L'Oise Agricole 11 janvier 2024 a 08h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

«La défense des agriculteurs n'est possible que grâce à l'engagement de tous»

Régis Desrumaux, le président de la FDSEA de l'Oise, se livre aux jeux des questions-réponses en ce début d'année syndicale.

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En ce début d'année, vont commencer les assemblées générales des SEA (Syndicat d'exploitants agricoles), auxquelles vous allez participer. Que pouvez-vous dire aux adhérents pour les inciter à venir en nombre ?

Régis Desrumaux : Parmi les divers événements qui ponctuent l'année syndicale, barbecues après-moisson, journée de l'adhérent, les assemblées générales de SEA sont vraiment LE temps fort. Nous allons sur le terrain, à la rencontre des adhérents, tous les sujets peuvent être abordés et en toute transparence. L'accueil est chaleureux et même si certains adhérents font part de leur mécontentement, ces réunions sont l'occasion d'échanger franchement. Cela permet aux élus FDSEA que nous sommes de voir si nous sommes bien positionnés par rapport à nos adhérents. Chacun peut constater l'engagement des élus à tous les niveaux et les propositions d'accompagnement que développent les services de la FDSEA, conseil juridique ou service paye et main-d'oeuvre notamment.

Quelles échéances vont ponctuer 2024 en ce qui concerne les agriculteurs ?

RD : Ce sera d'abord l'application de la Pac avec son lot d'incertitudes. Comme beaucoup, à réception de mes aides Pac en décembre, j'ai reçu une véritable douche froide. C'est vrai pour toutes les productions où les montants ont été bien en deça des sommes annoncées, du fait des enveloppes fermées. Dans ce contexte, pour ne rien perdre des aides potentielles, il est important que chacun fasse vérifier sa demande d'aides en mai auprès des animateurs de secteur.

Et puis il y a les échéances de juin avec les élections européennes. Nous savons bien que la couleur du parlement européen sera de nature à infléchir la politique agricole et c'est pour cela que, bien qu'apolitique, le syndicalisme FNSEA suivra avec grande attention la campagne électorale et les résultats des élections. D'ailleurs, l'engagement d'agriculteurs sur les listes serait une bonne chose afin que la parole du monde agricole puisse être portée à Strasbourg.

Quels seront les dossiers de l'année au niveau régional et national ?

RD : Au niveau régional, nous sommes en pleine application du 7e programme d'actions régional (Par) sur la directive nitrates, notre plus gros dossier actuel. Le plan national est sorti et la version régionale, qui ne doit pas être moins contraignante que la nationale, a été négociée âprement par la FRSEA Hauts-de-France. Il reste des points à éclaircir et certaines dispositions ne nous plaisent pas du tout. Elles sont inapplicables en cas de météo inattendue et incohérentes avec certains principes agronomiques. Les agriculteurs vont avoir du mal à s'approprier de telles règles, beaucoup trop contraignantes.

Autre sujet, la BCAE 8 qui impose de faire des jachères. Au vu du contexte géopolitique actuel, avec des demandes croissantes et des pays comme l'Ukraine qui sont limités dans leurs possibilités de semer, nous ne comprenons pas cette obligation de ne pas produire.

Ensuite, les réglementations sur les prairies permanentes ou les haies sont à revoir. Lorsque des haies entourent des pâtures, elles ne sont pas prises en compte comme IAE (infrastructure agroécologique). Avouez que c'est une totale aberration !

Enfin, dans le cadre de la loi Egalim, nous devons être sans cesse vigilants quant à la volonté des industriels et des distributeurs de maintenir des prix bas pour le consommateur sur le dos des producteurs. Je pense que les industriels ont compris qu'ils ont besoin des producteurs afin de proposer des aliments de qualité et locaux aux consommateurs. Ce sont plutôt les distributeurs qui mettent la pression, que ce soit pour le lait, la viande, les céréales ou le sucre.

Et puis il reste tous les dossiers individuels que nous défendons, avec les animateurs et les autres services. Ils demandent à chacun beaucoup de professionnalisme.

