L'Oise Agricole 04 février 2016 a 08h00 | Par Bernard Leduc

La colère du monde paysan

Partout en France, des manifestations agricoles sont ou ont été organisées. L’exaspération du monde agricole a rapidement gagné du terrain : les éleveurs sont durement touchés par une grave crise structurelle, mais d’autres filières, dont celle des grandes cultures, sont également concernées.

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Vendredi 29 janvier après-midi : ils étaient 200 agriculteurs, avec une centaine de tracteurs et bennes chargées de pneus, partis de Crèvecœur-le-Grand, sont passés à Marseille-en-Beauvaisis pour arriver à Songeons.
Vendredi 29 janvier après-midi : ils étaient 200 agriculteurs, avec une centaine de tracteurs et bennes chargées de pneus, partis de Crèvecœur-le-Grand, sont passés à Marseille-en-Beauvaisis pour arriver à Songeons. - © Sylvie Douchet

La cause est dramatiquement simple : les agriculteurs, faute de prix suffisants sur des marchés devenus libres, non seulement ne sont pas rémunérés de leur travail, mais produisent à perte. Et dans ce métier, il est impossible de s’arrêter, voire de réduire rapidement la production pour limiter la casse. L’effet volume ne peut plus jouer. Ce n’est pas faute d’avoir prévenu de ce problème de fond puisque depuis le printemps 2015, avant la Nuit verte, les éleveurs avaient déjà exprimé leur exaspération, en s’adressant au gouvernement qui n’a pas joué son rôle d’arbitre dans les relations que le monde paysan doit avoir avec l’aval, les transformateurs et la distribution. Un plan de soutien a été obtenu, mais réservé aux seuls éleveurs, qui perçoivent des aides ponctuelles ; et ces aides ne permettent que de couvrir leurs pertes pendant quelques semaines. Cela ne règle en rien leur problème.

Le prix du lait, payé à 28 € les 1.000 litres, celui de la viande, et celui des céréales - un blé actuellement coté à 150 € rendu Rouen signifie 130 €/t à la ferme - ne couvrent généralement pas les charges de production, sans compter que l’endettement est souvent très important dans les exploitations.

Manifestations dans l’Oise

Des manifestations ont été organisées dans de nombreuses régions ; dans l’Oise, plusieurs actions ont été menées, parallèlement à celles déjà en cours, dont les rencontres avec les centrales d’achat. Jeudi 28 janvier, très tôt le matin, les Jeunes Agriculteurs ont organisé une marche funèbre à Beauvais, de la DDT jusque la préfecture, avec dépôt sur les grilles de couronnes de fleurs et de croix symbolisant «la mort des JA». Ils étaient une quarantaine qui, vainement, ont attendu pour qu’une délégation puisse être reçue par le préfet, représentant de l’État.

Les jours suivants, les éleveurs du Nord-Ouest se sont mobilisés, vendredi 29 toute la journée, puis samedi après-midi, des agriculteurs du Valois à Senlis, avant une action sur Beauvais qui a débuté lundi soir 1er février, pour être levée le lendemain après-midi. Vendredi matin, Pascal Foucault, Régis Desrumaux et Luc Smessaert se sont adressés aux médias régionaux et aux quelque 200 manifestants, rassemblés à Crèvecœur-le-Grand, puis Marseille-en-Beauvaisis et Songeons avec une centaine de tracteurs et de bennes chargées de pneus ; ils ont fait, ainsi que Guillaume Chartier et Christophe Beeuwsaert lundi soir à Beauvais, le triste constat de la situation et exprimé le désespoir des paysans.

Il n’existe plus de protection et force est de constater des aberrations, comme le lait à la consommation vendu au même prix que l’eau, ou la viande vendue entre 3 et 4 € le kg vif. Des éleveurs se souviennent avoir connu des transactions à 34 F dans la fin des années quatre-vingt : les prix ont baissé de l’ordre de 30 % et les gouvernants continuent d’appliquer une politique de prix bas à la consommation, sur le dos des producteurs. Il faut ajouter le poids des normes et des charges, imposées au monde paysan qui peine lourdement pour percevoir des raisons de continuer à croire à l’avenir de leur métier, pourtant essentiel pour notre société et l’économie française.

Les agriculteurs, regroupés au sein des FDSEA et de leur organisation nationale, exigent du gouvernement des mesures structurelles rapides et efficaces et un juste partage des marges dans les filières. Car si le consommateur profite parfois d’une baisse des prix sur les produits alimentaires, la transparence reste totalement absente dans la formation des prix, tout semble fait pour cacher les marges que se partagent les transformateurs et les distributeurs, désormais très concentrés face aux producteurs qui restent atomisés.

Et les responsables agricoles se heurtent constamment aux positions des uns et des autres : celles des transformateurs qui reprochent à la grande distribution d’imposer ses prix, et celles des distributeurs qui disent être concurrents entre eux ; leur logique est une alignement inexorable sur les prix les plus bas - y compris de produits d’importation, sans garantie de qualité ni traçabilité - et les producteurs agricoles subissent la spirale à la baisse. Les paysans français ne peuvent admettre que l’État et l’Europe continuent d’assister sans réagir à ce désastre. Et ils entendent bien le rappeler, en espérant pouvoir éviter que ces manifestations ne dégénèrent dans la violence et dégradent l’image du monde agricole auprès du grand public qui doit rester un allié.

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