JA60: «Montrer que nos pratiques sont bonnes»
Jeunes Agriculteurs de l’Oise a tenu son assemblée générale annuelle jeudi dernier 16 février dans les locaux d’UniLaSalle Beauvais.

Cette assemblée générale s’est tenue dans un contexte particulier, à la fois à cause des graves difficultés que rencontrent les agriculteurs, qu’ils soient éleveurs ou producteurs en grandes cultures, et parce que les Jeunes Agriculteurs de l’Oise se préparent à accueillir à Margny-lèsCompiègne un évènement national, Terres de Jim, en septembre prochain.
Cet évènement a été de nouveau présenté par le président de son comité d’organisation, Hervé Davesne, et par Frédéric Bisseux, président de JA60, qui estime que «c’est une vraie chance pour notre département. Une belle occasion pour montrer que nos pratiques sont bonnes, pour le consommateur et pour l’environnement» ajoutait-il en rappelant l’objectif des 100.000 visiteurs au cours de ce week-end.
Opération de communication donc pour le grand public, organisée avec de nombreux partenaires institutionnels ou industriels, dont le Conseil départemental de l’Oise et de grands groupes comme Total ou Claas.
Le cheval de bataille des JA, c’est l’installation, sujet pour lequel Frédéric Bisseux rappelait les aides obtenues, insuffisantes cependant pour motiver les candidats pour le métier : ils n’ont été que 18 à passer le cap de l’installation au cours de l’année passée, dont cinq seulement en production laitière. Cela est la conséquence directe du manque de visibilité économique et de l’absence de revenu. «Les agriculteurs n’acceptent pas de travailler sans rémunération» martelait le président de JA60, rappelant la position de la profession sur l’obligation de resemis de prairies permanentes. Il faudrait «a minima un plan de relance de l’élevage», ajoutait Frédéric Bisseux.
Un autre point défendu par les JA est celui de la préservation du foncier agricole : oui au développement économique des territoires, à la condition de n’empiéter sur les terres agricoles qu’après avoir épuisé toutes les possibilités de réutilisation de friches industrielles ou commerciales et de densification des constructions et des parkings.
«Inventer une autre fiscalité»
Les Jeunes Agriculteurs regrettent, comme leurs aînés, que le revenu agricole, quand il y en a, soit systématiquement confisqué par l’impôt ou les cotisations sociales obligatoires. «Une future fiscalité agricole est à inventer» disait Aurélien Clavel, vice-président de JA au niveau national.
Ce sujet faisait d’ailleurs l’objet d’un débat lors de cette assemblée générale, au cours de laquelle Brigitte Henry-Maigniel et Marie-Ange Lestuvée, d’AS60-AGC, ont exposé les possibilités d’optimisation fiscale et sociale.
L’objectif était de démontrer que, en année normale - celle qui permet de dégager un revenu - il n’est pas nécessaire de chercher systématiquement à investir, en achetant du matériel en particulier, pour se créer des charges déductibles qui viendront réduire la pression fiscale ou l’appel des cotisations sociales. Les centres de gestion observent une augmentation très forte des charges de structure (+ 100 €/ha en 10 ans), ainsi que des charges opérationnelles (+ 180 €/ha sur la même période).
Ce niveau de charges est devenu incompatible avec un revenu agricole qui baisse depuis 2012, en élevage surtout, mais aussi en grandes cultures : depuis 2014, l’EBE ne permet plus de rembourser le montant moyen des annuités des exploitations agricoles dans l’Oise. La forte volatilité des prix, en céréales surtout, génère des revenus très variables. «Il n’y a pas que l’investissement qui permet de lisser le revenu», disait Brigitte Henry. Même si des mesures comme le sur-amortissement Macron ont pu aider dans certaines situations, bien que celui-ci n’ait aucune incidence sur les cotisations sociales ; et la reprise du matériel ancien dégage une plus-value, généralement taxable. La charge d’amortissement génère une économie sur les charges fiscales et sociales, qui n’atteint jamais le niveau de remboursement.