Abordons maintenant les sujets départementaux. Le premier, qui a un retentissement national, est bien sûr celui de Vincent Verschuere. Au-delà de la cagnotte, quelle sera la stratégie de la FDSEA et des organisations professionnelles agricoles pour lui venir en aide ?

RD : Nous avons plusieurs stratégies. La première est d'être au plus proche de la famille Verschuere qui a besoin d'appuis. JA et FDSEA les soutiennent depuis deux ans et nous avons pris le risque de remonter ce dossier au niveau national afin qu'il soit médiatisé et que ce soit l'occasion de montrer la difficulté de pratiquer son activité agricole dans certains villages à cause de voisins malveillants. Impossible de vouloir manger local sans avoir des fermes à côté de chez soi.

Grâce à la FNSEA, aux relais politiques nationaux ou régionaux, Conseil départemental et Conseil régional, nous avons obtenu qu'une loi puisse protéger mieux les agriculteurs dans les villages ; elle est en discussion.

Nous avons lancé une cagnotte qui atteint aujourd'hui mercredi 10 janvier 66.000 euros. C'est bien, mais encore insuffisant au regard des sommes que Vincent devra débourser pour améliorer son bâtiment si le tribunal accepte ses propositions. Après le rassemblement du 21 décembre dernier qui a lancé la cagnotte, les organisations professionnelles vont être sollicitées. Des FDSEA d'autres départements ont déjà abondé et nous attendons le soutien des agriculteurs ou même des particuliers qui sont choqués par ce qui arrive à Vincent.

Au prochain Salon de l'agriculture, nous ferons une action de sensibilisation sur le thème de la cohabitation entre agriculteurs et habitants des communes rurales pour remettre sur le devant de la scène le cas de Vincent.

Au conseil fédéral de la FNSEA, comme il existe malheureusement des Vincent Verschuere dans d'autres départements, une réflexion doit être menée avec le recul nécessaire et je m'interroge sur la création d'un fonds de solidarité.

Que dire sur le Canal Seine Nord Europe ? Quelle position défend la FDSEA de l'Oise ?

RD : Depuis le début de ce dossier, le monde agricole négocie afin que les impacts d'un tel projet soient limités pour l'agriculture. Cela passe par la constitution de réserves foncières qui doivent limiter les prélèvements à moins de 1 %. Bien sûr, les exploitants concernés vont subir de profonds bouleversements mais je suis persuadé que, par le biais des aménagements fonciers, s'ils sont bien faits, des situations parcellaires peuvent être améliorées. Pour cela, nous devons obtenir des réponses satisfaisantes sur la gestion des DPB (droit à paiement de base) et les indemnisations. D'ailleurs, nous n'hésitons pas à mettre la pression en cas de besoin comme nous l'avons fait récemment. Il est hors de question que des agriculteurs puissent perdre quoi que ce soit au cours de la procédure, nous sommes très vigilants. J'en profite d'ailleurs pour remercier les responsables agricoles du secteur, dont Éric Labarre, pour leur engagement constant dans ce dossier. Ils passent beaucoup de temps à assurer la défense de tous.

Les débuts d'année sont propices à la prise de bonnes résolutions. Quelles sont les vôtres, si vous en avez bien sûr ?

RD : (rires) Comme beaucoup, j'ai quelques kilos à perdre et je dois me remettre au sport si je veux à nouveau courir des marathons ! Sinon, je vais essayer de me poser plus, de réfléchir avant de réagir, mais je doute qu'à 53 ans, il me soit possible de changer ! J'ai l'habitude de parler franchement et je continuerai ! En tout cas, je défendrai les agriculteurs de l'Oise avec l'équipe de la FDSEA. Nous avons besoin de l'engagement des adhérents pour porter leur voix auprès des pouvoirs publics et faire contrepoids. Merci à tous ceux qui nous soutiennent par leur adhésion. Ainsi, avec JA et la Chambre d'agriculture, nous sommes plus forts pour défendre notre vision de l'agriculture dans l'Oise.

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