L'Oise Agricole 09 février 2023 a 09h00 | Par D.A.

«Il n’existe pas une seule solution uniforme, mais bien une multitude de solutions»

Le jeudi 2 février, la coopérative Agora a rempli la plus grande salle de cinéma de Beauvais pour la 13e édition de son Agroforum. Changement climatique, nouvelles variétés… la coopérative travaille déjà sur les solutions de demain.

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Serge Zaka projette des estimations sur la sécheresse jusqu’en 2100.
Serge Zaka projette des estimations sur la sécheresse jusqu’en 2100. - © D.A.

Plus de 300 adhérents, collaborateurs et partenaires d’Agora se sont confortablement installés dans la plus grande salle obscure du CGR de Beauvais. Pour cette 13e édition de l’Agroforum, des experts, scientifiques et agriculteurs ont proposé leurs regards sur l’adaptation des pratiques agricoles face aux défis climatiques.

Cet événement, pensé par les agriculteurs pour les agriculteurs, va plus loin qu’une réunion technique. «Il est, depuis 13 ans, une mise en lumière des réflexions du moment, et à venir, dans nos exploitations et une façon d’aborder des problématiques sous plusieurs angles. Ce format apporte une prise de hauteur et des pistes de réflexion sur les grandes évolutions dans nos pratiques agricoles pour engager l’innovation», informe Emmanuel Letesse, responsable du pôle agroécologie Agora. Pour le président de la coopérative, Thierry Dupont, «il faut s’adapter et ne pas perdre de temps.» Ainsi, il reconnaît la difficulté de se lancer seul dans une réflexion globale afin d’activer les leviers. «Pour cela, il y a des piliers tels que : la formation, le collectif et l’innovation. C’est toute l’ambition de l’Agroforum, de donner à la coopérative la possibilité d’interpeller et de susciter l’intérêt de nos adhérents afin de maintenir la production agricole en diminuant les risques, en trouvant des solutions et en répondant aux attentes économiques, sociétales et environnementales pour être résilient sur le long terme.»

Climat, meilleur ami ou ennemi

«Avant, nous ne parlions que de 1976. Aujourd’hui, nous avons plusieurs exemples : 2003, 2007, 2012, 2016, 2018, 2019, 2021, 2022. Nous vivons l’impact du changement climatiques sur les cultures de printemps, les vergers, l’évolution de l’irrigation…», débute Florian Strube, agriculteur à Estrées-Saint-Denis et membre du comité de pilotage Agroforum. En effet, l’agriculture subit le dérèglement climatique par de multiples événements : gel tardif, périodes pluvieuses intenses, vague de chaleur à répétition ou encore manque de pluviométrie. «Si nous avons perdu nos repères, et qu’il devient difficile d’anticiper les événements, le changement n’est pas toujours négatif. Il apporte des opportunités : nouvelles cultures, qualité exceptionnelle, durée de saisons. Aujourd’hui, nous essayons de comprendre, de trouver des pistes, d’anticiper et de ne pas perdre nos moyens vis-à-vis de ces challenges.» poursuit l’agriculteur.

Après un partage de données et de projections climat pour la région Nord de France, Serge Zaka, agro-climatologue, déclare : «il n’y a pas de solution uniforme, mais bien une multitude de solutions pour s’adapter et atténuer les effets du climat.» Il poursuit l’état des lieux de l’année 2022. «Elle est un symptôme du changement climatique. C’est l’année la plus chaude enregistrée en France et la deuxième la plus sèche, avec 25 % de déficit de pluie. Mais cette année 2022 sera une année tout à fait classique d’ici 2050, 2055. De récentes études réalisées par des climatologues vont en ce sens. Ils ont montré que la moyenne des températures d’ici 2050 à 2055 sera équivalente à celle de 2022. Pour l’instant, 2022 est une exception, cela ne veut pas dire que 2023, 2024, 2025 seront plus chaudes. C’est en dents de scie qu’on constate le changement climatique, mais 2022 est bien une année qui en sera le symptôme.»

Mais comment doit évoluer l’agriculture d’ici 2050 ? Serge Zaka n’a pas la réponse miracle, mais des préconisations comme l’amélioration génétique (plus résistant à la sécheresse, aux canicules…), la plantation de nouvelles espèces (sorgho, pistache…), une meilleure organisation pour les travaux agricoles (technique de conservation des sols, date de semis plus appropriée…), une amélioration technique (retenue d’eau, perfectionnement des outils d’irrigation…).

D’ailleurs, en parlant d’évolution des variétés, Guillaume Roullet, directeur-adjoint d’Unisigma, a rappelé l’intérêt de la diversité du bouquet variétal, notamment par rapport à la précocité, afin d’être plus résilient face aux aléas climatiques. Le père de Fructidor et Tenor travaille sur de nombreux projets comme la stabilité du rendement sous contrainte azotée (essais en sous-fertilisation, valoriser les variétés à forte capacité de conversion à l’azote) et la précocification des variétés à la levée, à épiaison, à floraison et à maturité. «Nous travaillons également sur l’aptitude aux semis précoces pour les espèces de printemps, la capacité des plantes à être cultivées en association : vigueur germinative, démarrage rapide dans des conditions de lit de semences limitées. De plus, avec l’arrêt des insecticides, nous élaborons des variétés tolérantes aux insectes (JNO et cicadelles sur blé et orge, tolérance aux pucerons sur pois).»

Guillaume Roullet rappelle qu’«il faut sept à huit ans pour sortir une nouvelle variété… Durant toutes ses années, il peut se passer beaucoup de choses, avec de nouvelles problématiques.» Autre enjeu majeur pour l’agriculture, l’eau. Ainsi Marc Henry, enseignant-chercheur et professeur à l’université de Strasbourg, a interpellé la salle avec un changement de paradigme sur la mémoire de l’eau et la transmission d’information via l’eau comme alternative à l’utilisation de produits chimiques. On appelle cela l’eau morphogénique ou eau informée. Pour faire simple, l’eau est capable de véhiculer des informations. De là, l’eau pourrait venir à bout des adventices par exemple. D’ailleurs, une minorité d’agriculteurs utilisent de l’eau informée dans leurs cultures.

Alain Kleiber, référent nutrition végétale chez Aurea, quant à lui, a expliqué avec pédagogie que pour une croissance optimale de la plante, il ne faut pas raisonner les éléments fertilisants individuellement, mais bien dans leur ensemble, en respectant un équilibre.

 

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