L'Oise Agricole 20 juillet 2023 a 09h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé et Pierre Poulain

La moisson se poursuit: témoignages

Ils sont plus ou moins avancés, parfois déçus par les rendements mais pas par la qualité.

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«Encore trois ou quatre jours de récolte»

Installé depuis 2000 sur l'exploitation familiale à Cormeilles, Jérémy Tallon est pour le moment satisfait de sa récolte.

Malgré la verse causée par l'orage et les 10 à 15 mm de précipitations de ce lundi 17 juillet qui ont a rendu les blés difficiles à battre et affecté leur qualité, Jérémy Tallon est satisfait de sa récolte. «À ce jour j'ai battu 28 ha sur 75 de blé et j'en suis pour l'instant content. Le PS est très bon et la protéine se situe entre 10,5 et 12. On atteint les 80 quintaux en blé sur blé en terre séchante et 107 quintaux en limon profond».
Installé depuis 2000 sur la ferme familiale, cela fait 5 ans qu'il travaille avec des mélanges de variétés. «Je n'y vois que des avantages : j'y gagne en simplicité de travail, les maladies se propagent beaucoup moins et mes rendements sont équivalents aux variétés uniques».
Côté colza, même satisfaction. «Je suis à 38 de moyenne sur 12 ha. C'est en deça des chiffres de l'an dernier, qui étaient vraiment très bons et que je ne suis pas sûr de revoir un jour ! Mais je reste très content car il y a énormément de variations sur le secteur, de 15 à 45.»
En revanche, ses lins ont souffert de la sécheresse du printemps qui s'est ajoutée à une période de froid. «Les hauteurs sont très faibles. Certains ne pourront pas être teillés pour faire de la filasse». À l'heure actuelle, règne l'incertitude sur ce que va devenir ce lin qui ne répond pas aux standards chinois.
S'il reçoit le coup de main de son père âgé de 73 ans pour la conduite d'engin, il travaille seul sur sa récolte avec sa propre moissonneuse-batteuse, sans avoir besoin de récolter de nuit. «Il ne me reste que trois ou quatre jours de moisson ; sauf à ce qu'on annonce de l'eau avant, je ne forcerai pas».
Se pose néanmoins, à l'horizon des prochaines années, la question de l'organisation des chantiers de récolte : «Je ne veux pas que mon père soit sur un tracteur à 80 ans !»
Même en ce qui concerne la problématique incendies, l'optimisme est de rigueur : «On touche du bois ! Il ne s'est rien passé par ici pour l'instant. C'est moins sec, moins propice ! On est aussi plus vigilants.»
Le secteur a pourtant un lourd passé en matière de feux de moisson. En 2019 par exemple, de gros incendies ont ravagé jusqu'à 600 ha en une après-midi et une ferme. «On a eu peur, se souvient l'exploitant de 43 ans, une ligne de front d'un kilomètre, c'est impressionnant !».
Jérémy Tallon possède aujourd'hui de moyens de lutte efficaces contre les incendies : une cuve à eau de 5.000 litres, une moto-pompe, une lance à incendie et des voisins ont des déchaumeurs. «Mais cet équipement ne dispense pas de l'appui des pompiers. Il y a une complémentarité entre agriculteurs et le Sdis. Nous limitons les causes de départ et la propagation, eux viennent éteindre. Ce qui compte surtout, c'est la réactivité et la communication. Dès qu'il se passe quoi que ce soit, on arrête le chantier et on va éteindre».

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«Une moisson un cran en dessous de ce qu'on pouvait espérer»

Agriculteur sur deux sites à Antheuil-Portes et Murancourt, distants de 33 km, même s'il n'a pas encore commencé ses colzas en ce lundi 17 juillet, Guillaume Boulanger ne cache pas sa légère déception devant ses premiers résultats en blé.

