L'Oise Agricole 27 mars 2025 a 07h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

«Il doit y avoir un changement de logiciel»

Tout juste élu nouveau président à la Chambre d'agriculture de l'Oise, Luc Smessaert répond à nos questions.

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Luc Smessaert et son fils Alexandre.
Luc Smessaert et son fils Alexandre. - © LS

Vous venez d’être élu président de la Chambre d’agriculture de l’Oise en remplacement d’Hervé Ancellin. Un mot sur cette décision prise rapidement ?
Luc Smessaert : Hervé a averti le 20 janvier quelques membres de la liste FDSEA-JA qu'il ne souhaitait pas conserver le poste de président en cas de victoire aux élections. Il a expliqué souhaiter se recentrer sur son exploitation et m'a sollicité pour prendre le relais. Avec accord des présidents FDSEA et JA, j'ai accepté et j'en profite pour remercier Hervé qui reste membre du bureau et continue ainsi son engagement au service de l'agriculture de l'Oise.

Vous êtes aussi très impliqué au niveau national de la FNSEA. Comment comptez-vous gérer un emploi du temps aussi chargé ?
LS: Je suis vice-président de la FNSEA jusqu'en mars 2026 et je fais partie du bureau depuis 15 belles années. Ce sera un véritable challenge de cumuler les deux fonctions, mais je compte m'impliquer de plus en plus au niveau de la Chambre d'agriculture de l'Oise et la Chambre régionale des Hauts-de-France.
Mon expérience au niveau national m'a permis d'avoir de nombreux relais et connaissances qui vont aussi aider dans l'Oise. Le syndicalisme, c'est une véritable école de formation. Et puis, la Chambre d'agriculture, c'est d'abord un travail d'équipe avec les membres du bureau et l'ensemble de la compagnie.

Quels sont les dossiers les plus urgents à régler ?
LS : Le premier grand rendez-vous est fixé au 11 avril prochain avec le préfet, les administrations départementales et régionales ainsi que la FDSEA et JA pour la mise en place du contrôle pédagogique. Nous voulons que les services publics changent de regard et soient plus dans l'accompagnement des agriculteurs que dans le contrôle. Il doit y avoir un changement de logiciel et les organisations professionnelles agricoles de l'Oise veulent que les agriculteurs s'en rendent compte, notamment en cas de contrôle. La Chambre d'agriculture a un rôle de coordination des OPA et auprès des administrations.
Ensuite, le PTGE (projet de territoire pour la gestion de l'eau) est en cours de discussion suite à une étude du Conseil départemental sur l'eau, que ce soit sur les aspects quantitatif ou qualitatif. Les besoins agricoles et donc l'irrigation doivent être pris en compte, c'est un sujet extrêmement important pour l'agriculture de demain.

Quels seront les grands axes de la politique de la Chambre d’agriculture de l’Oise ?
LS : Le premier axe est de rendre la Chambre d'agriculture proche des agriculteurs de l'Oise afin que ceux-ci se rendent compte du travail effectué. C'est une chance et une force d'avoir une Chambre d'agriculture qui travaille sur l'urbanisme, l'environnement, l'eau, qui soit en relation avec les collectivités locales et qui accompagne le développement agricole de façon concrète en proposant des solutions sur les exploitations.
Nos priorités sont d'abord l'installation et la transmission à un moment charnière où beaucoup de départs en retraite vont s'opérer. Nous devons maintenir la valeur ajoutée sur les exploitations et leur nombre. Ensuite, il nous faut trouver des solutions aux changements en cours. Par exemple, augmenter la résilience des fermes face au changement climatique, ou face aux retraits de produits phytosanitaires pour éviter que les producteurs ne se trouvent dans des impasses techniques en cas d'attaques de ravageurs ou de maladies.
De même, nous devons maintenir et même développer le système de polyculture-élevage qui permet plus d'autonomie grâce aux effluents organiques. Nous devons profiter des cours qui sont actuellement plus favorables en lait, viande, volaille ou même porc. La polyculture-élevage permet aussi à des jeunes de s'installer sur des surfaces moins conséquentes. Après une baisse du nombre d'exploitations en polyculture-élevage dans l'Oise, nous constatons une stabilisation mais, avec le changement de générations, la tentation d'abandon de l'élevage est grande si les conditions ne permettent pas de dégager du temps libre, ne proposent pas des outils modernes et le recours à la main-d'œuvre salariée. La Chambre d'agriculture doit participer à la modernisation de l'élevage pour le maintenir. Car les jeunes d'aujourd'hui aspirent à la même qualité de vie que leurs amis, c'est tout à fait légitime. Pour cela, il faut dégager du revenu et du temps libre.
Enfin, le développement agricole de l'Oise se fait surtout grâce à l'action des groupes de développement. Nous comptons 700 agriculteurs dans les groupes. L'isolement des hommes est cassé, le travail se fait collectivement, les reflexions sont menées en synergie. Les agriculteurs apprennent à réduire leurs charges et à rechercher de la valeur ajoutée. Les groupes de développement doivent encore plus être un moyen de s'améliorer d'un point de vue technico-économique.

