La filière apicole cherche un second souffle
Confrontée à des difficultés d’écoulement de sa production et à des problématiques sanitaires récurrentes, la filière apicole française souffre malgré des miels d’une grande qualité. Le point sur les enjeux de la filière avec les représentants syndicaux et ceux de l’interprofession apicole.
Après avoir compté jusqu’à 80.000 apiculteurs dans les années 1950, la France présente depuis une dizaine d’années des effectifs stabilisés autour de 65 000 apiculteurs. D’après les derniers chiffres fournis par le Syndicat national de l’apiculture (SNA), environ 2.000 d’entre eux sont des professionnels. Le SNA, premier syndicat apicole créé en France en 1920, recense par ailleurs 1,3 million de colonies sur l’ensemble du territoire. La production française de miel, elle, s’établit en 2020 autour des 20.000 tonnes, dans la moyenne haute par rapport aux derniers exercices qui oscillent entre 15.000 et 25.000 tonnes de miel produit. «Au début des années 1990, nous tournions autour des 36.000 tonnes. Depuis, nous connaissons d’importants à-coups avec des très bonnes années mais aussi des mauvaises années qui peuvent descendre à environ 8.000 tonnes», explique Éric Lelong, président de l’interprofession apicole Interapi.
Une production insuffisante pour répondre à la consommation
Fragilisée ces dernières années, la production française de miel fait aujourd’hui face à un constat clair : elle ne parvient plus à répondre à une consommation nationale estimée à environ 45.000 tonnes de miel par an. Désormais, plus de la moitié du miel consommé en France est importée. Ce miel, la France va le chercher du côté de l’Ukraine (18 % des importations en 2018), l’Espagne (17 %), la Chine (10 %), ou encore l’Allemagne (10 %) d’après les données de FranceAgriMer. Mais rien ne garantit pour autant que le miel soit effectivement produit dans ces pays. Il peut, dans certains cas, être conditionné ou réexporté depuis le pays de provenance. En 2017, la répression des fraudes a ainsi identifié 43 % de miels non conformes pour l’étiquetage dans 317 établissements français. Déstabilisant le marché, ces contrefaçons ont un impact négatif sur l’écoulement du miel français. «L’instabilité de notre production, c’est tout ce que déteste la grande distribution qui privilégie des miels étrangers et déréférence certains miels français. L’effet pervers, c’est que si le miel ne se vend pas, les coûts de production et donc les prix augmentent aussi ce qui n’aide pas à la commercialisation», déplore Éric Lelong.
Conséquence directe : les apiculteurs français se tournent de plus en plus vers la vente directe. Une solution efficace, mais qui a l’an dernier été sérieusement impactée par la crise du Covid-19. «La fermeture des marchés de plein vent en mars et des marchés de Noël en fin d’année a engendré chez certains apiculteurs d’importantes pertes financières», témoigne Pierre Gaschignard, président du comité de la filière apicole en Auvergne-Rhône-Alpes. Une situation qui n’a pas pour autant déstabilisé les consommateurs puisque la période a vu une hausse de la consommation de miel en France portée par un intérêt grandissant pour les circuits courts. «Le premier confinement a engendré un réflexe de protection alimentaire des consommateurs se traduisant par un retour vers des produits naturels issus de l’apiculture comme le miel, la gelée royale et la propolis. Les importations de miels asiatiques en France ont chuté de 9,5 % en volume», se réjouit Frank Alétru, président du SNA.
Des problématiques sanitaires multiples
Cette embellie de circonstance, la filière ne devrait pas pouvoir se reposer longtemps dessus, elle qui est confrontée à «une mauvaise qualité environnementale» qui est l’une des causes de l’instabilité de la production française d’après Dominique Cena, vice-président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf).
Cet environnement moins propice à la production de miel vient selon lui non seulement du changement climatique mais aussi de pratiques humaines nocives comme l’usage de produits phytosanitaires. De l’avis général, l’arrêté du 28 novembre 2003 relatif aux conditions d’utilisation des pesticides, dit arrêté abeille, ne suffit plus. Sur ce sujet, la mobilisation de la filière a porté ses fruits puisque le plan pollinisateurs, présenté fin 2020 par le gouvernement, prévoit d’étendre l’interdiction de traiter les cultures attractives pour les pollinisateurs en période de floraison à l’ensemble des pesticides, herbicides et fongicides. «Aux facteurs climatiques et chimiques s’ajoute la gestion des parasites qui représentent un facteur de stress supplémentaire pour les abeilles», poursuit Dominique Cena.
Installé en France depuis quarante ans, le varroa, un parasite de l’abeille, fait partie des principales menaces pour les colonies et impacte la production de miel. «Nous avons des moyens de traitement efficaces à 90 %, ils permettent de faire baisser la pression mais pas d’éradiquer le varroa», déplore le vice-président de l’Unaf. La gestion du frelon asiatique, arrivé en France en 2004 et prédateur de l’abeille, est l’autre sujet de préoccupation des apiculteurs. «Une étude de l’Insap a montré que le piégeage préventif des reines fondatrices de frelon asiatique permet de diminuer la pression en sortie d’été. Nous avons besoin d’un grand plan frelon, nous prévoyons notamment de distribuer des notes aux agriculteurs pour qu’ils contribuent à la lutte», détaille Éric Lelong d’Interapi.
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