«Jusque début juin, nous avions un excellent potentiel qui nous laissait entrevoir une moisson exceptionnelle. Malheureusement, trois orages violents, avec beaucoup de pluie et des rafales de vent, ont douché nos espoirs», regrette l'exploitant. Malgré un fort investissement en termes de suivi par son fils Jean-Grégoire, avec notamment une bonne maîtrise de la fertilisation azotée, les premiers résultats, aux environs de 90 q/ha, seront dans la moyenne de l'exploitation, pas au delà. Et, surtout, les blés sont dorénavant versés suite aux orages, ce qui va compliquer leur récolte et obliger à attendre plus longtemps qu'ils sèchent après les quelques précipitations de dimanche dernier. «Les grains sont secs, mais la paille est encore verte», déplore l'exploitant.
La moisson de Guillaume Boulanger avait démarré par une cinquantaine d'hectares d'escourgons à 85 q/ha, alors que la ferme a déjà donné jusque 95 quintaux.
Heureusement, la qualité semble au rendez-vous avec, pour l'instant, aucun blé en dessous de 11 de protéine, malgré un quatrième apport en azote réduit. «Nous sentons vraiment le changement climatique. Avant, nous ne commencions pas les blés avant le 5 août ; maintenant, au 14 juillet, nous sommes dedans. Avec des températures souvent élevées à partir de mai et la sécheresse qui s'installe, il y a de quoi remettre en cause nos conduites techniques et notamment les doses d'azote apportées en fin de cycle. Quelle est leur efficience en cas de sécheresse ?» s'interroge Guillaume Boulanger. Sans compter la résistance aux herbicides des ray grass qui commence à peser. Et puis le contexte économique est incertain : «cette année, on va sans doute subir un effet ciseaux, avec des cours du blé plus bas et des engrais dont les prix sont restés élevés. Après la récolte 2022, il fallait garder de la trésorerie», analyse-t-il.
En attendant, avec sa moissonneuse-batteuse New Holland à secoueurs et entretenue par la Vimo, encore 5 à 6 jours de moisson seront nécessaires pour finir la récolte, entièrement livrée chez Agora.

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En attendant les blés...

Après les pois, l'orge et le colza, Thibaut Falampin vient de commencer la récolte de ses blés. À ce stade, il ne s'attend pas à une grosse moisson.

«Contrairement à l'année dernière, les rendements de l'orge de printemps sont très bons», se réjouit Thibaut Falampin, agriculteur en grandes cultures à Sains-Morainvillers. «On réalise 82 quintaux, avec un bon calibrage, un bon PS et des protéines relativement basses.» Une bonne surprise pour cet exploitant de 45 ans, installé en 2000 sur 168 ha, qui voit se confirmer les espoirs placés dans son orge.
Comme les pois, pour lesquels 32 quintaux ont été récoltés, le coup de chaud du mois de juin et les stress hydrique semblent des causes d'explication. «Je vais attendre la réunion post-moisson pour y voir plus clair.»
Ce sont aussi des résultats qui viennent compenser une récolte de colza décevante. «On a fait seulement 33,5 quintaux. Les colzas seront la grande déception de cette moisson 2023. Ils étaient pourtant très beaux, la floraison a été longue... avant qu'ils ne versent. On n'avait pas eu de colzas ainsi versés depuis 30 ans !»
Thibaut Falampin n'a commencé ses blés qu'il y a deux jours : «À ce stade, on se situe dans une moyenne quinquennale : beaucoup de protéines et des PS corrects (75-77). Aux normes, mais sans excès. Les quintaux vont de 75 à 90 selon le type de sol et du précédent». Une moisson qui devrait se terminer d'ici deux à trois jours - le travail allant vite car peu de blé a versé - au volant de sa moissonneuse-batteuse John Deere.  «Seul un quart de mes parcelles de blé est moissonné, je n'ai donc pas encore assez de recul, mais on est sur une moisson standard, en attendant les blés pour faire les comptes.» Reste à espérer que les prix du blé se maintiennent (au moins) : «Les prix des engrais sont inédits. Ils ont été multipliés par deux. On craignait l'effet ciseau et il s'est produit».

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