L'agriculture peine à recruter
Le mardi 14 mars a eu lieu la session de la Chambre d'agriculture de l'Oise. De nombreux thèmes ont été abordés lors de ce rendez-vous, notamment l'emploi en agriculture qui connaît de réelles difficultés.

C'est l'une des problématiques majeures de l'agriculture, le renouvellement des générations. En effet, en France, on constate plus de départs que d'arrivées. Les inquiétudes se font entendre durant la session : «comment peut-on faire partager au mieux notre métier pendant les horaires classiques de stage, pour un éleveur, c'est impossible !» explique un agriculteur. «Nous devons travailler sur la fidélisation, la main-d'oeuvre est tout aussi importante que le matériel agricole», ajoute un autre ; «on assiste à l'arrivée de nouveaux profils qui ne sont pas agriculteurs pure souche, avec des envies et des contraintes différentes, nous devons les accompagner au mieux, mais aussi nous adapter», annonce un autre élu.
Pour éclaircir la situation en termes d'emploi, Carole Cuvillier, responsable du service paie et main-d'oeuvre à la FDSEA de l'Oise, a dressé le bilan dans les Hauts-de-France. Ainsi, la région est en première position en nombre d'établissements employeurs (activités cultures et non spécialisées). Cela représente près de 9.500 établissements dont 1.200 dans l'Oise. Les Hauts-de-France se retrouvent en seconde position pour la croissance du nombre de salariés de moins de 30 ans sur les 5 dernières années. «L'Oise se positionne en tête avec près de 50 % de salariés de moins de 30 ans, avec un ratio de 30 % de CDD et 20 % de CDI», explique-t-elle.
La région est en troisième position concernant le nombre de salariés pour l'activité élevage-culture et élevage non spécialisé. «Le nombre de salariés employés est d'environ 47.500 sur les Hauts-de-France», précise Carole Cuvillier. Les Hauts-de-France est la première région agricole de l'Hexagone avec 68 % du territoire occupé par des terres agricoles. «On a 524.000 hectares de forêts. On compte 23.500 exploitations agricoles et on estime avoir à peu près 41.000 exploitants pour 13.000 salariés. 44 % des salariés hommes et femmes ont moins de 30 ans», poursuit-elle.
Si on zoome sur l'Oise, cela représente 4.800 actifs agricoles, 90 % concerne de la main-d'oeuvre permanente et 10 % de non-permanente (saisonniers, occasionnels...). Malgré cela, de nombreux emplois restent à pourvoir. D'après le site de l'Agriculture recrute, 61 offres d'emploi ont été recensées dans l'Oise en 2022 et 93 postes sont à pourvoir.
Mais alors, pourquoi l'agriculture peine-t-elle autant à recruter ? D'après une enquête de 2019, 100 % des employeurs rencontrent des difficultés de recrutement, 80 % indiquent la principale difficulté est la pénurie de candidats, près de 50 % sont liés à des abandons de poste, 45 % liés à la pénibilité sur les postes et 44 % dus à des problèmes à la qualification.
«80 % estiment au final que ces difficultés ont un impact sur leur activité et près de 15 % estiment que c'est un impact très important, notamment en termes de projet», souligne Carole Cuvillier. Les raisons de ce déficit de recrutement sont nombreuses : manque de motivation, images du métier, vie en milieu rural, souci de concilier vie professionnelle et familiale, conditions de travail éprouvantes et rémunération peu proportionnelle au travail fourni. «Il y a tout de même des solutions. Nous devons valoriser les métiers agricoles, assouplir le Code du travail, notamment pour l'alternance, et plus généralement sur l'aménagement du temps de travail, accompagner les entreprises en matière de gestion des ressources humaines car les nouvelles générations ont plus d'attentes, et surtout il faut travailler sur la formation professionnelle.»
