L’ONU alerte sur un «risque imminent» de crise mondiale autour de l’eau
Entre deux et trois milliards de personnes dans le monde connaissent aujourd’hui des pénuries d’eau. Faute de coopération internationale, ces pénuries vont s’aggraver au cours des décennies à venir avec, notamment, une concurrence entre les villes et le secteur agricole, prévient l’ONU.
«Une surconsommation et un surdéveloppement vampiriques, une exploitation non durable des ressources en eau, la pollution et le réchauffement climatique incontrôlé sont en train d’épuiser, goutte après goutte, cette source de vie de l’humanité», s’alarme le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans l’avant-propos d’un rapport mondial des Nations Unies. Publié le 22 mars, à l’occasion de la journée mondiale de l’eau, ce document alerte quant au «risque imminent» d’une crise mondiale de l’eau. L’utilisation des ressources en eau a augmenté de près de 1 % par an ces quarante dernières années. Une tendance qui devrait se poursuivre à un rythme similaire jusqu’en 2050, «sous l’effet conjugué de la croissance démographique, du développement socio-économique et de l’évolution des modes de consommation». Au cours de la même période, la demande en eau des villes devrait, quant à elle, augmenter de 80 %, précise Richard Connor, rédacteur en chef du rapport annuel préparé par le Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau de l’ONU, publié par l’Unesco.
Aggravation des pénuries d’eau
Par ailleurs, entre deux et trois milliards de personnes dans le monde connaissent aujourd’hui des pénuries d’eau pendant au moins un mois par an, «ce qui fait peser de graves risques sur leurs moyens de subsistance, à travers la sécurité alimentaire et l’accès à l’électricité notamment». Si la coopération internationale n’est pas renforcée dans ce domaine, elles «vont s’aggraver au cours des décennies à venir, en particulier dans les villes», préviennent l’Unesco et l’ONU-Eau. «La population urbaine mondiale confrontée au manque d’eau devrait doubler, passant de 930 millions en 2016 à 1,7 – 2,4 milliards de personnes en 2050», précise un communiqué de presse de l’Unesco du 22 mars. En cause, «les effets locaux du stress hydrique ainsi que l’aggravation et la propagation de la pollution des ressources en eau douce», souligne le rapport. Et d’insister sur le fait que «tous les pays du monde courent des risques liés à la qualité de l’eau». Concernant les pays industrialisés, le plus grave problème est celui «du ruissellement des eaux agricoles, qui provoque une contamination des eaux par des engrais, des pesticides et des herbicides».
Or, le secteur agricole est confronté à la croissance rapide des zones urbaines, s’alarme un rapport publié en 2021 par l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ainsi la concurrence pour l’eau douce entre les villes et le secteur agricole devrait encore s’intensifier en raison de l’urbanisation rapide. «L’approvisionnement en eau des centres urbains à partir des zones rurales est devenu une stratégie courante pour répondre aux besoins en eau douce des villes en expansion», précise le rapport de l’ONU. Cette nouvelle affectation de l’eau allouée aux usages agricoles a, dans la plupart des cas, permis de satisfaire la demande des villes en pleine expansion, selon les experts onusiens. Mais cette stratégie n’est pas «sans conséquences négatives pour l’agriculture et les zones rurales, puisqu’elle implique une diminution des ressources en eau disponibles pour l’irrigation, entraînant un risque pour la sécurité alimentaire et une baisse des revenus des agriculteurs». Aussi, le rapport insiste sur les efforts de collaboration que les milieux urbains doivent fournir à l’égard des zones agricoles, et ce, pour «éviter une compétition contre-productive».
Encourager la coopération entre États
Plus largement, la directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay, estime qu’il est «urgent d’établir de solides mécanismes internationaux pour éviter que la crise de l’eau ne devienne incontrôlable». C’est pourquoi les Nations Unies appellent la communauté internationale à renforcer la coopération en matière d’utilisation et de gestion de l’eau. Selon ces dernières, «la mise en place d’accords de coopération pour les rivières, lacs et aquifères transfrontaliers est un moyen important» de prévenir les «conflits». Au total, 153 pays partagent 286 cours d’eau et lacs, et utilisent 592 sys- tèmes d’aquifères transfrontaliers. Des ententes locales existent dans environ 58 % des cas, mais «seuls 24 des 153 pays partageant des eaux transfrontalières ont toutes leurs eaux couvertes par de tels accords de coopération». Espérant accélérer la tendance, près de 6 500 personnes – dont une centaine de ministres et une douzaine de chefs d’État et de gouvernements – devaient se réunir du 22 au 24 mars pour une conférence des Nations Unies sur l’eau. La première de cette ampleur depuis 1977.
L’ONU encourage la réutilisation des eaux
«Dans les régions confrontées à des pénuries d’eau, à la croissance démographique urbaine et une demande croissante en eau d’irrigation, l’utilisation d’eau recyclée à des fins agricoles constitue une option de plus en plus viable», souligne le rapport de l’ONU. Citant l’exemple du bassin du fleuve Llobregat en Espagne, il évoque même des «bénéfices économiques et environnementaux au niveau du bassin versant» tant pour le secteur agricole que les milieux urbains. La réutilisation des eaux recyclées à la communauté agricole de «réaliser des économies sur les coûts de pompage et de fertilisation». En effet, les eaux usées contiennent «des nutriments et matières organiques» qui limitent l’utilisation d’engrais, selon Richard Connor, co-auteur du rapport. La municipalité bénéficie, quant à elle, «de ressources en eau supplémentaires libérées par les agriculteurs». Afin d’encourager ces derniers à participer à de tels projets, les experts onusiens estiment qu’il est nécessaire de mettre en place «de mesures incitatives économiques appropriées».
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