«Gérer la ressource en eau avant la pénurie est une première en France»
Sécheresse, gel, grêle, inondations… Les aléas climatiques impactent lourdement l’agriculture régionale. Pour trouver des réponses à ces incertitudes, les Chambres d’agriculture des Hauts-de-France ont réuni les représentants des filières agricoles autour du projet Clim’eaufil. Un point d’étape avait lieu le 28 novembre, au Paraclet, à Cottenchy.
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Un haricot est composé à 80 % d’eau. «Cesser d’en produire en Hauts-de-France parce que la culture est gourmande en eau, et l’importer du Kenya qui souffre bien plus que nous du manque d’eau, est aberrant. On ne rend pas service à la planète en fonctionnant dans ce sens», image Laurent Degenne, président de la Chambre d’agriculture Hauts-de-France.
Ce 28 novembre, au lycée du Paraclet, la chambre régionale invitait les acteurs du projet et les filières agricoles au deuxième rendez-vous Clim’eaufil*, pour «bâtir ensemble des stratégies d’adaptation». Il s’agissait d’un point d’étape de ce projet, né en 2021, qui consiste en l’élaboration d’une feuille de route de l’adaptation de l’agriculture régionale au changement climatique à l’horizon 2030-2050.
Selon les prévisions des scientifiques, le volume de pluviométrie ne devrait pas changer en Hauts-de-France dans les années à venir. Chaque année, il tombe en moyenne 750 mm d’eau sur la région, dont profitent les 2,2 millions d’hectares de SAU (surface agricole utile), soit plus de deux-tiers du territoire. «Seulement, nous allons connaître des périodes de sécheresses plus longues, et des périodes de pluviométrie intense plus longues également. Il nous faut trouver des solutions pour gérer les périodes de pénurie et de surabondance», pointe Laurent Degenne. «Nous devons établir l’équilibre entre souveraineté alimentaire et nécessité de protéger les ressources en eau. Pour cela, l’agriculture est source de solutions», ajoute Pascale Nempont, cheffe du pôle innovation stratégie et prospective à la chambre régionale.
Des leviers nommés «7R»
Après une première phase de «bilan» des besoins en eau des filières et des impacts du changement climatique sur celles-ci, des leviers pour favoriser la recharge des nappes, résumés sous la formule des «7R» - classés selon leur priorité -, doivent être déclinés par filière : réserve utile du sol, résistance des plantes, recharge des nappes, rétention par le sol, réutilisation de l’eau, réserves d’eaux excédentaires et, en dernier lieu, le redimensionnement de l’assolement. «Nous changeons complètement de modèle. Nous nous attachons à gérer la ressource en eau, avant la pénurie. Et ça, c’est une première en France», assure Laurent Degenne.
Des efforts sont à fournir par tous les maillons de la chaîne. Concernant la résistance des plantes, le pois de conserve est un exemple. «Jusqu’ici, la qualité gustative du légume et son adaptation au process industriel primaient. Sa résistance au manque d’eau doit désormais faire partie des priorités en termes de sélection variétale», pointe Laurent Degenne. Des études doivent être poursuivies en matière de pratiques agricoles. «On sait par exemple que les Cipan (cultures intermédiaires piège à nitrates) sont favorables à une eau de qualité. Mais ils participent aussi à l’évapotranspiration. Il faut la quantifier, pour donner des clés aux agriculteurs quant à leur pilotage le plus résilient possible.»
Réutilisation et stockage
La réutilisation de l’eau est un sujet dont s’emparent de plus en plus d’industriels, à l’image de la sucrerie Cristal Union de Sainte-Émilie. Cet été, celle-ci a mis à disposition de ses planteurs-irrigants voisins de l’usine 500 000 m3 d’eau. Une cinquantaine d’agriculteurs en ont bénéficié. Une pratique vertueuse que le grand public apprécie. Le sujet des réserves d’eau est en revanche plus délicat à aborder, bien que leur intérêt soit réel. «L’idée est de stocker l’eau de surface excédentaire pour l’utiliser lorsque les nappes phréatiques sont plus basses, en période de sécheresse. Cela implique de quantifier cette eau en excès, d’un point de vue anthropique et écologique», précise le président de la chambre régionale.
La deuxième phase du projet débutera en 2024. Objectif : définir le cap qui permettra de construire les feuilles de route. À la suite, la troisième phase définira le cadre de la mise en oeuvre des actions qui en découleront.
* Conseil régional, Chambre d’agriculture des Hauts-de-France, Draaf, Dreal, Agence de l’Eau Artois Picardie et Agence de l’Eau Seine Normandie portent le projet Clim’eaufil
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