L'Oise Agricole 05 novembre 2023 a 09h00 | Par Pierre Poulain

L'apprenti qui venait du nord

À 18 ans, Thomas est apprenti agricole en première année de BTSA Agronomie cultures durables à la Maison familiale rurale des Hauts-Pays de Campagne-lès-Boulonnais (62). Il vient de débuter son apprentissage chez son patron, Hervé Ancellin, agriculteur à Bienville, près de Compiègne.

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Pour autant qu'il s'en souvienne, Thomas a toujours voulu devenir agriculteur. «Depuis le départ, mon projet est de m'installer, de faire de l'élevage et de la grande culture.» Une passion qu'il tient de son enfance, passée au sein d'une famille d'agriculteurs dans le Pas-de-Calais, entre Boulogne et Saint-Omer. «Ce qui me motive, c'est de travailler en plein air, de ne pas rester enfermé au même endroit. J'aime faire différentes choses tout au long de l'année. Même d'une année sur l'autre, on ne va pas faire exactement la même chose selon les conditions météo ou le matériel auquel il faut s'adapter», explique Thomas, un brin timide, mais résolument déterminé.
À 18 ans, il suit maintenant un BTSA Agronomie et cultures durables à la Maison familiale rurale des Hauts-Pays de Campagne-lès-Boulonnais (62) et vient de débuter son apprentissage chez Hervé Ancellin, exploitant à Bienville, dans l'Est de l'Oise, près de Compiègne. «Je prends régulièrement des apprentis avec moi. Mon salarié, aujourd'hui en CDI, était apprenti ici. D'habitude, on m'en fait la demande, mais cette fois-ci, c'est moi qui ai fait la démarche à la suite du départ en retraite d'un salarié.»

«On fait du boulot et on apprend»
Thomas partage donc son temps entre l'école, pour la théorie, et les terres de son patron, où il travaille les céréales, la betteraves, les cultures légumières (pois de conserve, haricots verts, pommes de terre de consommation) et le lin textile. «J'ai le sentiment d'en apprendre plus sur le terrain qu'à l'école. On pratique, on fait du boulot, et on apprend de ses erreurs» Comme pour le matériel agricole, qu'il faut savoir régler selon les conditions météorologiques ou ajuster selon le terrain. «Par exemple, on a essayé plusieurs outils pour déchaumer. Thomas s'est rendu compte par lui-même qu'il y en avait un qui était plus adapté. Ce n'était pas forcément celui auquel on pensait d'ailleurs», précise Hervé Ancellin

Partager et s'interroger
Le bienvillois ne voit pas dans un apprenti uniquement la possibilité de se soulager en terme de travail opérationnel sur l'exploitation. «Je fais découvrir le métier à un jeune, je transmets un peu de savoir-faire. Parce que j'arrive plutôt vers la fin (rires).» L'occassion aussi de s'interroger sur ses propres pratiques : «Je suis améné à exprimer mes choix donc ça me pousse à faire un effort d'explication. Quand on a fait une opération de décompactage, j'ai expliqué l'intérêt des grosses machines pour les légumes, qu'il faut retravailler et profiler pour que la culture qui suit soit bonne. C'est intéressant parce que ça me remet en question.»
«Moi j'aime bien quand on m'explique le pourquoi de ce qu'on fait. C'est comme ça qu'on apprend.», enchaîne l'apprenti, qui ne veut pas se dire qu'il a fait seulement parce qu'on lui a dit de le faire. «Ce n'est pas l'objectif de l'apprentissage.»
«Ça me dérange d'autant moins de prendre du temps pour expliquer parce que je vois qu'il y a un intérêt, on sent qu'il y a une écoute, reprend le patron. Prendre un apprenti, c'est aussi apprendre à manager», ajoute-il, regrettant le manque de formation en la matière. «Il faut se mettre à la place de l'autre et réfléchir à la manière dont un message peut être compris quand on est pris dans ses habitudes.»
Les tours de plaine sont aussi l'occasion de se former : «C'est idéal pour échanger avec des techniciens, différents agriculteurs et responsables d'exploitation sur les techniques et l'actualité des grandes cultures.» Ainsi, parce que le climat était encore doux, voire chaud au début de septembre, l'agriculteur n'a pas voulu semer avant début octobre, appréhendant une infestation de pucerons. «S'il s'était mis à pleuvoir au moment où je voulais commencer à semer, je l'aurais regretté. Ces réunions permettent à Thomas de voir, par rapport à un choix, ce qui peut être négatif ou positif au niveau d'une région agricole.»

«Que les agriculteurs ouvrent leurs portes»
La voie de l'apprentissage serait-elle LA piste pour attirer davantage de monde vers les métiers de l'agriculture ? «Un salarié agricole aujourd'hui, c'est une personne polyvalente et autonome, qui sait souder, utiliser l'électronique embarquée, qui s'y connaît en électricité, qui a des compétences agronomiques.»
Un profil qui peut s'avérer difficile à trouver. Mais celui qui est aussi président de la Chambre d'agriculture de l'Oise reste confiant : «Les gens cherchent à ce que leur travail ait du sens. Or, l'agriculture, c'est travailler avec la nature, avec l'environnement. C'est un acte de production, c'est nourrir les gens et faire du mieux que l'on peut pour respecter des normes de qualité.» D'autant que de nouveaux challenges se posent à l'agriculture entre la réduction des phytos, la séquestration du carbone, la gestion de l'eau ou encore la production d'énergies. «Il y a plein de champs qui s'ouvrent ,donc de la place pour beaucoup de personnes».
Et si le coeur du métier reste difficile et que les réglementations parfois contradictoires n'ont de cesse de le complexifier, «cela ne doit pas empêcher les agriculteurs d'ouvrir les portes de leur exploitation et de former des jeunes.»

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