L'Oise Agricole 22 août 2024 a 07h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

«Heureuse de m'être installée, mais inquiète pour les années à venir»

À 25 ans, Armelle Fraiture est installée en Gaec avec son concubin Alexis Delval sur la ferme laitière familiale de Saint-Léger-en-Bray.

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- © DLC

«L'agriculture et le syndicalisme agricole, on peut dire que je suis tombée dedans toute petite», sourit Armelle Fraiture. La jeune femme est en effet la fille de Thierry Fraiture, exploitant à Saint-Léger-en Bray, près de Beauvais, bien connu pour sa forte motivation à manifester et gérer la Cuma du Sud-Ouest.
Des trois filles de Thierry et Isabelle Fraiture, Armelle est la seule à avoir manifesté dès son plus jeune âge un attrait pour la ferme et les vaches laitières. Le reste a suivi : un Bac STAV (sciences et technologies de l'agronomie et du vivant) à Pierrefonds, une année pas concluante à l'Ihedrea (Institut des hautes études de droit rural et d'économie agricole) puis, pendant le Covid, un BTS Acse (analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole) à Reims, «histoire de voir ailleurs d'autres productions et de faire des rencontres».
À son retour, elle s'inscrit au Service de remplacement de l'Oise où elle reste environ un an. «J'ai réalisé des missions surtout en élevage et cela m'a permis de découvrir d'autres façons de conduire le troupeau, c'est une très bonne expérience pour démarrer», reconnaît-elle.
Ensuite, direction la Somme où elle devient animatrice de JA 80. «Étant moi-même adhérente à JA Oise, j'ai adoré ce travail : cela m'a permis de comprendre ce que c'est que de mettre en musique les décisions des élus dont nous sommes les petites mains et de devoir leur rendre des comptes !»
De ce passage dans la Somme, elle ramène Alexis Delval, son compagnon, 25 ans comme elle, qui a pour projet de reprendre le troupeau laitier de son oncle, double actif dans la Somme.


Un projet à deux
Leur installation sur la ferme de Saint-Léger-en-Bray, ils vont la bâtir à deux. «Au départ de la réflexion, j'habitais encore dans la Somme, ce qui n'est pas facile pour effectuer toutes les démarches. Il fallait suivre le parcours à l'installation, contacter tous les propriétaires de la ferme, qui sont quand même une vingtaine», explique Armelle.
À cela s'ajoute une difficulté opérationnelle : ramener de la Somme les 40 laitières et les élèves, soit 86 bêtes au total. Comme il n'y a qu'une seule salle de traite sur la ferme, impossible de respecter la quarantaine de deux semaines obligatoire. Avec des analyses de sang négatives, le regroupement est accepté de façon dérogatoire par le GDS, deux voyages seront nécessaires pour transporter les bêtes jusqu'à la ferme.
Le projet est basé sur l'atelier laitier avec 80 vaches, Prim'Holstein essentiellement, pour une production de 700.000 litres, l'atelier allaitant sera diminué de moitié pour arriver à 20 vaches allaitantes et la production de boeufs laitiers croisés en montbéliard et normand, le tout sur une surface inchangée de 200 ha, dont la moitié en prairies permanentes avec seulement 5 ha attenant au corps de ferme. «Les 100 ha de terres labourables se partagent en 40 ha de maïs ensilage, 40 ha de blé, 2,5 ha de betteraves fourragères et le reste en colza et escourgeon», détaille la jeune femme. Le seul changement prévu est l'introduction de la luzerne dans l'assolement, à hauteur de 5 ha l'année prochaine, peut-être plus à l'avenir, pour une récolte en foin ou enrubannage.
Le principal projet de l'installation consiste à changer la salle de traite, sous-dimensionnée pour le troupeau actuel. «Nous avons acheté d'occasion en Bretagne une salle 2 x 8 qui va remplacer notre actuelle 1 x 12. Comme il n'y a pas assez de place dans l'actuelle de traite, nous allons l'installer dans notre bâtiment plus éloigné, qui accueille aujourd'hui les génisses, l'atelier allaitant et du stockage. Le troupeau laitier y sera déplacé. Mais il nous faut d'abord creuser une fosse à lisier.» Avec une rivière qui traverse le corps de ferme, la route et des voisins à proximité, pas facile de réorganiser le corps de ferme.
Cette nouvelle salle de traite, financée grâce à un PréAd, devrait permettre de gagner du temps. «Il y a trop de vaches à traire actuellement. Entre le moment ou j'allume le bouton et celui où je l'éteins, je passe entre 3 et 4 heures, cela fait de très longues journées. Nous allons vendre quelques bêtes pour diminuer un peu la charge. Mais notre projet est conçu pour tenir compte d'évolutions futures, par exemple l'installation d'un robot.»

Première année décevante
Et puis cela fera un peu de trésorerie, en cette année de récolte catastrophique. «50 quintaux en escourgeon, 55 en blé, 25 en colza. Dans le projet d'installation, j'avais mis des rendements très moyens, à 70, mais, là, c'est pire que tout !», déplore Armelle. Comme les deux jeunes se sont installés en avril de cette année, ils n'ont pas pu contracter une assurance récolte.
Alexis et Armelle ont d'ailleurs du mal à se faire une idée de ce que sera leur premier exercice, commencé en avril  de cette année. Heureusement qu'il y a un différé pour le prêt à l'installation contracté auprès de la caisse de Crédit Agricole Brie Picardie, mais les fermages sont à la hausse et la moisson n'apportera pas les rentrées espérées. «Le lait et la viande vont assurer de la trésorerie, mais je reste néanmoins inquiète pour les années à venir.»
Le lait est livré à Eurial, la branche lait d'Agrial, à Quicampoix-Fleuzy (76). Le prix de base payé aux producteurs est actuellement de 428 EUR/1.000 litres, mais une valorisation du prix devrait être accordée aux jeunes installés pour les motiver à garder la production laitière et assurer la collecte du groupe. «La laiterie accorde aussi une aide sur 5 ans, c'est indispensable quand on s'installe.»
Heureusement, cette année, les fourrages ne devraient pas manquer. Les betteraves fourragères poussent bien, il y a de l'herbe dans les pâtures, les maïs présentent bien pour l'instant et la récolte de foin a été bonne. «Année de foin, année de rien ! Cela se confirme en 2024», souffle la jeune agricultrice.
Si ce premier exercice est celui de l'adaptation du troupeau, du calage de la nouvelle organisation, en quelque sorte du rôdage, Alexis et Armelle attendent surtout 2025 pour trouver leur rythme de croisière et mesurer la réussite de leur projet. Malgré la charge de travail, ils arrivent à se ménager des moments sympas avec leurs amis et réfléchissent à organiser leur mariage prévu l'année prochaine. 2025 sera décidément une grande année !

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