L'Oise Agricole 15 août 2023 a 09h00 | Par Stéphane Lefever

L ogement démembré : quid des charges entre l'usufruitier et le nu-propriétaire ?

Lorsqu'un logement appartient à un usufruitier et à un nu-propriétaire, le revenu et la déductibilité des charges peuvent varier en fonction de situations bien précises.

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Dans un immeuble démembré, les charges d'entretien sont à la charge de l'usufruitier et les grosses réparations à la charge du nu-propriétaire sauf convention contraire.
Dans un immeuble démembré, les charges d'entretien sont à la charge de l'usufruitier et les grosses réparations à la charge du nu-propriétaire sauf convention contraire. - © dr

Régi par les articles 578 et suivants du Code civil, le démembre-ment consiste à diviser la pleine propriété d'un bien. L'usufruitier dispose du droit de jouissance : occupation du logement, perception des loyers s'il est loué et entretien. Et le droit de propriété est rattaché au nu-propriétaire qui dispose du congé pour vente et liées à la structure immobilière. Toutefois, l'usufruitier et le nu-propriétaire restent libres de prévoir des règles différentes. C'est l'usufruitier jouissant des seuls revenus, qui est imposable. Le nu-propriétaire ne peut, de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l'usufruitier.

Logement occupé par l'usufruitier

L'usufruitier se trouvant dans cette situation d'occupant ne doit rien déclarer et ses charges ne sont pas déductibles. Si ce logement constitue son habitation principale, il peut prétendre aux aides pour la transition énergétique, par exemple. Il est tenu d'entre-tenir le logement et doit acquitter les charges, comme l'entretien de la chaudière, la réfection des peintures, le ravalement, le paie-ment de la taxe foncière... Quand au nu-propriétaire, il ne peut pré-tendre à aucune déduction des frais d'entretien qu'il assume dans le logement.

Logement occupé par le nu-propriétaire

Il faut distinguer deux cas : si le nu-propriétaire règle un loyer, l'usufruitier doit le déclarer, sous réserve que l'administration fis-cale ne remette pas en cause la réalité du bail, c'est-à-dire que le loyer doit être en corrélation avec le marché. Si le loyer est trop en dessous du marché, les charges ne seront pas déductibles.

Si le nu-propriétaire occupe gratuitement les lieux, l'usufruitier, qui ne perçoit pas de loyer, ne peut pas déduire les charges qu'il supporte.

Logement loué

Sauf convention contraire, le nu-propriétaire n'a pas à donner son accord pour la conclusion d'un bail d'habitation et ne peut pas s'opposer à la location. L'usufruitier est libre de signer le contrat de bail avec le ou les locataires. En revanche, s'il doit conclure un bail pour un bien rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal, il doit le faire avec le consentement du ou des nus-propriétaires. Il peut déduire les charges de ses loyers, même pour de grosses réparations incombant légalement au nu-propriétaire, mais réglées par lui-même.

Tous les propriétaires doivent donner le congé pour vente, l'usufruitier ne peut pas délivrer seul au locataire un congé pour vendre le logement, puisqu'il s'agit de vendre un bien dont il n'est pas propriétaire.

Seul l'usufruitier peut donner congé pour reprise, étant donné que seul l'usufruitier a un droit légal de jouissance sur le bien démembré, il est le seul à pouvoir donner à son locataire un congé pour habiter lui-même ou au pro-fit de son conjoint, de son partenaire ou d'un descendant majeur dans le logement.

Quid des grosses réparations

Ce sont elles qui touchent à la structure et à la solidité de l'immeuble. Il s'agit par exemple des murs porteurs ou de la réfection complète de la toiture. La loi pré-voit que, sauf si elles ont été rendues nécessaires par un défaut d'entretien de l'usufruitier, les grosses réparations incombent au nu-propriétaire. Mais cette obligation est purement théorique : le nu-propriétaire n'est jamais obligé de faire effectuer les travaux et l'usufruitier n'a aucun moyen de l'y contraindre.

Ces règles légales ne sont pas impératives. Il est possible de les écarter dans l'acte qui a créé le démembrement (donation ou vente de la nue-propriété, notamment) pour prévoir que le nu-propriétaire devra effectuer tout ou partie des travaux qui s'avéraient nécessaires. Par exemple, la do-nation avec réserve d'usufruit de l'immeuble stipulera que «le nu-propriétaire devra faire à l'immeuble donné les grosses réparations qui deviendront nécessaires pendant la durée de l'usufruit». Du fait de l'absence d'obligation à la charge du nu-propriétaire, c'est souvent l'usufruitier qui prend à sa charge les grosses réparations, soit de sa propre initiative, soit parce qu'il a loué le logement et qu'il y est tenu vis-à-vis de son locataire. À l'expiration de l'usufruit, l'usufruitier peut être tenté de de-mander un dédommagement au nu-propriétaire s'il a réalisé des travaux d'amélioration dans le bien. Selon l'article 599 du Code civil alinéa 2 : la règle veut qu'à la cessation de l'usufruit, l'usufruitier ne puisse réclamer aucune indemnité au nu-propriétaire pour les améliorations qu'il aurait faites, même si elles ont augmenté la valeur du bien. Les règles de l'indivision ne s'appliquent pas. En revanche, si l'usufruitier a effectué des travaux incombant au nu-propriétaire et si celui-ci refuse d'en assumer la charge, il a le droit à l'issue de l'usufruit de réclamer la plus-value de l'immeuble qui en résulte. C'est ce qu'on appelle une créance contre le nu-propriétaire, qui viendra en indemnisation au moment de la succession probablement.

Le nu-propriétaire règle les charges

Comme l'indique l'article 605 du Code civil «l'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit, auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu». Les grosses réparations relèvent de l'article 606 du Code civil qui définit les travaux suivants : «les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien».

D'un autre côté, les juges sont quelquefois plus larges dans leur approche. Ils considèrent ainsi que les grosses réparations sont celles concernant les travaux de l'immeuble dans sa structure générale. Quant aux réparations d'entretien, ce sont celles qui permettent de maintenir l'immeuble en bon état.

Le nu-propriétaire ne peut pas déduire de ses revenus fonciers ou de son revenu brut global les charges foncières afférentes à l'immeuble concerné. Il pour-ra simplement déduire de ses revenus fonciers, les dépenses d'entretien et les grosses réparations effectuées sur l'immeuble démembré uniquement si le bien est loué.

Pour les dépenses d'entretien, en principe, dues par l'usufruitier et les intérêts d'emprunt réglés par le nu-propriétaire, elles ne sont déductibles que si le nu-propriétaire possède d'autres locations. Sinon, aucune déduction n'est possible. Quand il s'agit d'achat de parts de nue-propriété dans une société civile immobilière (SCI), les intérêts ne sont pas déductibles.

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