L'Oise Agricole 31 janvier 2021 a 10h00 | Par actuagri

La crise comme accélérateur des transitions ?

«Quels systèmes alimentaires face aux crises ?». Tel est le thème général que la Fondation Daniel et Nina Carasso ont choisi pour organiser leurs 3e rencontres de l’alimentation durable. Pendant cette première session, les organisateurs se sont penchés sur les enseignements de la crise de la Covid.

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La crise a permis de relocaliser des productions et de resserrer certains liens entre agriculteurs et consommateurs.
La crise a permis de relocaliser des productions et de resserrer certains liens entre agriculteurs et consommateurs. - © Pixabay

Le constat est partagé par une immense majorité : la deuxième ligne agricole et agroalimentaire a tenu. Mais cette crise a également mis en évidence la fragilité des systèmes alimentaires qui ont été aggravés. D’ailleurs, les intervenants l’admettent : ce n’est pas l’agriculture et la chaîne alimentaire qui sont en cause, mais l’appauvrissement d’une partie de la population qui ne parvient pas à se nourrir suffisamment en raison d’une baisse de pouvoir d’achat. «On assiste à une explosion de la précarité en France et dans le monde», note Marie-Stéphane Maradeix, déléguée générale de la Fondation Caras-so.

Capacité à innover

Olivier de Schutter, rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté pour le compte de l’ONU, partage ce constat et pense que la Pac 2023-2027 peut constituer une solution. Il estime qu’il faut «aligner la Pac sur les objectifs du Farm to Fork, en termes d’agroécologie et de biodiversité notamment», ce qui permettra de conserver les ressources et les capacités de production. À condition que chaque membre de l’UE joue le jeu à travers son Plan stratégique national (PSN). C’est ce dernier qui déterminera la manière dont la future Pac sera déclinée. «Il conviendra que la Commission européenne valide les choix émis par chaque gouvernement», alerte le rapporteur spécial. La France ne devrait pas subir les foudres de la Commission car «elle n’est pas mal placée avec les différentes lois qu’elle a votées (Loi Garrot, loi Egalim…) et les Plans alimentaires territoriaux. Elle a montré sa capacité à innover et est en mesure de répondre aux nouvelles attentes de la société», a certifié Olivier de Schutter.

Relocaliser les productions

La religieuse, professeure de philosophie et présidente du Campus de la transition, Cécile Renouard, formule le voeu que les modèles agricoles et alimentaires s’inscrivent dans le cadre du "One Health", («une seule santé»), un mouvement créé au début des années 2000 qui promeut une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé publique, animale et environnementale aux échelles locales, nationales et planétaire. Prônant une alimentation «moins carnée et moins carbonée», elle rappelle que l’empreinte carbone de chaque Français atteint 12 tonnes équivalent CO2 par an. «Or, il faudrait ne pas dépasser 2 tonnes», indique-t-elle.

Quant au professeur Luc Abbadie, spécialiste de l’interface sols-plantes, il pointe les effets positifs de cette crise de la Covid qui ont permis de relocaliser certaines productions et de resserrer certains liens entre agriculteurs et consommateurs. «Elle a aussi eu le mérite d’amorcer une réflexion sur le futur modèle agricole et alimentaire.» Le sujet est d’autant plus prégnant que «dans les années 1930 et 1950, 30 % du budget des ménages était consacré à l’alimentation. Il n’est plus aujourd’hui que de 10 %», assène Marion Laval-Jeantet, professeur à la Sorbonne.

Agriculture écologique intensive ?

Pour Luc Abbadie, l’avenir du modèle agroalimentaire passera forcément par la recréation d’un certain type d’hétérogénéité, telle que la nature a mis des milliers d’années à la façonner : plantes de service, mosaïque paysagères, notamment qui permettent «une meilleure résistance aux aléas et aux maladies». Il met cependant en garde contre les pertes de rendements qui seront inévitables dans ce mode transitoire. «Il faut aider et compenser, il faut accompagner le coût de cette transition», a-t-il martelé, rappelant que les agriculteurs ont rempli le contrat. Il s’interroge toutefois sur les perspectives de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). La structure onusienne estime que pour nourrir la planète à l’horizon 2035, il faudrait augmenter la production agricole de 50 %. Comment donc concilier ce développement agricole et alimentaire avec les objectifs de développe-ment durable de l’ONU et le Green Deal de l’Union européenne ? Faut-il aller vers une agriculture écologique intensive? Faut-il faire cohabiter un système agricole conventionnel avec un système plus agroécologique ? Olivier de Schutter estime que «les deux modèles ne sont pas incompatibles». Et il est pour lui «normal que les consommateurs soient exigeants et qu’ils ne souhaitent pas importer une alimentation dont ils ne veulent pas», a-t-il affirmé.

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