L'Oise Agricole 15 avril 2023 a 11h00 | Par Christophe Soulard

L'oeuf français en quête de relance

L'oeuf français qui reste toujours un opérateur important sur le marché européen est tributaire de l'évolution des conditions sanitaires. Entre grippe aviaire, concurrence internationale et bien-être animal, il essaie de maintenir ses capacités et conserver son rang.

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Comme l'a résumé Yves-MarieBeaudet, président du Comité national de promotion de l'oeuf (CNPO), «côté cuisine, l'oeuf a la côte, mais côté poulailler, il est sous pression». De fait, en ce début d'année 2023, les Français se sont rués vers les oeufs. Sur les deux premiers mois de l'année (en comparaison des deux premiers mois de 2022), les achats d'oeufs ont progressé de + 5,9 %, a indiqué Maxime Chaumet, secrétaire général du CNPO.

Il explique ce phénomène par la baisse du pouvoir d'achat de nos compatriotes qui trouvent dans cette protéine animale de quoi se nourrir bien et à peu cher. «C'est le produit anti-crise par excellence pour deux Français sur trois», rapporte le CNPO qui s'appuie sur une étude de 2022. Ce même sondage indique aussi que l'oeuf coquille est un produit plébiscité, avec «un taux de ménages acheteurs de 96,5 % en 2022». Aujourd'hui, les oeufs alternatifs, c'est-à-dire non issus de cages, représente plus des ¾ des oeufs achetés, et même 78,5 % sur les mois de janvier et février 2023.

Augmentation des importations

Cependant, le marché souffre de l'épizootie de grippe aviaire qui a bouleversé non seulement le marché français et européen mais également le marché mondial. En France, l'influenza aviaire a touché plusieurs millions de volailles dont 1,2 millions entre août et décembre 2022. Les États-Unis ont été les plus touchés avec 45 millions de volailles abattues. «Ce sont 60 millions de volailles qui ont été touchées par cette grippe», a indiqué Loïc Coulombel, vice-président du CNPO. Au plan mondial, la production baisse de 0,8 % par rapport à 2021.

Mais en France, la chute est plus rude avec un recul de 9,5 % du cheptel et de 8 % de la production (*). Le nombre d'oeufs produits dans l'Hexagone est passé sous la traditionnelle barre des 15 milliards pour se stabiliser à 14,4 milliards. Cependant, la France conserve sa première place au plan européen à égalité avec l'Allemagne et l'Espagne, et l'Europe trône avec 8 % du marché mondial, en deuxième position devant l'Inde (7,3 %) mais très loin derrière la Chine (32 %). La grippe aviaire pèse, quant à elle, sur la balance commerciale des oeufs. Après avoir été positive en 2021 : + 10 000 t et un solde de + 17 millions (MEUR), elle est devenue négative : - 43 000 t et - 79 MEUR. «Les importations ont augmenté en 2022 de 29 % en volume et de 108 % en valeur», a précisé Loïc Coulombel. Mais elles n'ont été que très partiellement compensées par les exportations qui gagnent certes + 28 % en valeur, à la faveur des hausses de prix, mais qui perdent 12 % en volume.

Étendre l'ovosexage

Les producteurs ont également souligné combien les charges de production ont augmenté au cours de l'année passée. Selon l'indice de l'Institut technique de l'aviculture (Itavi), le coût des matières premières pour nourrir les poules pondeuses s'est envolé de +32,2 en 2022 par rapport à 2021, après une hausse déjà importante cette année-là : + 25 % par rapport à 2020. Au surcoût de l'alimentation animale, se greffe toutes les autres charges liées à l'énergie, au transport, à l'emballage, à la main d'oeuvre. Au total, selon l'Itavi, la facture grimpe à + 33 % sur deux ans.

Par voie de conséquence, le prix de l'oeuf est devenu un peu plus cher pour le consommateur qui contribue également à «assumer ses choix de citoyens», a dit Loïc Coulombel. En effet, les enseignes de la distribution qui adhèrent toutes au CNPO paient une cotisation volontaire obligatoire (CVO) pour la mise en place de l'ovosexage dans les couvoirs. C'est en effet à la demande des consommateurs et des associations environnementales que la France et l'Allemagne ne broient plus les poussins mâles depuis le 1er janvier 2023**. Les couvoirs ont donc été contraints de s'attacher les services de machines très coûteuses (plusieurs millions d'euros), en partie financés par l'État (45 mEUR) et par la CVO qui a permis de récolter à ce jour 5 MEUR. «Il faut étendre l'ovosexage à toute l'Europe. Ce serait un minimum», a plaidé Yves-Marie Beaudet par ailleurs inquiet de la mise en place de la directive émissions industrielles qui toucherait les exploitations de 20 000 à 40 000 volailles.

 

(*) Depuis novembre 2021, ce sont 15 millions de poules pondeuses et de poulettes qui fait l'objet de «dépeuplement» selon la formule du ministère de l'Agriculture.

(**) À de très rares exceptions, expressément prévues par la loi. À ce jour, ce sont les deux seuls pays au monde à avoir mis en place un tel système.

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