat ne simplifie pas, nous le ferons nous-mêmes. Impossible d'attendre des semaines pour obtenir une dérogation alors que, pendant ce temps, les saisons avancent.
À croire que tous ces textes sont l'oeuvre de fonctionnaires, aux fonds de culotte usés à force de rester assis, et qui n'ont jamais mis les pieds sur une ferme et ne savent rien de la nature, des plantes et des animaux. Ils sont totalement déconnectés.
Au niveau départemental, des discussions sur la simplification administrative avaient été engagées avec la préfecture et les différentes directions départementales. Qu'avez-vous obtenu?
RD : Nous étions partis sur une bonne dynamique avec les services départementaux. Nous avions obtenu des simplifications, par exemple sur les temps de conduite pour le déplacement des ruches ou leur concentration. Nous avions avancé sur le contrôle pédagogique également. Mais tout s'est arrêté à la dissolution et nous voudrions reprendre ce dialogue avec madame la préfète qui s'était montrée très l'écoute, même si je sais qu'elle est tenue par les lignes directrices du pouvoir central.
À l'issue des mauvaises récoltes de l'année, vous aviez réuni deux fois le Caf (Conseil de l'agriculture française) au niveau départemental. Les partenaires se sont-ils engagés auprès des agriculteurs?
RD : FDSEA et JA de l'Oise ont été parfaitement dans leur rôle en provoquant ces réunions du Caf qui ont rassemblé tous les partenaires de l'agriculture et même l'administration départementale. Il s'agissait de dresser un état des lieux partagé entre banques, syndicalisme, MSA, coopératives et administrations. Chaque partenaire a ensuite proposé à ses ressortissants des aménagements : reports de paiement, étalement, prise en charge partielle, rencontres...
De notre côté, FDSEA et JA, nous nous sommes engagés à ne laisser personne sur le bord de la route et à accompagner ceux de nos adhérents qui auraient besoin d'aide pour entamer le dialogue avec leurs fournisseurs et partenaires. Les agriculteurs ont plus que jamais besoin d'accompagnement car ce sont bien eux qui prennent chaque fois des risques face au changement climatique.
Les élections à la Chambre d'agriculture auront lieu en janvier 2025. JA et FDSEA de l'Oise présenteront une liste commune au collège 1. Est-elle bouclée?
RD : oui, elle est bouclée et ses membres seront présentés dans les prochaines éditions de L'Oise Agricole. Nous savons bien que les préoccupations actuelles des agriculteurs de l'Oise sont d'abord de finir les récoltes d'automne, puis de semer avant de se projeter sereinement sur la prochaine campagne. Néanmoins, le calendrier des élections s'ouvre et ce scrutin est important. La participation et le pourcentage de voix que nous donneront les électeurs détermineront notre crédibilité vis-à-vis de l'État et de nos autres interlocuteurs.
Beaucoup cherchent à minimiser nos actions et nos résultats mais, eux, que font-ils, à part agiter des drapeaux ? Nous sommes les seuls à nous battre chaque jour pour les agriculteurs de l'Oise et je ne doute pas que ces derniers sauront se mobiliser en janvier prochain et nous accorderont leur confiance.
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