L'Oise Agricole 16 janvier 2025 a 08h00 | Par Pierre Poualin et Dominique Lapeyre-Cavé

«Il manque entre 50 et 100.000 EUR par exploitation»

Mercredi 15 janvier matin, les agriculteurs de l'Oise avaient rendez-vous avec Éric Thirouin, président de l'Association générale des producteurs de blé.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
- © PP

Et ils sont venus nombreux dans les locaux de la coopérative Valfrance à Senlis pour entendre le président de l'AGPB faire le point sur la situation économique et géopolitique de la production de blé. Avec un bilan de récolte en blé tendre qui peine à atteindre les 25 millions de tonnes, comparés aux 35 millions de la collecte précédente, Éric Thirouin s'inquiète particulièrement de la chute des exportations, en baisse de 41 %. «La faute évidemment à la guerre russo-ukrainienne, mais surtout au blocage de la mer Noire. Les Ukrainiens se sont montrés très résilients et ont su retrouver les flux qu'ils connaissaient antérieurement, notamment en longeant les côtes sous la protection de l'Otan. Dans le même temps, poursuit-il, la production russe augmente à la faveur du réchauffement climatique en Sibérie.» Pis, le blé ukrainien, plus compétitif que le blé français - «ils peuvent être rentables à 120  EUR la tonne !» -, a profité d'un droit de passage sur le territoire européen, prévu initialement pour alimenter l'Afrique, afin d'inonder nos marchés intérieurs comme la Pologne. Une situation qui se perpétue malgré la réouverture de la mer Noire. «Qu'en sera-t-il si l'Ukraine vient à entrer dans l'Union européenne ? s'alarme Éric Thirouin. L'AGPB se bat pour qu'on retrouve la mécanique qui prévalait avant la guerre, à savoir un droit de douane à 95 EUR la tonne au-delà de 900.000 tonnes.»

Urgence liquidités
Face à une «récolte inédite depuis 40 ans» et des niveaux de prix très moyens et en baisse depuis deux ans, les charges sont quant à elles restées très élevées. «Le coût de production complet s'élève à 309  EUR/t. On se retrouve avec un effet ciseau dévastateur pour la deuxième année consécutive.» Selon le président de l'AGPB, «il manque entre 50 et 100.000 EUR par exploitation». L'urgence, pour la FNSEA et l'AGPB, est donc de ramener de la trésorie dans les fermes. «Nous nous sommes battus et nous avons obtenu des prêts à court terme à taux bonifiés (1,75 % et 1,5 % pour les JA, NDLR) et des prêts de restructuration garanti par l'État pouvant aller jusqu'à 12 ans.» Reste à attendre les prochains projets de loi de finances et projet de loi de finances de la sécurité sociale, dans lequels le syndicat majoritaire espère trouver 30 % d'exonération à la réintégration du DEP, une hausse l'exonération de TFNB (passage de 20 à 30 % pour les terrains agricoles) et dérogation pour une seule année de la moyenne triennale pour le calcul des impôts et des charges sociales.

Phytos : réévaluer la balance bénéfices/risques
Éric Thirouin se félicite d'avoir obtenus des instances européennes la ré-autorisation du glyphosate pour les dix prochaines années, l'abandon de la hausse de la RPD et l'affectation de  millions d'euros pour la recherche d'alternatives aux produits encore largement utilisés et en voie d'être retirés du marché (Flufenacet, néonicotinoïdes, NBT). «Le problème est que l'Anses ne voit que les risques liés à un produit et ne fait pas la balance avec les bénéfices. Or, c'est comme avec les médicaments, il y a des risques et des bénéfices et on n'imagine pas un unique antibiotique pour tous les Français.» Reconsidérer l'interdiction de certains produits est nécessaire selon l'élu afin de donner aux exploitations françaises les moyens de produire.
Une idée reprise par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UC) dans leur proposition de loi «libérer la production agricole des entraves normatives». Celle-ci propose notamment de donner la possibilité, sous condition, au ministre de l'Agriculture de suspendre une décision de l'Anses afin d'empêcher les distorsions de concurrence entre la France et ses voisins européens. «Le texte devrait être voté par le Sénat à la fin du mois de janvier mais il n'est, pour l'instant, pas inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale.»

- © DLC

«Il faudra du revenu pour installer en lait»

Ils étaient une petite trentaine de producteurs pour échanger avec le jeune responsable national qui pose d'emblée : «FNSEA, associations spécialisées et JA, c'est tous les jours toute l'année que nous travaillons à la défense des intérêts des agriculteurs, pas uniquement quelques mois avant des échéances électorales professionnelles.» Ceci étant rappelé, Yohann Barbe rappelle les progrès apportés par la loi Egalim pour la viande et le lait, même s'il reste encore beaucoup à faire, et les acquis syndicaux de 2024, dont la détaxation du GNR en pied de facture. Il insiste aussi sur la défiscalisation obtenue de 150 EUR/bovin. «Auparavant, l'évaluation des stocks générait un revenu en terme fiscal alors que vous n'aviez aucune trésorerie en face, c'est quand même une belle amélioration dont vos comptables vont devoir se saisir !» Il plaide pour que la même défiscalisation soit obtenue pour les stocks fourragers et rêve même que la mesure puisse être rétroactive sur l'exercice 2024.
«Il faut du revenu en production laitière pour que les jeunes s'installent, mais force est de constater que les prix de base payés par les transformateurs, coopératives ou industriels privés, sont variables, les primes sont également très différentes d'un transformateur à l'autre. Chacun se sert des données des autres pour tirer son épingle du jeu dans la guerre qu'ils se livrent», expose le responsable. Pourtant, le tableau de bord des indicateurs relevés par l'observatoire de la formation des prix et des marges montre que ces dernières années, les marges des transformateurs ont augmenté tout comme le prix payé aux producteurs. La loi Egalim a produit quelques effets, et «la défense collective, syndicalisme et organisations de producteurs face aux privés reste le moyen le plus efficace pour obtenir une meilleure rémunération», plaide Yohann Barbe. Selon lui, l'OP commerciale et même transversale, qui achète aux producteurs et revend à qui elle veut, reste le moyen le plus sûr de maîtriser les prix de vente et donc le revenu des producteurs. Il reste persuadé que le marché du lait en France est porteur et doit permettre à des jeunes de s'engager dans la production. «Mais il faudra trouver d'autres organisations du travail, et notamment obtenir des mesures fiscales incitatives pour faire appel à des agents de remplacement le week-end ou embaucher des salariés. Une vision très différente du métier.»

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,