Quels sont les atouts de l’agriculture de l’Oise à mettre en avant ? les faiblesses à protéger ?
LS : Le premier point fort de ce département, c'est que les agriculteurs sont bien formés. Ensuite, nous sommes à proximité du vaste bassin de consommation que représente la région parisienne. D'un point de vue pédo-climatique, nous avons de bonnes terres et bénéficions de la présence de beaux outils de transformation : laiteries, abattoir, sucrerie...
L'inconvénient, c'est que par le passé, nous avons cherché à simplifier le travail avec des outils plus gros, moins de salariés, ce qui a conduit à une augmentation des surfaces des exploitations plutôt que la recherche de valeur ajoutée. Nous avons besoin de créer de la valeur et de belles opportunités se présentent, par exemple en pommes de terre (les besoins correspondent à 30.000 ha supplémentaires), en lin et en légumes industriels si l'irrigation est possible.
D'ailleurs, la plupart des jeunes s'installent dorénavant avec des projets innovants que la Chambre d'agriculture doit accompagner pour plus de visibilité, de durabilité et parfois au travers de réflexions collectives.
Nos faiblesses sont la simplification des systèmes, l'augmentation des surfaces, la perte possible des outils industriels, la pression foncière et l'acceptation de l'agriculture comme activité économique dans une ruralité où les problèmes de voisinage surgissent. Nous devons apprendre à vivre ensemble dans des campagnes attrayantes, avec de l'emploi et une belle qualité de vie, un environnement préservé.

Quid de la régionalisation ?
LS : Jusqu'à maintenant, on peut dire que cela a été un rendez-vous manqué, peut-être parce que chacun pensait qu'il n'a pas besoin des autres. Or, mutualiser est indispensable en Hauts-de-France d'autant plus que nous avons la chance d'avoir des organismes comme AgroTransfert ou Pivert, des pépites en recherche et innovation sur les biomatériaux, la production d'énergie, les molécules d'intérêt... au service du développement agricole. Il nous faut une Chambre régionale forte et plus de proximité avec les agriculteurs dans les départements, grâce aux antennes locales notamment. C'est ainsi que nous gagnerons en efficacité et en performance tout en gardant le lien.

Un nouvel organigramme des services de la Chambre d’agriculture a été présenté. À quelle volonté correspond cette nouvelle organisation ?
LS : L'idée est de sortir du travail vertical en silo pour aller vers plus de transversalité, pour une vision plus large ; grandes cultures-élevage, groupe-individuel... pour plus d'efficience. À budget constant, chaque euro doit être efficace pour attirer les meilleurs conseillers. La Chambre d'agriculture de l'Oise est la structure de demain qui permettra de redonner fierté, durabilité et revenu aux agriculteurs, vers plus de souveraineté alimentaire. D'ailleurs, les jeunes élus s'y investissent avec les anciens !

Bio express


- 55 ans, marié, 4 enfants, 2 petits-enfants
- exploitation de polyculture-élevage laitier à Roy-Boissy avec mon fils Alexandre qui a planté des vignes
- j'aime : 10e d'une fratrie de 12, j'aime la vie de famille, la convivialité autour d'un bon repas et de bon vins
- j'aime pas : l'hypocrisie, le mensonge, ceux qui parlent mais ne font rien, la morosité, le chacun pour soi
- mes défauts : exigeant
- mes qualités : optimiste, franc, mon expérience m'a appris l'écoute et le goût du travail en équipe
- mes passe-temps : la marche, la musique, aller dans le jardin en fin de journée quelques minutes

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