Ainsi, Vincent Coutourides, directeur de l'agence Pôle emploi de Saint-Maximin, a enchaîné sur l'accompagnement de ce service auprès des agriculteurs. Il met en avant les moyens pour attirer les salariés «Il faut travailler sur plusieurs points, bien évidemment pour démystifier le métier d'agriculteur pour les nouvelles générations. Du coup, vous devez développer l'attractivité du secteur et la connaissance de votre métier. Vous devez également améliorer les compétences techniques des personnes travaillant dans le secteur agricole. Communiquez sur les nouvelles compétences attendues et sur l'évolution de vos secteurs comme la vente de proximité, l'agritourisme, la numérisation... Vous devez également former les personnes souhaitant s'orienter vers l'agriculture et les préparer à l'évolution des nouvelles technologies. De plus, vous devez promouvoir les nouvelles formes d'emploi comme le groupement d'employeurs ou le GEIG.»
Surtout que les demandeurs d'emplois ne manquent pas : 55.000 personnes de tout profil dans l'Oise. Ainsi, Vincent Coutourides met en avant un procédé de recrutement à Pôle Emploi nommé l'immersion professionnelle. «Cela permet de découvrir un métier et un environnement de travail tout en vérifiant les compétences et les aptitudes auprès du professionnel en activité. Le bénéficiaire conserve son statut initial et est couvert par un prescripteur (Pôle emploi, Cap emploi...). Tout cela sur une période courte et non rémunérée.»
De plus, la Chambre d'agriculture travaille sur un plan d'actions en quatre axes pour les deux années à venir et l'un d'eux concerne le renouvellement des générations. «Nous devons renforcer le suivi et l'accompagnement des jeunes. Nous avons donc pensé à organiser une action jeunes qui consiste à prévoir deux rendez-vous dinatoires pour les nouveaux installés afin de faire le focus sur les démarches essentielles et mettre en avant les services de la Chambre. Une autre action sera également sur les rails. Appelée transmission, elle consiste à organiser un café de la transmission par secteur géographique et par an afin d'aborder l'anticipation de la transmission, de faciliter la mise en relation cédant-repreneur et orienter les cédants vers notre conseillère Anne Vermeersch», annonce Hervé Ancellin, président de la Chambre d'agriculture de l'Oise.
La préfète de l'Oise, Catherine Seguin, souligne la présence de réunions pour l'emploi. «Il ne faut pas lâcher prise, j'incite réellement les agriculteurs à venir au service public de l'emploi départemental (SPED). C'est un super moyen d'échanger et de trouver des solutions.» D.A.
Le double défi de l'agriculture
Lors de cette session, l'autre sujet abordé traitait de l'eau. Cet or bleu, vital pour les agriculteurs, est soumis à de nombreuses restrictions en France. «Nous sommes aujourd'hui face à des situations que nous n'avions pas forcément il y a 10, 20 ou 30 ans. Le réchauffement climatique se fait progressivement ressentir avec une augmentation des températures. Depuis le début de l'année, on a connu un très fort déficit pluviométrique, 30 jours sans pluie en moyenne sur le département. L'eau devient problématique et de nombreux agriculteurs se tournent vers d'autres cultures comme la viticulture. Dans le PTGE, nous allons évoquer la piste de la restriction d'eau, mais nous ne nous concentrons pas exclusivement sur ce volet-là. On doit continuer de rechercher les moyens de l'économie, de la sobriété et de l'optimisation. Ensemble, nous devons travailler pour trouver un faisceau de solutions à notre portée», exprime Catherine Seguin, préfète de l'Oise. De plus, elle souhaite réviser l'arrêter sécheresse en y appliquant une dimension d'effort. «On va demander des efforts aux consommateurs d'eau potable. Tout le monde doit faire le nécessaire pour réduire sa consommation.»
Mais il existe un double défi résumant la liste invraisemblable d'enjeux liés à l'agriculture : la souveraineté alimentaire et la planification écologique. «Vous devez vivre de votre travail tout en combinant ces deux défis. De plus, je vous encourage fortement à vous intéresser à l'assurance récolte. La loi de mars 2022 revoit l'organisation des indemnisations post-catastrophe et elle est en vigueur depuis le 1er janvier 2023», conclut la préfète.
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