L'Oise Agricole 24 novembre 2022 a 08h00 | Par Actuagri

La difficile gestation des paiements pour services environnementaux

En France comme aux États-Unis, le développement du marché du carbone se heurte à la complexité des dispositifs que les agriculteurs doivent mettre en oeuvre, sans être sûr d’obtenir une rémunération suffisante.

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Les agriculteurs sont des «carbon farmer». Certaines pratiques sont de vrais leviers pour réduire les émissions de CO2.
Les agriculteurs sont des «carbon farmer». Certaines pratiques sont de vrais leviers pour réduire les émissions de CO2. - © Mathieu Bonnehon-FranceAgriTwittos

Tous les experts le reconnaissent : l’agriculture constitue un formidable levier pour réduire ces émissions et de stocker le carbone dans le sol. Ainsi en septembre dernier, le ministère américain de l’Agriculture (USDA) a annoncé un plan de 3 milliards de dollars pour accompagner la transition écologique des agriculteurs. Ce plan vise notamment à encourager des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement, à mieux quantifier les émissions de gaz à effet de serre et le stockage du carbone dans le sol ainsi qu’à promouvoir des cultures plus adaptées à l’évolution du climat. Il s’agit là de la première initiative publique en ce sens aux États-Unis. Comme le reconnait Debbie Reed de la société EcoSystem Services Market Consortium (ESMC), lors d’un webinaire organisé par Pluriagri, un think tank agricole, le 17 novembre, «aux États-Unis, il n’y a pas de programme fédéral sur la réduction des gaz à effet de serre, ni de réglementation fédérale en la matière». À l’exception de la Californie «qui constitue une exception aux États-Unis», précise-t-elle.

Méthodes évolutives

En revanche, de nombreuses initiatives privées ont vu le jour et des organisations se sont créées pour développer et promouvoir différents programmes de décarbonation en agriculture. Elles jouent le rôle d’interface entre les pourvoyeurs de carbone que sont les agriculteurs et les acheteurs parmi lesquels les grandes entreprises de l’agroalimentaire comme Nestlé, Syngenta, Cargill… En amont, leur rôle est d’accompagner les agriculteurs pour effectuer le chiffrage et l’enregistrement du carbone réduit et stocké et pour améliorer leurs pratiques agricoles plus résilientes visant à diminuer l’empreinte carbone. Néanmoins, le développement de ces programmes est lent et laborieux. «C’est compliqué», reconnaissent d’ailleurs les experts américains invités à débattre. Aux États-Unis, «97 % des exploitants ne sont pas prêts à participer au marché du carbone», observe pour sa part, Christophe Jospe, à la tête de la société Carbon a list. Comme d’autres, il déplore la complexité du dispositif à mettre en place dans les exploitations agricoles, les méthodes d’évaluation qui ne sont pas encore figées et qui évoluent au gré des connaissances scientifiques. Et puis le prix n’est pas au rendez-vous. Chris Harbourt, de la société Indigo, considère que la tonne de carbone devrait être valorisée à 170 dollars la tonne alors qu’elle oscille entre 20 et 40 dollars la tonne, sur le marché mondial.

Un dispositif adapté

Au-delà du prix, les experts s’accordent sur la nécessité de mettre en place des règles plus souples susceptibles de mobiliser davantage les agriculteurs et d’élargir la gestion du carbone à la préservation des ressources en eau (un problème particulièrement prégnant aux États-Unis) et à la sauvegarde de la biodiversité. D’ailleurs, la société ESMC travaille en ce sens et propose des programmes intégrés associant la diminution des émissions de GES, les économies d’eau et la préservation de la biodiversité. Même constat en France. Édouard Lanckiret, directeur du développement d’Agro Solutions qui accompagne les agriculteurs dans la transition environnementale bas carbone, considère que le marché du carbone «ne décolle pas» en France, alors que beaucoup d’espoirs avait été mis en lui. «Sur un marché qui explose de 1 milliard d’euros (Md€) en 2021 à 2 Md€ en 2022, l’agriculture n’en représente que 0,2 % à 1 %», déplore-t-il. En cause, les difficultés à mesurer les émissions et le stockage du carbone, un degré d’exigence élevé imposé aux agriculteurs en la matière «qui coûte cher», pour finalement une rémunération faible. «Alors que l’agriculture constitue un formidable potentiel de réduction et de stockage du carbone». Aussi prône-t-il une approche différenciée, avec la mise en place d’un système plus simple et plus adapté dédié spécifiquement à l’agriculture.

HVE et écorégime : de nouvelles règles publiées au JO

Dans un arrêté et un décret parus au Journal officiel du 22 novembre, le gouvernement a publié les grands paramètres de la Haute valeur environnementale (HVE) dans sa version révisée, et en précise le calendrier d’entrée en application. Les nouveaux critères de certification s’appliqueront pour tous les nouveaux certifiés à partir de janvier 2023. Pour les exploitations ayant passé les audits avant cette date, la validité des certifications environnementales de troisième niveau prenant fin avant le 31 décembre 2024 sera «prorogée jusqu’à cette dernière date», indique le ministère. Mais les exploitations certifiées entre le 1er octobre et le 31 décembre 2022, précise le gouvernement, ne seront pas éligibles à l’écorégime du plan stratégique national de la Pac par la voie de la certification. Le gouvernement confirme par ailleurs la nouvelle grille d’évaluation, comprenant la suppression de la voie B sur le chiffre d’affaires, ainsi que le renforcement des exigences en matière de fertilisation. Estimant toujours que ce cahier des charges révisé «met en danger la démarche», le président de HVE Développement, Jean-Jacques Jarjanette, confie que son organisation «ne désespère pas d’entamer les discussions pour que les critères évoluent d’ici le 1er janvier 2024».

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