La base annuelle d’imposition ou d’appel des cotisations sociales peut, quand elle est comptablement élevée, être partiellement diminuée par des charges déductibles, qui seront réintégrées les mauvaises années: ces outils peuvent être la DPI ou la DPA (plafonnée à 27.000 € par an), le plan épargne retraite ou, s’il y a au moins un salarié, le plan épargne entreprise. Le calcul de la base imposable doit être raisonné en fonction du taux d’imposition, qui est celui du foyer fiscal intégrant donc souvent d’autres revenus. Il y a aussi l’à-valoir, insuffisamment utilisé, qui permet d’anticiper la charge de MSA sur une bonne année.
Les agriculteurs raisonnent généralement pour une imposition en régime agricole (BA), soumis à l’impôt sur le revenu. Mais les exploitations sont de plus en plus souvent sous une forme sociétaire civile qui peut être soumise à un régime différent, celui de l’impôt sur les sociétés. Le niveau d’imposition peut être plus faible (15 % jusque 38.120 €), mais s’il y a distribution de dividendes, ceux-ci sont imposés pour leurs bénéficiaires à l’impôt sur le revenu.
Il peut donc y avoir une économie possible, l’avantage étant limité par le fait que sans distribution du résultat, celui-ci n’est pas disponible pour l’exploitant pour ses besoins personnels ; et les mesures d’étalement ou d’exonérations liées au BA ou au BIC ne sont pas applicables pour l’IS, dont l’option est irrévocable.
Un montage juridique permet le mariage IR/IS, par la création d’une société holding, soumise à l’IS, et de sociétés filles, soumises à l’IR : en fonction des niveaux de transferts des revenus des filiales vers la société mère, des économies de charges, fiscales surtout, sont possibles, avec des limites fixées par la réglementation ou la jurisprudence ; mais le coût administratif de gestion de ces différentes structures juridiques devient plus élevé. Cela vaut surtout pour les plus grandes structures.
C’est justement ce dont ne veulent pas les Jeunes Agriculteurs qui veulent maintenir des exploitations à taille humaine et travaillent sur «un vrai fonds de réserve» disait Aurélien Clavel.
Guillaume Chartier, président de la FDSEA, rappelait par ailleurs que ces montages ou calculs ne doivent pas faire oublier les règles simples de gestion de toute entreprise, la première étant l’étude prévisionnelle de trésorerie. Sans oublier les outils permettant une défiscalisation (même si elle n’est que partielle ou différée) sur l’épargne de précaution, surtout pour ces années difficiles.
«Le dialogue va se poursuivre»
Au cours de cette assemblée générale, Martine Borgoo, conseillère départementale en charge de l’agriculture, a rappelé le soutien exceptionnel du Conseil départemental pour l’agriculture de l’Oise en 2016, avec une enveloppe totale de 300.000 €, en plus du maintien des soutiens aux organisations agricoles, malgré les difficultés budgétaires. Elle rappelait aussi l’effort de promotion et de développement de l’approvisionnement de proximité dans les collectivités, en particulier les collèges qui représentent 4 millions de repas par an, dont les menus incluent de plus en plus des produits locaux, en circuit direct.
Elle confirmait aussi le partenariat du Conseil départemental pour Terres de Jim 2017, par une aide directe qui doit être votée très prochainement. Il est aussi prévu la mise à disposition des moyens de communication du département et de prêt de matériels.
Cette assemblée générale a été conclue par le préfet de l’Oise, Didier Martin, satisfait des «rapports directs et francs» avec les responsables professionnels agricoles. Les situations difficiles peuvent être étudiées par les services de la DDT, disait-il en rappelant les dossiers déjà suivis dans le cadre de la cellule d’urgence et du plan de financement et de reconsolidation des exploitations agricoles.
L’effort de l’État est important en faveur de l’agriculture, y compris pour l’installation (la DJA en particulier) dont la nouvelle procédure est co-gérée par les services de l’État (DDT) et le Conseil régional. Cet effort sera également important pour sécuriser Terres de Jim, manifestation qui reçoit un total soutien du préfet : «nous serons à vos côtés pour que cet évènement soit une fête».
Didier Martin a par ailleurs évoqué le dossier des prairies, en rappelant qu’il est la conséquence du renouvellement de la Pac accepté par les États membres de l’UE. Le taux régional a été réduit par l’effet des conversions en agriculture biologique, mais il reste supérieur aux 5 % en-dessous desquels il faudrait revenir. Cela va certes poser problème - objet d’une manifestation prévue le lendemain devant le préfecture. «Le dialogue va se poursuivre dans les prochaines semaines», a-t-il conclu.
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